Près de 5.000 adultes disparaissent volontairement chaque année.
Environ 5.000 adultes se volatilisent chaque année, selon les associations. L’an dernier, le ministère de l’Intérieur a dénombré 53.000 disparitions, dont près des trois quarts concernent des mineurs.
Claquer la porte et laisser derrière soi sa vie d’avant, ses ennuis, ses inquiétudes, mais aussi son travail, ses proches ou même ses enfants. Abandonner son identité pour recommencer ailleurs, loin. Si ce projet est parfois évoqué sur le ton de la plaisanterie ou comme un fantasme, certaines personnes passent à l’acte et disparaissent un beau matin sans laisser de traces. C’est d’ailleurs le point de départ du film **Les enfants vont bien** réalisé par Nathan Ambriosini, qui sort en salles ce mercredi.
Selon les associations, environ 5.000 adultes se volatilisent chaque année. « Il n’y a pas de profil spécifique, mais souvent les adultes qui disparaissent volontairement ressentent un sentiment de saturation, un contexte familial et professionnel qui ne leur convient plus. Il y a une volonté de se réinventer ailleurs », analyse le sociologue David Le Breton, qui a écrit un livre sur le thème des disparitions volontaires, **Disparaître de soi, une tentation contemporaine**. Dans certains cas, le départ est minutieusement préparé – de l’argent est mis de côté, un point de chute identifié – jusqu’au moment opportun. Cela concerne parfois les victimes de violences intrafamiliales ou des personnes se sachant recherchées par la justice. Mais plus fréquemment, la décision de partir se prend de manière brutale.
**La liberté fondamentale d’aller et venir**
Néanmoins, le chercheur nuance le chiffre de 5.000, car il inclut aussi les « suicides silencieux », c’est-à-dire ceux qui s’assurent que leur corps ne soit pas retrouvé, ou les victimes d’un crime dont le corps a été caché. « Ce chiffre correspond à ceux qui disparaissent administrativement, c’est-à-dire ceux qui, au-delà de rompre les contacts avec leur entourage, n’utilisent plus leurs papiers d’identité ou leur compte bancaire », précise le sociologue. Il est difficile de savoir exactement combien de personnes font ce choix, car aucune statistique n’existe sur le sujet.
Jusqu’en 2013, les forces de l’ordre ouvraient systématiquement une enquête de « recherche dans l’intérêt des familles ». On en enregistrait alors environ 5.000 par an. Cependant, ce dispositif a été supprimé par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Manuel Valls, au nom de la liberté fondamentale d’aller et venir. En effet, pour un majeur, disparaître sans laisser de traces et sans en informer ses proches n’est pas une infraction pénale. Seules les disparitions dites « inquiétantes » font l’objet de recherches. L’an dernier, le ministère de l’Intérieur a recensé 53.000 disparitions, dont près des trois quarts concernent des mineurs. La complexité est que ce terme ne renvoie pas à une réalité juridique précise.
**« Les retours sont assez rares »**
Par principe, toutes les disparitions de mineurs ou d’adultes sous tutelle ou curatelle sont considérées comme inquiétantes. Pour les majeurs non protégés, il appartient aux forces de l’ordre de réaliser une évaluation. « Dans certains cas, c’est évident, précise une source policière. La disparition d’une personne suicidaire, d’une victime de menaces ou même radicalisée sera considérée comme suspecte. Parfois, c’est un témoignage qui nous alerte. »
Cependant, il arrive que le faisceau d’éléments ne soit pas probant et qu’aucune enquête ne soit ouverte, au grand dam des familles de disparus, laissées dans l’incertitude. « Les retours sont assez rares, surtout après plusieurs mois ou années, précise le sociologue David Le Breton. Souvent, la personne disparue recommence une nouvelle vie, et revenir implique aussi d’affronter la douleur immense de ceux qu’on a laissés derrière soi. »

