France

« Près de 20% des ados ont des troubles du sommeil », alerte une spécialiste du sommeil

Le sommeil est une problématique de plus en plus récurrente chez les ados : à l’origine de troubles physiques et psychologiques, bien dormir est primordial. À ce sujet, la Maison des adolescents de Nantes organise ce jeudi une conférence publique autour du sommeil des adolescents, à l’occasion de la 23e journée internationale du sommeil vendredi 17 mars. Le Dr Laurene Leclair-Visonneau, neurologue spécialiste du sommeil et responsable du Centre du sommeil au CHU de Nantes, co-anime cette conférence, intitulée « Le sommeil : une histoire à dormir debout ? ». Pour 20 Minutes, elle explique les causes et les conséquences du mauvais sommeil des ados.

Dr Leclair-Visonneau, neurologue, responsable du Centre de sommeil du CHU de Nantes.
Dr Leclair-Visonneau, neurologue, responsable du Centre de sommeil du CHU de Nantes. – L.Leclair-Visonneau

Les ados dorment-ils mal ?

Il y a des modifications physiologiques naturelles à l’adolescence qui causent naturellement un allègement du sommeil. Les ados ont l’impression de moins bien dormir parce que leur sommeil est moins lourd qu’auparavant, on parle de maturation du sommeil. Il y a un pourcentage important d’ados qui ont des troubles du sommeil : c’est de l’ordre des 15-20%. En plus de cela, près d’un ado sur trois se plaint de somnolence dans la journée. La prévalence des pathologies du sommeil est conséquente chez les ados. 

Y a-t-il des facteurs qui amplifient le phénomène ?

Il y a plusieurs facteurs qui aggravent le manque de sommeil. La consommation des multimédias, bien sûr. Cela diminue le temps de sommeil et entraîne une privation chronique de sommeil. Selon l’Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV), 80% des Français sont concernés par des réveils nocturnes. Chez les ados, on peut imaginer que les notifications du téléphone portable pendant la nuit renforcent ce phénomène. 

Post-covid, on a une aggravation de la santé mentale chez les adolescents qui joue un rôle important. Le sommeil est multidimensionnel : un trouble anxieux ou des symptômes dépressifs se traduisent par des troubles du sommeil. Insomnies, difficultés d’endormissement, réveils précoces, augmentation du besoin de sommeil… Les conséquences sont nombreuses. 

Les ados ont-ils les mêmes besoins de sommeil que les adultes ?

Les besoins moyens de sommeil diminuent progressivement avec l’avancée en âge. À 10 ans, c’est environ 10 heures ; à 13 ans c’est 9 heures, chez l’adolescent c’est entre 8 et 9 heures tandis que chez l’adulte c’est entre 7 et 8 heures. Il y a des degrés de variabilité parmi les individus : si on fait beaucoup de sport, on aura bien sûr plus besoin de sommeil. Les personnes en croissance ont naturellement plus besoin de dormir que les adultes, mais il y a une diminution avec l’âge : il n’y a pas de rebond particulier à l’adolescence. 

Quelles sont les conséquences d’un déficit de sommeil chez les ados ?

Un déficit de sommeil a des conséquences pour tout le monde. Mais chez l’adolescent, c’est peut-être encore plus poignant car il est en phase d’apprentissage : les compétences scolaires en pâtissent, ce qui peut entraîner un retard scolaire. Le manque de sommeil influe sur la concentration, la mémorisation, l’humeur, la somnolence.

On note des conséquences métaboliques aussi : une appétence pour la nourriture grasse et sucrée, donc un risque accru de prise de poids. Ça augmente aussi la consommation d’excitants : le café, le tabac… Si on le compare à la conduite automobile, après 24 heures de dette de sommeil, les performances sont équivalente à 0,8 grammes d’alcool ! Le déficit de sommeil aggrave aussi la santé mentale, c’est un cercle vicieux : il y a plus de risques de rechute après une dépression, plus de risques de suicide. Ne pas assez dormir potentialise la gravité de la pathologie psychiatrique.

Quels conseils donneriez-vous à un adolescent pour faciliter l’endormissement ?

Il faut laisser le portable en dehors de la chambre. Idéalement, il ne faudrait plus utiliser son téléphone après le dîner. Entre un ado qui dort avec son portable et un ado qui le laisse à l’extérieur, on observe une différence de 45 minutes sur le temps d’endormissement. Quand les parents donnent des consignes sur les horaires de coucher, il y a beaucoup moins de troubles du sommeil chez les ados. Ce n’est pas si mal que les adultes soient sur le dos de leurs enfants !

Il faut avoir un coin calme dans la chambre qui n’est pas son lit, pour ne pas l’associer à des activités éveillantes. Ensuite, la lecture ou de la musique calme permettent d’attendre de ressentir les signaux de sommeil. Les yeux qui piquent, les bâillements, la baisse de la concentration : dès que ces signes apparaissent, il faut aller se coucher dans les 10-15 minutes qui suivent ! Si on loupe ce train du sommeil, l’envie de dormir revient par cycle, une heure et demie plus tard.

La température corporelle joue dans l’endormissement ?

Il ne faut pas chauffer son lit. On a un creux de température dans la nuit entre 3h et 5h du matin, puis elle remonte jusqu’à 21h, avant de commencer à redescendre. C’est pendant cette baisse de température corporelle que l’on s’endort. Donc si on essaye de dormir dans un lit chauffé depuis des heures, avec son ordinateur sur les cuisses en regardant une série, c’est la pire chose à faire !