Pistes cyclables : Paris montre qu’elle en a sous la pédale et « grignote encore sur la place dédiée à la voiture »

C’est une des causes des embouteillages qui gangrènent les rues de Paris. Seize chantiers de réalisation de pistes cyclables sont en cours à l’heure actuelle dans les rues de Paris tandis que six autres devraient commencer début 2023. Et pour montrer que ces chantiers aboutissent un jour, la municipalité a donné rendez-vous à la presse mardi matin au croisement de l’avenue de la République et du boulevard Richard-Lenoir pour présenter une piste cyclable dernière génération.
« Elle représente ce que nous voulons faire du vélo, un outil de transports et de mobilité dans les conditions les plus confortables possibles », a indiqué David Belliard, adjoint en charge des mobilités. De fait la piste est large, davantage que ses consœurs parisiennes, et « on peut doubler si on va plus vite, ce qui réduit l’agacement de certains », ajoute François Vauglin, le maire du 11e arrondissement. Le caniveau sur la droite a disparu, ce qui accroît la surface utile de la piste cyclable. « Le travail avec les vélotafeurs, les utilisateurs de vélo-cargos, a permis de repérer les endroits critiques pour éviter les discontinuités et les resserrements », enchaîne l’élu du 11e arrondissement.
Un bond qualitatif
Mais il n’y en a pas que pour la petite reine puisque la municipalité « essaie de combiner les usages avec, comme ici, du stationnement pour vélo et deux-roues motorisés », précise David Belliard. Mais évidemment avec l’élargissement des pistes cyclables, « on grignote de plus en plus sur la place qui est encore dédiée à la voiture ». Enfin ce n’est une surprise pour personne que la Mairie de Paris n’œuvre pas en faveur de la place de l’automobile sur la voirie.
« Il y a eu un vrai bond qualitatif en deux, trois ans, salue Camille Hanuise, la directrice de l’association Paris en Selle. C’est une piste large, confortable et très sécurisée, notamment si on la compare avec celle voisine du boulevard Voltaire. C’est un très bon exemple d’une piste standard. » En revanche, là où ça pêche, c’est dans l’avancement des travaux. Le 15 octobre, l’association a dévoilé son observatoire du Plan vélo et clairement les chiffres ne sont pas reluisants. A un peu plus d’un tiers du mandat, le plan vélo n’est réalisé qu’à 15 % selon le décompte de Paris en Selle. « Ça avance mais trop lentement, on ne va pas y arriver », commente sa directrice.
La fameuse piste de Sébastopol
« C’est un plan vélo très ambitieux. Et les aménagements, concertés, sont des processus complexes et longs », plaide David Belliard. « Il y a la question de soutenabilité des travaux qui sont déjà à un niveau record, se défend Jacques Baudrier adjoint en charge du suivi des chantiers. Il faut un peu de patience. » « Le rythme des aménagements ne suit pas l’augmentation du nombre de cyclistes », s’inquiète Camille Hanuise qui rappelle que le nombre d’adeptes du vélo a bondi de 78 % entre 2019 et 2021. C’est pourquoi, pour augmenter la cadence, Paris en Selle propose de recourir à « des aménagements légers comme les plots noirs sur le pont au Change puisque l’usager se sentira en sécurité que ce soit avec des plots ou avec une bordure en granit ».
Et il y a d’autres trous dans le filet du plan vélo. Par exemple, la piste du boulevard Sébastopol notoirement saturé, surtout aux heures de pointe. « Elle a été conçue pour les cyclistes d’il y a quatre ans mais pas pour ceux de demain et la capacité maximale est vite atteinte, juge Camille Hanuise. Le jeudi 10 novembre, jour de grève de la RATP, on a comptabilisé 26.300 cyclistes sur cet axe. » Face à cet afflux, Paris en Selle propose de doubler la piste et de développer un réseau voisin pour décharger Sébastopol. « Nous réfléchissons à des solutions pour augmenter la piste cyclable, répond David Belliard. Mais il faudra aussi voir ça avec la préfecture de police de Paris. »
Camille Hanuise réclame également davantage de pistes dans l’Ouest parisien, par exemple au niveau du boulevard Malesherbes. « Il y a un rééquilibrage à faire en faveur du 16e arrondissement. » Elle déplore aussi que le vélo n’est pas toujours pris en compte dans les nouveaux projets. « Dans celui de la gare du Nord, la SNCF a annoncé un parking sécurisé de plus de 1.000 places mais la mairie n’a pas prévu de réseau cyclable autour de la gare. » Pour l’association, cette anémie du plan vélo s’explique parce que « le pilotage politique n’est pas assez fort ». En octobre dernier, Paris en Selle dénonçait ainsi « le manque d’arbitrages ambitieux de la part de David Belliard »…
Les chantiers en cours et à venir
Voici la liste des lieux où sont lancés des chantiers de création de pistes cyclables : rue Marx-Dormoy/rue de la Chapelle, boulevard d’Ornano, rue d’Amsterdam/avenue de Clichy, rue Lafayette, boulevard Saint-Denis/Saint-Martin, avenue Gambetta (portion), cours de Vincennes, avenue Ledru-Rollin (portion), rue de Charenton (portion), rue Saint-Jacques (portion), rue du Renard, boulevard Gouvion Saint-Cyr/de l’amiral Bruix, boulevard des Invalides, rue Vaugirard, rue d’Alésia et boulevard Saint-Jacques (portion).
Et les chantiers qui seront lancés début 2023 : place de la porte de Saint-Cloud, avenue d’Ivry, boulevard Saint-Michel, rue Saint-Jacques (portion), avenue du Général Leclerc (portion) et avenue Vellefaux/Parmentier.