Pour Miki, « On peut disparaître aussi vite qu’on apparaît » : être artiste émergent aujourd’hui.
Chaque année, une dizaine d’artistes sont présentés comme « à suivre » dans le cadre du programme Deezer Next, créé en 2017. Miki a interprété « Particule » lors d’un prime de la Star Academy le 21 novembre dernier, ce qui a entraîné une hausse de 300 % des écoutes de son titre sur les plateformes en quelques jours.
Chaque année, quelques artistes sont présentés comme « à suivre ». Au-delà des initiatives de mise en avant, telles que Deezer Next, qui soutiennent cette année Marguerite, Saaro, RnBoi, R2, Miki, Linh, Sherifflazone, Victorien et Camille Yembe, la réalité est plus complexe.
Mais que signifie réellement émerger dans la musique française aujourd’hui ? Comment progresser en tant que jeune artiste dans une industrie musicale établie et codifiée, où chaque chiffre est analysé ? 20 Minutes a eu l’occasion de s’entretenir avec la chanteuse Miki et Georges Derval, responsable éditorial, découverte et tendance chez Deezer.
**Une émergence accélérée… mais fragile**
Les voies d’entrée dans l’industrie musicale sont diverses : réseaux sociaux, streaming, télévision. Parfois, il suffit de 10 secondes sur TikTok pour qu’un morceau devienne viral. Mais derrière ces tendances, le travail des jeunes artistes est souvent la partie immergée de l’iceberg, selon Miki. Cette évolution est ambivalente : « L’industrie musicale est en train de bouger énormément », note-t-elle. Bien que les réseaux sociaux puissent « faire beaucoup de mal », ils offrent aussi « une amplification de la visibilité des artistes » et l’émergence de « genres hybrides qui n’auraient jamais existé auparavant ».
Cependant, cette visibilité accrue entraîne également une pression constante sur les artistes. « Il se passe tellement de choses en ce moment, et tellement vite », confie la chanteuse. « Il faut être constamment à l’écoute de ce qui se fait, en ayant conscience qu’on peut disparaître aussi vite qu’on apparaît. »
Georges Derval partage ce constat. Selon lui, il n’existe plus de parcours type. « Certaines personnes disent que c’est plus facile aujourd’hui, à l’ère des réseaux sociaux. Il y a des choses qui peuvent être hyper rapides », explique-t-il, citant les artistes révélés lors d’émissions télévisées, comme Star Academy. Pourtant, à côté de ces trajectoires fulgurantes, « il y a aussi des projets qui se construisent pendant plusieurs années, avec beaucoup de travail. »
**Tremplin, plate-forme et « bon timing »**
Dans un secteur saturé, les dispositifs de mise en avant sont essentiels. Par exemple, le programme Deezer Next, lancé en 2017, soutient chaque année une dizaine d’artistes, avec une stratégie en constante évolution. « Le programme s’adapte à ce qui se fait », indique Georges Derval. « Aujourd’hui, le focus est mis sur les réseaux sociaux, car c’est là que les gens écoutent de la musique. »
Concrètement, cela se traduit par de la promotion éditoriale sur l’application, des playlists, des contenus dédiés, ainsi que des événements et des scènes. « L’objectif est vraiment de servir les projets artistiques et de les aider au maximum », résume-t-il.
Pour Derval, le timing est crucial. « On veut pousser un artiste à un moment qui a du sens pour lui. » Être sélectionné trop tôt peut s’avérer contre-productif : « Si tu n’es pas prêt, si tu n’as pas ton équipe, tu ne peux pas transformer cette opportunité. » Miki affirme que ces dispositifs sont incontournables, sans être une fin en soi. « Tous les types de tremplin sont hyper importants », souligne-t-elle, se disant « très reconnaissante que ça existe » pour elle comme pour les futurs artistes. Un soutien qui peut accélérer les choses, mais qui ne remplace pas le travail de fond.
**Star Academy, effet accélérateur**
Il est difficile de parler d’émergence aujourd’hui sans évoquer la Star Academy, considérée comme un accélérateur de visibilité. Cette année, Miki a pu en faire l’expérience : invitée lors d’un prime le 21 novembre dernier, elle a interprété « Particule ». En quelques jours, le titre a enregistré une augmentation de 300 % de ses écoutes sur les plateformes. « En vrai, ça n’a été que du plus », résume-t-elle, fière d’avoir pu défendre « un morceau assez hybride » sur une scène aussi exposée.
Georges Derval confirme cet impact : « La Star Academy, aujourd’hui, c’est un média énorme centré sur la musique. Forcément, ça a un impact énorme. » L’an dernier, les écoutes de Charlotte Cardin ont explosé après son passage, alors que plusieurs anciens élèves s’imposent durablement dans le paysage musical. Marguerite, aujourd’hui artiste Deezer Next, en est l’un des exemples.
**La singularité des artistes**
Au-delà des chiffres et des algorithmes, l’émergence dépend également de l’expérience artistique elle-même. Pour Miki, la scène a longtemps été un espace stressant. « Au début, je faisais beaucoup de premières parties, j’étais sous le feu des projecteurs, c’était difficile », raconte-t-elle. « Je regardais toujours les yeux de mon manager en sortant de scène pour savoir si j’avais réussi ou non. » Avec le temps, cette perception a changé. « Aujourd’hui, c’est devenu une vraie bulle dans laquelle je prends du plaisir, quelle que soit la configuration : seule sur scène ou avec des musiciens. C’est un moment de libération. »
Mais avec du recul, que dirait la Miki d’aujourd’hui à la jeune artiste qu’elle était au début ? « Il faut persévérer dans ses idées, même cheloues, même quand les gens ne kiffent pas », conseille-t-elle. « Les gens n’ont pas forcément la vision. Quand tout le monde n’est pas d’accord avec toi, il faut quand même continuer. » C’est également un point crucial pour Georges Derval. Bien que la musique reste « le premier critère », la sélection des artistes émergents repose aussi sur leur univers et leur singularité. « On fait des sessions d’écoute, puis vient le moment de choisir les artistes que nous allons suivre. On partage, on découvre ensemble », explique-t-il. « C’est assez organique, car on sélectionne peu d’artistes et ces choix sont ceux auxquels on croit. »
Être un artiste émergent en France aujourd’hui ne se résume plus simplement à sortir ses premiers morceaux. Cela implique de composer avec une industrie ultrarapide, des dispositifs de visibilité puissants mais éphémères, et une exigence constante de singularité. Comme le résume Miki, malgré les chiffres et les projecteurs, « si la qualité de ce qu’on fait est là, on peut se permettre de prendre son temps pour bien faire les choses ».

