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Pourquoi les pulls de Noël, jadis kitsch, ne sont-ils plus beaux ?

La saison des téléfilms de Noël démarre de plus en tôt, dès le 12 octobre cette année, contre le 6 décembre en 2014. En 2023, 74 % des sapins étaient vendus avant le 15 décembre, contre seulement 46 % en 2004.


Fini les couleurs criardes, les dessins grossiers et les guirlandes qui sortent des vêtements ou les bois de renne qui dépassent des manches. Autrefois symbole du kitsch, du mauvais goût et du second degré « so British », le pull de Noël a évolué. Il est désormais devenu élégant : avec des motifs jacquard, des dessins harmonieux et des laines de qualité. Même les couleurs sont moins flashy.

« La période de Noël est plus respectée qu’auparavant et suscite moins de moqueries », observe Sophie Malagola, créatrice et experte en tendances. Dans un monde en conflit et face à une catastrophe écologique imminente dans un contexte politique et économique difficile, « on a moins envie de se moquer de Noël ou de prendre cette période à la légère, mais plutôt de profiter de ces moments ». Le retour des cartes de vœux, des sapins plus épurés et des films de Noël moins extravagants, témoigne de ce changement. « Il y a dix ou vingt ans, nous avions des films comme Elfe, le Grinch ou Super Noël, beaucoup plus exubérants que ceux d’aujourd’hui », poursuit Dinah Sultan, directrice de style à l’agence Peclers Paris. Dans ce monde difficile, Noël doit redevenir beau, y compris à travers les vêtements.

### Des pulls plus beaux portés plus longtemps

Noël, maintenant sacralisé, s’étend dans le temps. La saison des téléfilms de Noël commence de plus en plus tôt. Cette année, elle a débuté dès le 12 octobre, contre le 6 décembre en 2014. En 2023, 74 % des sapins ont été vendus avant le 15 décembre, par rapport à seulement 46 % en 2004. Il y a deux ans, 7 % des sapins ont même été vendus dès novembre. Cette extension de la période de Noël réduit la place pour les pulls jugés moches. « Si l’on doit porter un vêtement longtemps, autant qu’il soit beau ! Un pull Ralph Lauren est plus joli qu’un pull kitsch avec un renne au nez rouge clignotant », plaide Sophie Malagola. Dinah Sultan ajoute : « Cette approche « One shot » permettait d’y aller à fond. Mais puisque Noël dure plus longtemps, nous pouvons nous permettre moins de choix. »

Les licences telles que Disney, Pokémon et Star Wars ont également envahi les pulls de Noël, contribuant à leur élégance croissante. Quelle franchise accepterait d’être associée à quelque chose de foncièrement ridicule ? Au-delà de la domination de Pikachu et Stitch, Thomas Zylberman, expert en mode au sein du bureau de tendances Carlin International, souligne également l’engouement pour le pull scandinave, qui semble fait main. « Il est porté au quotidien et convient aussi bien pour les festivités. Il suffit d’ajouter un accessoire pour un repas de fête ou un secret Santa au travail. » Dans ce cas, pourquoi acheter un pull moche quand on a déjà une pièce de qualité dans sa garde-robe ?

Enfin, les grandes marques se sont également approprié les pulls de Noël. « Elles les vendent à des prix élevés, rendant l’achat de quelque chose de moche inacceptable », sourit Luca Gallaccio, créateur de contenu dans la mode masculine.

### « La mode finit toujours par absorber le moche »

L’esprit de Noël et celui du second degré sont-ils en danger ? Ce sérieux excessif dans la mode est-il problématique ? « Nous vivons dans une société qui ne cherche pas à être fantaisiste en ce moment », admet Dinah Sultan. « Les choses ne doivent plus déborder et sont moins excessives, il y a une purification », regrette l’experte, faisant référence à la tendance des « cleans girls », des influenceuses promouvant une esthétique sobre et soignée.

Luca Gallaccio affirme : « La mode finit toujours par absorber le moche. Il y a dix ans, personne ne voulait porter des Birkenstock, mais aujourd’hui, LVMH les a rachetées et c’est devenu un accessoire iconique. » Le côté populaire du « moche » peut rendre un vêtement désiré et iconique, et le rebranding s’occupe du reste.

« Je ne sais pas si la mode est plus sérieuse, mais elle cherche à être plus responsable », conclut Thomas Zylberman. Le vilain pull de Noël, souvent acheté en ligne à bas prix, qui ne sert qu’une fois par an, semble en décalage avec une prise de conscience écologique. « Le vêtement jetable est presque devenu honni. Si vous en portez un, la boulangère refuse de vous servir et les enfants vous jettent des cailloux », illustre-t-il. Mais soyons sérieux : « Des pulls en vraie laine plutôt qu’en plastique, de meilleure qualité, qui se portent plus longtemps… C’est une évolution positive. » Qu’on parle d’esprit de Noël ou non, les meilleures blagues sont les plus courtes.