France

Présidence LR : Avec le duel Retailleau – Wauquiez, la droite est-elle condamnée à la « guerre des chefs » ?

Une candidature vécue comme une déclaration de guerre. Bruno Retailleau a surpris son monde, mercredi dernier, en se portant candidat à la présidence des Républicains dans une lettre envoyée aux militants. Le ministre de l’Intérieur « prend la lourde responsabilité d’ouvrir une guerre des chefs », a alors vivement réagi l’entourage de Laurent Wauquiez. Ce dernier, qui s’imaginait déjà remporter le scrutin dans un fauteuil (celui du patron de la droite), a dû accélérer et se lancer à son tour. Alors que le bureau politique du parti doit fixer les modalités de la campagne ce lundi soir, LR craint de voir ressurgir ses vieux démons.

« La guerre Copé-Fillon a laissé des traces »

Ces dernières années, la droite s’est en effet régulièrement fracturée sur des combats de chefs, lors de campagnes présidentielles ou pour prendre la tête du parti (ce qui fait souvent figure de tremplin) : Chirac-Balladur en 1995, Villepin-Sarkozy avant 2007, Sarkozy-Fillon-Juppé lors de la primaire de la droite en 2016. Mais c’est probablement la bataille Copé-Fillon pour la présidence de l’UMP en 2012, où chaque candidat a revendiqué la victoire après l’annonce des résultats, qui a le plus marqué la famille gaulliste.

« C’est vrai que cette confrontation a été dure, avec des huissiers au siège du parti, les longues nuits passées avec la Cocoe*, les passages devant les tribunaux… Chaque matin on se disait  »mon Dieu, qu’est-ce qu’on a encore aujourd’hui ? » », soupire le sénateur Roger Karoutchi, à l’époque directeur de campagne de Jean-François Copé, finalement déclaré vainqueur. « Cette guerre interne a laissé des traces. Les militants ne veulent plus voir ça. On n’est pas obligés de transformer une élection interne en lutte armée », ajoute l’ancien ministre.

Le pacte rompu

Les deux candidats ont donc tout fait pour montrer patte blanche avant le lancement de la campagne. « Cela ne sera pas un match sanglant, je m’y engage », a professé dimanche Bruno Retailleau dans une interview au Parisien. « Le pire des scénarios c’est précisément une guerre de chefs », prévenait de son côté Laurent Wauquiez sur BFMTV. Mais derrière la bienséance, les deux hommes n’ont pu s’empêcher de s’envoyer de premières piques de campagne. L’ex-patron de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui a dirigé le parti de 2017 à 2019, a reproché à son concurrent de vouloir cumuler fonction ministérielle et campagne interne. « La délinquance ne s’arrête pas à 18 heures » ni « le week-end », a-t-il critiqué, s’estimant plus libre que son rival. « Je ne suis pas l’otage de François Bayrou, et je ne lui dois rien ». Bruno Retailleau lui a rappelé qu’il avait lui aussi tenté d’entrer au gouvernement ces derniers mois…

Derrière cette querelle, une histoire de pacte rompu. Lors d’un dîner en tête-à-tête à Beauvau il y a quinze jours, Laurent Wauquiez aurait rappelé au ministre de l’Intérieur les termes d’un « accord » scellé en fin d’année : au premier la reconstruction du parti, au second l’incarnation gouvernementale. « Les deux s’entendaient bien jusque-là, mais en se portant candidat, il y a une forme de trahison de la part de Retailleau », soupire un soutien de Wauquiez.

« Avec la droite, ce n’est jamais de l’opérette »

Pacte rompu, trahison, ambitions personnelles… Faut-il y voir le début d’une implacable confrontation ? « Ce ne sera pas une guerre totale. Mais une campagne, c’est toujours un combat. Et avec la droite, ce n’est jamais de l’opérette », reconnaît un membre du bureau politique. Si la précédente campagne pour prendre le parti, entre Bruno Retailleau et Eric Ciotti fin 2022, s’est plutôt bien passée, le contexte est aujourd’hui tout autre : « Retailleau et Wauquiez ont le couteau entre les dents, car derrière se joue bien sûr la présidentielle », souligne un cadre.

Au sein du parti, on tente de faire descendre la température pour éviter le psychodrame Fillon-Copé. « En 2012, on avait 220.000 adhérents, contre 45.000 aujourd’hui. La bataille était d’autant plus rude qu’on était encore dominants sur la scène politique, on pensait vite revenir au pouvoir. L’enjeu n’est pas le même aujourd’hui », souligne Roger Karoutchi. « Nos militants ne veulent pas qu’on s’entretue, et celui qui prendrait ce risque pourrait le payer cher », poursuit le sénateur des Hauts-de-Seine.

« Il y a un risque qu’on se divise car au niveau des guerres fratricides, on est des champions. Mais on n’est plus dans la même position qu’il y a dix ou vingt ans », abonde Eric Pauget, député des Alpes-Maritimes. « Alors qu’on reprend tout juste des couleurs, ce serait dommage qu’une guerre vienne tout anéantir. D’autant qu’on peut se reconstruire facilement quand on est forts, mais quand on est plus faibles comme aujourd’hui… »