France

Procès de Cédric Jubillar : Critiques des médias pour leur rôle envahissant

Cinq ans après la nuit du 15 au 16 décembre 2020, Cédric Jubillar est jugé pour meurtre devant les assises du Tarn. Depuis le début du procès, près de 60 médias sont accrédités, et une vidéo diffusée par Quotidien a provoqué la colère de la défense, entraînant la perte de l’accréditation de ce média.


Cinq ans après la disparition de Delphine Jubillar, infirmière de 33 ans, survenue dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020 à Cagnac-les-Mines, son mari Cédric est actuellement jugé pour meurtre devant les assises du Tarn. Ce procès, qui a débuté le 22 septembre, ne se limite pas à un cadre judiciaire ; il est envahi par une couverture médiatique excessive, transformant ce drame en feuilleton national. Cette omniprésence des médias suscite des débats au sein de la cour et pèse sur les proches de Delphine ainsi que sur le déroulement du procès.

Dès les premiers jours, l’affaire est devenue une obsession collective, passant d’une disparition locale à un sujet d’intérêt majeur. Une émission comme « Appel à témoins » sur M6 a mobilisé le public, mais a également engorgé les enquêteurs avec une multitude d’informations. Un ancien chef de la section de recherches de Toulouse, entendu mercredi, a déclaré : « La presse a été omniprésente. » Cette surexposition complique les investigations, comme le précise l’enquêtrice de personnalité Gaëlle Carraux-Alfort : « De par la médiatisation de l’affaire, il y a eu beaucoup de monde à rencontrer, tous les témoins étaient informés des faits, ce qui n’est pas le cas dans les autres enquêtes. »

Les proches de Delphine subissent les conséquences de cette médiatisation. Sa sœur aînée, Stéphanie, évoque : « La disparition de ma sœur a changé ma vie avec l’arrivée des enfants qui n’était pas prévue et la médiatisation. » Elle poursuit, la voix tremblante : « La médiatisation, c’est difficile à gérer. » Les enfants « évoluent assez bien vu le contexte », mais ressentent une pression continue. Le frère cadet, Mathieu, a quitté la France pour le Canada à cause de la forte médiatisation de l’affaire. L’ex-compagne de Cédric, Séverine, a également dénoncé, par l’intermédiaire de son avocat, un harcèlement médiatique.

Les enquêteurs rencontrent des difficultés à trier des témoignages biaisés par les nombreuses fuites d’informations : « Certains journalistes se trouvaient très près de [notre] niveau d’informations », déplore le directeur d’enquête. Une autre enquêteuse évoque la gestion d’un « ordre public » perturbé par cette frénésie médiatique. Les avocats ont soulevé, tout au long du procès, l’intrusion des médias, ce qui aggrave la situation pour les victimes et les enquêtes.

La surmédiatisation s’est également manifestée au tribunal. Le procès, qui se déroule à Albi, attire des centaines de journalistes, avec près de 60 médias accrédités. Deux salles sont réservées, offrant 80 places pour la presse, ainsi que des règles strictes pour gérer ce flux médiatique. Ce contexte intensifié a été renforcé par l’autorisation de photographier et de filmer l’accusé.

Un incident a cependant provoqué une vive émotion en ce début de procès. Quotidien a diffusé une séquence filmée illégalement, dans laquelle Cédric Jubillar échange avec son avocate, Me Emmanuelle Franck. Dans cette séquence, elle lui demande de baisser la tête dans le box. Cette vidéo, sous-titrée et diffusée le 23 septembre, a suscité la colère de la défense, qui a annoncé une plainte pour « atteinte grave aux droits de [leur] client ». En conséquence, Quotidien a perdu son accréditation, et la cour a interdit toute captation d’images de l’accusé, mettant ainsi fin à un ballet de caméras qui envahissaient la salle à chaque suspension de séance.

Malgré l’interdiction des caméras, la presse conserve un rôle central dans le procès Jubillar, notamment par l’intermédiaire de Ronan Folgoas, reporter du Parisien et spécialiste de l’affaire. Ses articles, publiés depuis la disparition de Delphine, sont souvent cités.

Mercredi, la tension a monté lorsque Me Emmanuelle Franck a directement remis en question l’indépendance du reporter. Interrogeant le directeur d’enquête Bernard Lorvellec, elle a déclaré, choquant les journalistes présents : « Ça fait quatre ans que je pense que vous timez les articles du Parisien », insinuant une collusion entre le gendarme et Folgoas pour orchestrer les révélations. Bernard Lorvellec s’est défendu en invoquant le secret de l’instruction et son souci de protéger les témoins de l’intérêt des médias. Ronan Folgoas, présent en tant que simple journaliste et non comme témoin, n’a pas eu l’occasion de répondre à ces accusations.