France

Pourquoi « peut-on » tuer des centaines de chamois dans le Doubs ?

Mais qui veut la peau du chamois ? Voilà plusieurs mois déjà que de nombreuses associations de défense animale tirent la sonnette d’alarme et dénoncent des quotas de chasse 2024-2025 trop importants dans le Doubs. Cette chasse au chamois, ils n’hésitent pas à la qualifier de « massacre ». Une « tuerie », selon la Fondation Brigitte Bardot dans un courrier du 31 décembre adressé au préfet du Doubs Rémi Bastille, après avoir appris « avec effroi » l’autorisation de prélever près de 600 chamois au motif de réguler l’espèce. Une pétition en ligne, lancée par l’association Humanimo recueille désormais près de 72.000 signatures. Mais pourquoi donc en vouloir au chamois que l’on imagine perché tranquillou sur son bout de rocher ?

Si le nombre de 600 chamois (594 précisément) à prélever figure bien dans l’arrêté préfectoral du 21 août 2024, « il s’agit cependant d’un maximum autorisé, relativise Thibaut Powolny, directeur technique et scientifique de la Fédération départementale de chasse du Doubs (FDC 25). C’est le haut de la fourchette, qui va de 425 à 594 chamois, avec un minimum de prélèvement à réaliser imposé par la préfecture de 259 bêtes ».

Moins 20 % de chamois dans le Doubs

Dans les faits, la fédération explique n’avoir finalement autorisé que 470 prélèvements -200 de moins de que l’an dernier- pour les 1.140 chamois qui ont été dénombrés. Un mode de comptage d’ailleurs contesté pour « son imprécision » par les associations. Mais « un nombre inférieur à la réalité », expliquent les chasseurs, le comptage s’étant effectué « sur 5.000 hectares seulement alors qu’il y a un total de 230.000 hectares boisés, explique le directeur technique et scientifique de la FDC25. En réalité, il y a plus, de chamois, mais c’est invérifiable ».

Si la fédé de chasse a diminué le nombre d’autorisations de prélèvements, c’est qu’elle a « constaté une tendance à la baisse du nombre de chamois, de 20 % environ. Au final, c’est la fin de la chasse ce jeudi et 340 chamois ont été prélevés cette année ».

Du côté des assos animalistes, le compte n’y est pas. « Un seul chamois, c’est un de trop et les quotas sont toujours trop hauts même s’ils baissent, c’est n’importe quoi », s’exaspère Jean Chapuis, délégué de l’Association pour la protection des animaux sauvages du Doubs (Aspas 25) qui mène la fronde. Principal argument des opposants, l’existence d’une régulation naturelle. « Par le lynx et le loup, détaille Jean Chapuis. On estime qu’il y a 30 à 40 lynx dans le Doubs qui prédatent environ 10 % de la population de chamois. Priver ces prédateurs de leurs proies naturelles n’a aucun sens et leur porte même indirectement atteinte puisque le lynx est une espèce protégée. »

Mangeur de bourgeons et de jeunes feuilles

Autre grand sujet de discordes, les dégâts forestiers attribués au chamois. Si l’ONF, dans ses relevés communiqués aux services de l’Etat pour l’élaboration du plan de chasse mais aussi lors d’une réunion de la commission départementale de la chasse et de la faune sauvage (CFDS), note des dégâts d’abroutissage et d’écorçages dans le Doubs, il semble impossible, selon l’Aspas, de les imputer aux chamois. « C’est surtout les forestiers qui reprochent ça aux ongulés sauvages, sans préciser si c’est du seul fait des chamois », appuie Jean Chapuis.

Selon lui, les forestiers reprochent surtout au chamois de brouter le haut des feuilles ou les bourgeons, ce qui est rédhibitoire pour la croissance des arbres. « Mais il est bien indiqué sur les cartes de l’ONF que ce broutage et écorçages n’est pas significatif », avance Jean Chapuis qui poursuit : « C’est invérifiable. Bien sûr que le chamois mange un peu d’herbe, il faut bien qu’il vive. Mais ces supposés dégâts forestiers liés aux herbivores non domestiques sont insignifiants et non avérés, ni documenté pour l’espèce chamois qui ne représente que 10 % des herbivores sauvages. »

Notre dossier sur la chasse

Associations protectrices des animaux et chasseurs se renvoient la balle. L’Aspas 25 déplore que, contrairement au bouquetin des Alpes qui lui est protégé par la loi, le chamois figure parmi les espèces chassables en France. Et que de cette autorisation, « certains chasseurs tuent des chamois pour leur loisir, pour le trophée. C’est un scandale environnemental ». Des arguments que la FDC 25 balaie. « Il faut garder en tête que c’est une espèce « gibier », qui à l’échelle européenne et nationale se porte bien, souligne Thibaut Powolny. On peut aussi rappeler que ce n’est pas une espèce originaire du massif du Doubs, elle a été relâchée et introduite depuis la Suisse il y a une quarantaine d’années, en partie pour la chasse. Elle est depuis chassée et ça n’empêche pas sa population d’augmenter ». Mais plus dans le Doubs.