France

« Porter une couche-culotte à 21 ans : un sujet de moquerie »

Plus d’une femme sur trois (40 %) dit souffrir de règles abondantes, caractérisées par des menstruations dont la durée est supérieure à sept jours et où la quantité quotidienne est de plus de 80 ml. Selon l’enquête Ipsos BVA pour Cemag Care, moins d’une femme sur deux (41 %) en a déjà parlé à un professionnel de santé.


Plus d’une femme sur trois (40 %) déclare éprouver des règles abondantes. Ces menstruations durent plus de sept jours et impliquent un flux quotidien supérieur à 80 ml, ce qui correspond à cinq coupes de taille moyenne, ou à cinq tampons ou serviettes hygiéniques super plus. Selon l’échelle « qualité de vie », 67 % des femmes seraient concernées. Ces données proviennent d’une enquête* Ipsos BVA pour Cemag Care, publiée ce mercredi.

« Dans 50 % des cas, il n’y a pas de cause précise, il s’agit de ménorragies fonctionnelles », précise Manon Exposito, directrice générale de Cemag Care, qui a dirigé l’étude. Dans les autres situations, des facteurs tels qu’un stérilet au cuivre, un déséquilibre hormonal, des lésions bénignes de l’utérus comme des fibromes ou des polypes, une adénomyose, ou des troubles de la coagulation peuvent en être à l’origine. Au-delà des causes, les répercussions sur le quotidien des femmes concernées sont considérables.

« Chaque heure, je remplis une serviette ultra-absorbante », témoigne Chiara, étudiante de 21 ans. « Comme je ne peux pas me changer tout le temps, je combine tampon et serviette. » Céline, 52 ans, a constaté l’apparition de ce phénomène autour de la quarantaine. « Au travail, j’avais peur de ne pas pouvoir terminer une réunion sans fuite, je mettais des rappels toutes les heures sur mon téléphone pour penser à changer ma protection. »

Parfois, cela ne suffit pas. « Une femme m’a déjà arrêtée dans la rue pour me dire que j’avais une tache de sang sur mon pantalon », raconte Céline, qui estime qu’à plus de 40 ans, cela est « vu bizarrement ». Comme elle, 73 % des femmes interrogées craignent des incidents comme des taches sur les vêtements ou des fuites.

C’est pourquoi Chiara dort avec une serviette ultra-rembourrée, qu’elle compare à une « sorte de couche ». « Porter une couche-culotte à 21 ans pour dormir, je préfère en rire… mais c’est aussi un mécanisme de défense pour éviter les moqueries. » Pendant la journée, elle choisit « des tenues foncées, fluides et des matières facilement lavables ». Parfois, elle glisse une culotte de rechange dans son sac « au cas où ». Quand elle n’en a pas, il lui arrive d’en acheter une en urgence.

De nombreuses femmes souffrant de règles abondantes limitent leurs activités pendant cette période. Bien qu’Héloïse**, 27 ans, ait pratiqué la natation synchronisée à un niveau élevé, elle s’interdisait de nager en contexte amical ou professionnel pendant ses règles. « Je ne faisais pas confiance au tampon. »

« Il m’arrive de refuser un verre après les cours s’il n’est pas prévu, parce que je n’ai pas pu m’organiser et qu’il faut que je rentre chez moi pour me doucher et me changer », explique l’étudiante en sciences politiques. Céline, quant à elle, se mettait en télétravail pendant les deux premiers jours de ses règles. « Mais tout le monde ne peut pas se le permettre », reconnait-elle.

L’impact est également financier. « Toutes ces protections hygiéniques représentent un vrai budget », souligne Chiara. En moyenne, selon une étude d’OpinionWay, les femmes ayant des ménorragies y consacrent 18 euros par mois, soit près de 8.000 euros au cours de leur vie. Ces pertes de sang importantes peuvent aussi entraîner une anémie, une carence en fer, et une fatigue chronique.

Malgré l’impact considérable sur leur quotidien, moins d’une femme sur deux (41 %) en a déjà discuté avec un professionnel de santé. « Souvent, elles considèrent cela comme une fatalité », appuie Manon Exposito. « J’en parlais à ma mère, mais pour elle, c’était normal, elle avait aussi les mêmes symptômes », regrette Héloïse. Malheureusement, cette situation est souvent banalisée alors qu’elle n’est pas nécessairement normale.

Céline, la quadragénaire, connaît bien ce sujet. Ses saignements abondants cachaient un fibrome utérin. Elle a dû subir le retrait de son endomètre, puis de son utérus à cause d’un nombre élevé de kystes.

D’après l’étude, 31 % des femmes qui en ont parlé à un professionnel sont reparties sans solution. « Quand il y a une cause organique, on la traite, et lorsqu’il n’y en a pas, il existe des solutions hormonales, comme la pilule ou le stérilet hormonal, ainsi que des médicaments pour réduire le flux », énumère Manon Exposito.

À 16 ans, Héloïse a évoqué le problème avec son gynécologue. « Il n’a pas cherché à comprendre s’il y avait un problème et m’a mise sous pilule immédiatement. » Pour elle, cela n’a rien changé. Ce n’est qu’en arrêtant sa contraception, sept ans plus tard, que son flux s’est progressivement réduit. Si parfois, l’origine des règles abondantes reste inexpliquée, il arrive également que leur cessation soit tout aussi mystérieuse.

*Enquête réalisée auprès de 2.766 femmes réglées, interrogées via un questionnaire en ligne entre le 2 et le 20 mai 2025.

**Le prénom a été modifié.