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Pourquoi Apple a peur que Facebook, WhatsApp et Instagram mettent nos iPhone sur écoute

C’est un nouveau bras de fer qui s’engage entre Apple et la Commission européenne. Passe sur l’obligation faite au constructeur (et à tous les autres) d’adopter la prise USB-C sur ses appareils. Celle-ci sera effective le 28 décembre 2024. Cette fois, l’Europe pourrait imposer à Apple de rendre ses terminaux (smartphones et tablettes) interopérables avec des équipements concurrents. Cela supposerait qu’ils soient 100% compatibles et puissent dialoguer entre-eux sans aucune contrainte. Conséquence, selon Apple : un risque élevé d’accès aux données personnelles des utilisateurs de ses iPhone et iPad avec, en ligne de mire, un ennemi potentiel clairement dénoncé : Meta (Facebook, WhatsApp, Instagram).

Le nouveau défi de l’Europe à Tim Cook

L’affaire n’en est qu’au stade des consultations et rien n’est encore acté. Mais l’heure est jugée suffisamment grave pour qu’Apple s’en inquiète officiellement dans un long communiqué auprès de ses développeurs. Ainsi, l’Europe lance-t-elle un nouveau défi à la firme de Tim Cook en lui demandant d’ouvrir son système iOS à des marques tierces.

Apple pourrait être contraint par l'Europe d'ouvrir son système iOS à des marques tierces.
Apple pourrait être contraint par l’Europe d’ouvrir son système iOS à des marques tierces. - Apple

Conséquence potentielle ? Que des équipements de fabricants concurrents (montres connectées, casques VR, enceintes???) soit totalement opérables et compatibles avec iOS ou PadOS. Ce qui n’est pas forcément le cas actuellement. Le consommateur pourrait s’en réjouir, mais les choses ne sont pas si simples.

Quel bénéfice pour l’utilisateur ?

Si elle devenait effective, cette interopérabilité ferait effectivement tomber les verrous qu’Apple a pris grand soin de mettre en place au fil des années pour protéger son écosystème de produits. Un utilisateur de smartphone Android pourrait par exemple diffuser de la musique sur une enceinte HomePod ; un iPhone pourrait aussi pleinement profiter d’une montre santé Huawei alors que certaines de ses fonctions restent réservées à Android, système, lui, totalement ouvert.

Ce qui gène Apple aux entournures, c’est que l’interopérabilité envisagée par l’UE permettrait à des applications de se servir copieusement dans les données personnelles des utilisateurs d’iPhone et d’iPad…

Des données auxquelles Apple ne peut accéder

Apple étaye son propos. « Lorsque nous avons ouvert l’accès des développeurs au micro sur l’iPhone, leur permettant d’écouter ce que dit l’utilisateur, nous avons laissé le contrôle à l’utilisateur. Les développeurs doivent demander aux utilisateurs leur autorisation pour accéder au micro et ils doivent les informer lorsqu’ils utilisent cet accès pour enregistrer du son », cite comme exemple la marque à la pomme dans son communiqué.

Même chose avec Touch ID, la technologie d’accès biométrique aux iPhone : « Lorsqu’elle utilisée, Apple conserve les données d’empreintes digitales des utilisateurs dans l’enclave sécurisée de l’iPhone où même Apple ne peut pas accéder ». Or, ces barrières imposées par Apple, qui a fait de la protection des données de ses utilisateurs l’une de ses marques de fabrique, pourraient voiler en éclats, ce qui « mettrait les utilisateurs en danger, les obligeant à ouvrir leurs appareils et leurs données les plus sensibles à des entreprises ayant pour habitude de violer leur vie privée ».

Lire tous les messages et e-mails

Apple, qui, beau joueur, ne se braque cependant pas officiellement sur l’idée d’une éventuelle interopérabilité au nom d’une concurrence équitable, évoque cependant « l’arme » qu’elle pourrait constituer dans les mains d’entreprises « avides » de données. Et cite l’appétit de Meta.

Avec des iPhones interéopérables, Facebook pourrait piocher dans les données de leurs utilisateurs.
Avec des iPhones interéopérables, Facebook pourrait piocher dans les données de leurs utilisateurs. - Jenny Kane AP/SIPA

Le groupe, qui contrôle Facebook, Instagram et WhatsApp, pourrait ainsi « lire sur l’appareil d’un utilisateur tous ses messages et e-mails ». Cette interopérabilité transporformée en complicité permettait en outre à Meta de « voir chaque appel téléphonique qu’il passe ou reçoit, de suivre chaque application qu’il utilise, de scanner toutes ses photos, de consulter ses fichiers et les événements de son calendrier, d’enregistrer tous ses mots de passe, etc ». Ce qui, avouons-le, fait un peu froid dans le dos.

Cheval de bataille et Cheval de Troie

Selon Apple, Meta n’a d’ailleurs pas attendu la fin de la période de consultations de l’UE (qui s’achèvera le 9 janvier 2025, un délai très court) pour venir frapper à la porte du siège à Cupertino. Au moins quinze demandes auraient ainsi été formulées par le groupe de Mark Zuckerberg à Apple pour un accès étendu à ses technologies.

Notamment pour que la marque à la pomme lui offre accès aux fonctionnalités SMS et iMessage et à leur historique de ses utilisateurs ; à leurs téléviseurs et enceintes connectées ; à toutes les données fournies par d’autres applications ; aux fonctionnalités de CarPlay, etc. De quoi faire entrer le loup dans la bergerie. Face à la protection des données qui est l’un des chevaux de bataille d’Apple, le Cheval de Troie Facebook, Instagram et WhatsApp…

D’ici le 9 janvier, Apple entend procéder à une évaluation des demandes qui lui sont formulées et travailler sur des « solutions efficaces » avec les fonctionnalités demandées. Mais entend veiller à la sécurité des données de ses utilisateurs. Tout en craignant d’éventuelles sanctions financières, si d’aventure le constructeur ne cédait pas aux injonctions européennes…

La balle semble dans le camp de l’Europe, dont la cour de justice avait déjà tapé fort en septembre dernier. Après une longue procédure, la sanction était tombée, imposant à Apple de rembourser 13 milliards d’euros à l’Irlande. En cause, des arrangements fiscaux nuisant à la concurrence dans l’UE.