Pollution de l’air et canicule : ce que révèle le ciel de Paris

Jean-Baptiste Renard, Directeur de Recherche au CNRS d’Orléans, analyse les mesures du Ballon de Paris depuis plus de dix ans. Il s’occupe principalement de la mesure des particules fines sur la capitale, c’est-à-dire tout ce qui est en suspension dans l’air, y compris les pollens.
Quelles sont les tendances observables sur ces dernières années ?
Nous avons une baisse des concentrations des plus grosses particules, ce qu’on va appeler souvent les PM10 ou les PM25. Il y a une vraie diminution qui vient d’une amélioration des rejets, principalement liés au trafic routier.
Cependant, la communauté scientifique alerte sur les concentrations de particules ultra-fines, les plus dangereuses, puisque ce sont celles qui vont pénétrer le plus profondément dans l’organisme. Or, les conclusions des mesures prélevées devront attendre encore un certain nombre d’années, le temps de développer une instrumentation précise et de commencer à observer les tendances.
On observe également que plus il y a de vent, plus la pollution est basse, car le vent va disperser les particules. En conditions anticycloniques (ndlr, un temps ensoleillé et sec), les concentrations sont nettement plus élevées, comme en ce moment.
« En pic de pollution, ce qu’il faut, c’est limiter les activités physiques. »
Quels conseils appliquer lors de pics de pollution, notamment en période de canicule ?
Quand on a un gros pic de pollution, il faut limiter sa respiration. C’est évidemment une boutade de le dire comme ça, mais ce qu’il faut, c’est limiter les activités physiques. Ne faites pas de sport de manière intense lorsqu’il y a une situation anticyclonique. Il ne faut pas aller courir le long des quais de Seine ou ailleurs, où là, on a de forts taux de pollution, ou aller vers les stades le long du périphérique parisien. Ce n’est vraiment pas du tout recommandé. Il faut plutôt rester chez soi, tranquille.
Pareil pour le pollen, parce que si vous faites une activité intense, vous allez respirer beaucoup plus, jusqu’à 5 ou 10 fois plus fort que si vous êtes au repos. Et là, vous allez donc ingérer, avaler, aspirer beaucoup plus de pollens.
Enfin, si vous êtes vraiment très sensible, il faut mettre un masque pour la pollution. Les masques FFP2, c’est pas mal, notamment si vous prenez des transports en commun. Ça arrête bien tout ce qui va être particules très fines, donc aussi le pollen.
Qui sont les émetteurs des particules fines ?
En fonction de l’endroit où vous vous situez, les plus gros émetteurs vont être le trafic routier, dont le périphérique, le chauffage au bois, qui émet énormément de particules même avec les techniques les plus récentes, ou la présence à proximité d’un incinérateur.
La présence du plus grand incinérateur d’Europe, l’incinérateur d’Ivry, aux abords de Paris, joue-t-elle un rôle dans la pollution de l’air de la capitale ?
C’est un sujet sensible, parce qu’il n’y a pas vraiment de mesures en proximité. Il faudrait faire des campagnes, c’est toujours envisagé, mais c’est un sujet très délicat. Dans d’autres endroits où des mesures ont été faites, on sait que les incinérateurs, même s’il y a un filtrage efficace, sont quand même sources de gaz toxiques ou de particules ultra-fines, ça se recombine, ça fait des aérosols secondaires. Et là, il n’y a pas de normes là-dessus, ni vraiment de suivi régulier.
« Il y a des lobbyings qui vont dans l’autre sens, qui essaient de continuer à émettre des particules fines. »
Quel impact avez-vous auprès des politiques publiques ?
Auprès des pouvoirs politiques, c’est un travail de longue haleine, parce que oui, on les rencontre, on présente nos résultats, mais pour faire changer une loi, un texte, c’est compliqué. Il y a aussi des lobbyings qui vont dans l’autre sens, qui essaient de continuer à émettre des particules fines.
Mais de toute façon, les choses avancent, puisque l’Organisation Mondiale de la Santé a fixé de nouvelles recommandations et que les nouvelles normes européennes qui sont appliquées dans les 10 ans qui viennent sont beaucoup plus restrictives et suivent le travail de tous les scientifiques, de toutes les équipes impliquées dans la mesure de la qualité de l’air.
En ce qui me concerne, j’ai publié, il y a quelques années, une étude qui montrait le lien direct entre pic de pollution aux particules fines et mortalité due au Covid-19. Quand vous êtes en situation de forte pollution, vous avez une inflammation des voies respiratoires, et donc vous avez une plus grande sensibilité à un certain nombre de virus et de bactéries. Donc la pollution est vraiment un facteur aggravant et peut enclencher un certain nombre de pathologies, dont certaines sont vraiment dramatiques.