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Présidentielle américaine 2024 : Biden-Trump, l’inévitable revanche dont personne ne veut

De notre correspondant aux Etats-Unis,

Dans une Amérique plus divisée que jamais, les électeurs sont au moins d’accord sur un point : deux sur trois ne veulent ni de Joe Biden, ni de Donald Trump pour la présidentielle de 2024, selon un sondage pour Reuters. Mais, alors que le président américain a officialisé sa candidature ce mardi, et que Donald Trump reste le favori de la primaire républicaine, on semble se diriger vers la grande revanche de 2020, avec un scrutin qui sera arbitré par l’âge de Biden, les ennuis judiciaires de Trump, l’inflation et l’avortement.

Une autoroute pour Biden, Trump favori de la primaire

Les démocrates ont retenu la leçon de la débâcle de 1980. Le parti s’était déchiré avec une primaire contestée entre le président sortant Jimmy Carter, très impopulaire, et Ted Kennedy. Si Carter avait survécu, il avait ensuite connu une déroute face à Ronald Reagan. Malgré sa relative faiblesse dans les sondages, avec 42,6 % d’Américains satisfaits, Joe Biden dispose d’un boulevard devant lui. Kamala Harris est à ses côtés dans la vidéo d’annonce – et a précisé sur Twitter qu’elle était bien sa colistière pour 2024 – et le gouverneur de Californie Gavin Newsom s’est rangé derrière Biden après l’annonce officielle.

Les candidatures de la prêtresse du self-love Marianne Williamson et du vaccino-sceptique Robert F. Kennedy Jr relèvent de l’anecdote. Sauf pépin de santé, et à moins d’une fronde de Bernie Sanders, Joe Biden devrait être couronné sans avoir eu à débattre, lors de la convention qui se tiendra du 19 au 22 août 2024, à Chicago.

Donald Trump, lui, devra passer par une primaire fratricide. Son ex-ambassadrice aux Nation unies, Nikki Haley, s’est déjà lancée, tout comme l’ex-gouverneur de l’Arkansas, Asa Hutchinson, qui a dénoncé, avec force, les violences du Capitole. Mais les yeux sont surtout tournés vers l’ancien vice-président Mike Pence, et surtout vers Ron DeSantis. Le gouverneur de Floride, qui fait durer le suspense, cherche à booster son CV international avec une visite au Japon. S’il a percé dans les sondages après la contre-performance des républicains soutenus par Trump aux midterms, le soufflé DeSantis est vite retombé : une étude MorningConsult, publiée mardi, le place 37 points derrière Trump (21 % contre 58 %).

Sur Truth Social, l’ancien président a mis en doute sa participation aux deux premiers débats de la primaire républicaine, demandant pourquoi il risquerait de s’exposer à la « calomnie », alors que son avance est, selon lui, « insurmontable ». La convention républicaine se déroulera à Milwaukee, dans l’Etat crucial du Wisconsin, du 15 au 18 juillet 2024.

Age de Biden, affaires judiciaires de Trump, inflation et avortement en arbitre

A 80 ans, Joe Biden est déjà le président américain en exercice le plus âgé. S’il était réélu, il aurait 86 ans à la fin d’un second mandat. Chiffre inquiétant pour lui : 61 % des électeurs démocrates le jugent trop vieux pour occuper des fonctions présidentielles, selon un sondage Ipsos pour Reuters. En face, seulement 35 % des républicains ont la même opinion pour Donald Trump, qui aura 77 ans en novembre 2024, et 81 ans à la fin d’un éventuel 2e mandat.

Biden, qui s’emmêle souvent à l’oral – en partie à cause de son bégaiement – et donne parfois l’impression de chercher son chemin, devra rassurer sur ses fonctions cognitives. Nikki Haley, 51 ans, réclame un test d’aptitude pour tout candidat âgé de plus de 75 ans, ce qui s’appliquerait à Biden, mais aussi à Trump.

Donald Trump, lui, doit faire campagne en étant cerné par les affaires judiciaires. Après son inculpation au pénal, une première historique, devant la justice de New York dans l’affaire du paiement à l’ex-pornstar Stormy Daniels, le candidat est actuellement poursuivi en diffamation, au civil, par une ancienne chroniqueuse qui l’accuse de viol.

La procureure de Géorgie, qui enquête sur les pressions de la campagne de Trump lors de la présidentielle de 2020, a indiqué qu’elle annoncerait entre le 11 juillet et le 1er septembre si elle retenait des charges. Surtout, le procureur spécial Jack Smith, qui a repris les enquêtes sur l’assaut du Capitole, le scrutin de 2020 et la gestion des documents classifiés, devrait bientôt pouvoir faire témoigner Mike Pence devant un grand jury. Si des inculpations – et même une condamnation – ne pourraient pas empêcher Donald Trump de se présenter, il pourrait se retrouver affaibli lors de la primaire.

Côté politique, l’inflation reste une épine dans le pied de Joe Biden, qui tente de faire de sa réélection une bataille pour les libertés, notamment pour la défense du droit à l’avortement. Alors que la Cour suprême est revenue sur l’arrêt Roe contre Wade l’an dernier, l’électorat démocrate s’est mobilisé en force lors des midterms, et le bras de fer continue désormais sur la pilule abortive. Donald Trump, lui, se pose en défenseur des armes à feu et en champion de la lutte contre l’immigration illégale. Il mise toujours sur son programme « MAGA » («  make America great again », « rendre sa grandeur à l’Amérique ») tandis que Joe Biden veut « finir le job ». La campagne, qui devrait s’accélérer à la fin de l’été, et s’étirer sur dix-huit mois, s’annonce déjà interminable.