Peut-on recycler entièrement un panneau solaire et est-ce intéressant ?
En France, environ 80 millions de panneaux solaires sont installés avec une durée de vie moyenne de vingt ans. En 2040, Soren projette que 150.000 tonnes de panneaux devraient être collectées.
À Menen (Belgique),
Sous un ciel nuageux, une grue soulève des panneaux solaires endommagés pour les placer dans un broyeur géant. Sur le site de recyclage de Galloo, situé à la frontière franco-belge, 5.500 tonnes de panneaux doivent être traitées en 2025. Alors que la COP30 vient de se terminer au Brésil avec l’adoption d’une initiative volontaire pour abandonner les énergies fossiles en électrifiant les besoins énergétiques, 20 Minutes s’interroge sur le sort des panneaux solaires usagés. Que deviennent-ils ? Leurs procédés de recyclage peuvent-ils garantir la souveraineté énergétique de la France ?
Un panneau photovoltaïque (PV) contient du silicium, du cuivre et de l’aluminium, des matières premières jugées critiques au niveau européen. En France, Soren est l’unique éco-organisme mandaté pour la collecte et le recyclage de ces panneaux à travers des partenariats, comme celui établi avec Galloo. On compte environ 80 millions de panneaux solaires installés en France, avec une durée de vie moyenne de vingt ans.
En 2040, 150.000 tonnes de panneaux récoltés
« Nous cherchons à optimiser la performance environnementale des panneaux photovoltaïques », déclare Nicolas Defrenne, directeur général de Soren, en veillant à ce que l’empreinte écologique de la fabrication, du transport et du recyclage soit la plus faible possible. Les entreprises et les particuliers utilisant des panneaux solaires doivent les ramener aux centres de tri, mais cela n’est pas toujours respecté. « Il est impensable de prôner une électricité verte tout en laissant des panneaux photovoltaïques traîner dans la nature », continue Nicolas Defrenne, qui souhaite améliorer le taux de collecte, actuellement de 67 % en 2024. D’ici 2040, Soren prévoit de récolter 150.000 tonnes de panneaux.
Dans un panneau photovoltaïque, 90 % à 94 % de la matière est recyclable : le cadre en aluminium, le verre, les câbles en cuivre, les plastiques, l’argent… En revanche, le recyclage du silicium est plus complexe. « notre but est de valoriser les métaux critiques, comme le silicium et l’argent, qui constituent les principaux composants de la cellule et représentent 60 % de sa valeur », précise Nicolas Defrenne. Spécialisé dans le recyclage des métaux ferreux et non ferreux, Galloo a commencé depuis 2021 à recycler des panneaux solaires avec Soren. Sur ce site de quinze hectares où deux éoliennes produisent de l’énergie, l’aluminium, le cuivre et les feuilles métalliques sont séparés et récupérés.
Un tri version haute technologie
Pour les 10.000 tonnes de panneaux solaires cristallins collectées en 2024 en France, on dénombre six centres de traitement, dont deux en Belgique. Contrairement à d’autres installations dans le sud de la France consacrées aux panneaux solaires, le recyclage à Galloo s’intègre dans le processus de transformation d’autres déchets, tels que les ferrailles, les véhicules hors d’usage ou les déchets d’équipements électriques et électroniques. Avant la visite, il est difficile d’imaginer la technologie nécessaire pour trier et rendre ces matériaux réutilisables après broyage.
En parcourant un espace rempli de déchets métalliques broyés dégageant une odeur légèrement âcre, plusieurs méthodes de tri sont présentées, telles que le tri par densité, la séparation par air comprimé, le tri par rayon X et la spectroscopie. Ces techniques permettent d’obtenir des matières homogènes, comme du sable, un cuivre concentré à 99 % ou de l’aluminium par type d’alliage.

L’enjeu de la récupération du silicium
La capacité à récupérer et purifier le silicium, matériau semi-conducteur, constitue l’un des principaux défis de cette filière en cours de structuration. « Le silicium est l’élément du panneau le plus sensible à la pureté », explique Emmanuel Katrakis, directeur des affaires institutionnelles et réglementaires de Galloo, dans un hangar où les machines fonctionnent au bruit incessant des tamis. « Ce niveau de pureté est égal, voire supérieur, dans certains cas, à celui requis pour les microprocesseurs. »
Une entreprise partenaire, Umicore, extrait l’argent des feuilles métalliques et explore des procédés pour purifier davantage le silicium. Actuellement, en raison d’une pureté insuffisante, le silicium recyclé ne peut pas être utilisé dans une cellule de panneau solaire, mais il peut être utilisé pour le verre de haute qualité ou l’électronique. En Isère, le site de Rosi Solar réussit à recycler le silicium et l’argent en utilisant des méthodes chimiques.
Une forte demande en métaux critiques
D’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), pour respecter les objectifs climatiques de l’accord de Paris, soit limiter le réchauffement de la planète à moins de 2 °C, il faudra multiplier par 4 à 6 la demande de métaux critiques pour les technologies à faible émission de carbone d’ici à 2040. Bien que le silicium soit très abondant sur Terre, sa transformation requiert une grande quantité d’énergie. Ce sont principalement des entreprises asiatiques, notamment chinoises, qui maîtrisent ces procédés.
« L’AIE indique qu’à l’horizon 2040, 20 % des besoins en cuivre, aluminium et silicium pourraient être satisfaits par le recyclage et jusqu’à 70 % des besoins en argent pour la transition énergétique », défend Nicolas Defrenne. « Le recyclage est un levier parmi d’autres, incluant l’écoconception, la prévention des déchets et la réduction de la consommation. » Selon lui, les énergies renouvelables seront réellement durables par rapport aux énergies fossiles si une boucle d’économie circulaire est créée en recyclant les matières premières nécessaires à leur fabrication.

