Petite enfance : 840 kg d’enfants portés par jour, 56.000 heures de bruit
Le Syndicat National des Professionnel·le·s de la Petite Enfance (SNPPE) publie ce mercredi un guide intitulé « Gestes invisibles » pour alerter sur la pénibilité au travail dans le secteur de la petite enfance. Selon les dernières données de la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), le nombre de maladies professionnelles a augmenté de 44 % en 2023.
Un guide pour rendre visibles les douleurs invisibilisées. Le Syndicat National des Professionnel·le·s de la Petite Enfance (SNPPE), fondé il y a cinq ans, met en lumière ce mercredi un guide intitulé « Gestes invisibles » afin de sensibiliser à la pénibilité au travail dans le domaine de la petite enfance. Ce guide a pour objectifs de « sensibiliser, convaincre et mobiliser » non seulement les professionnelles d’un secteur majoritairement féminin (97 %), mais également les pouvoirs publics.
Les statistiques présentées par le guide sont révélatrices. Selon le SNPPE, les professionnelles de la petite enfance effectuent en moyenne 70 manipulations d’enfants chaque jour, correspondant à 840 kg soulevés quotidiennement, en tenant compte du poids moyen d’un enfant en crèche. « Sur une base prudente de 200 jours travaillés par an, la masse cumulée atteint 168 tonnes par an, soit plus de 5.000 tonnes tout au long d’une carrière de trente ans », indique le guide. À cela s’ajoute « 300 tonnes de matériel » incluant poussettes, tapis, caisses de linge et autres bacs à jouets.
Le guide souligne également l’impact des gestes d’accroupissement nécessaires pour se mettre à la hauteur des enfants. Sur une période de trente ans, le syndicat estime que les professionnelles pourraient réaliser entre 700.000 et 1 million de gestes en position basse. De plus, tout au long de leur carrière, elles seront exposées aux déchets organiques, microbes, virus, ainsi qu’à 56.000 heures de bruit en moyenne. « Des niveaux dépassant régulièrement les 85 décibels, seuil de vigilance reconnu par les organismes de prévention », souligne le syndicat.
Des maladies professionnelles en hausse de 44 %
Tous ces facteurs influent sur la santé des travailleuses. D’après les dernières données de la Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) concernant le secteur « Accueil de jeunes enfants », le nombre de maladies professionnelles a augmenté de 44 % en 2023. Ces chiffres sont jugés sous-estimés par le SNPPE, car ils ne reflètent que la situation des structures privées de la petite enfance, sans inclure les crèches municipales et les structures associatives. « En moyenne, les professionnels du secteur des métiers de la petite enfance sont arrêtés 66 jours pour cause d’accident du travail et 255 jours pour cause de maladie professionnelle » au cours de leur carrière, précise l’Assurance Maladie sur son site Internet.
« Les maladies professionnelles et la pénibilité sont généralement associées à des métiers physiques et masculins, explique Cyrille Godfroy, cosecrétaire général du SNPPE. On ne mesure pas la pénibilité des emplois dans la petite enfance ». Cette inégalité se retrouve aussi dans d’autres métiers du « care ». « Malheureusement, nous restons ancrés dans les stéréotypes de métiers féminins, avec l’idée que s’occuper des enfants est naturel et qu’il n’est pas nécessaire de se plaindre », ajoute-t-il.
Une lettre au Premier ministre
Le syndicat plaide également pour des taux d’encadrement « plus bienveillants et permettant d’assurer la qualité », souligne Cyrille Godfroy. Actuellement, ceux-ci sont fixés à un adulte pour 5 bébés et un pour 8 enfants marchant.
Il attire l’attention sur la difficulté de « libérer la parole » dans le secteur, y compris concernant la valorisation salariale et la pénurie de professionnelles. Néanmoins, la campagne de communication menée sur les réseaux sociaux du syndicat a permis d’encourager des témoignages. Tendinites, lombalgies, burn-out… Les récits se rejoignent, comme celui de Véronique Escames, auxiliaire de puériculture et cosecrétaire générale du SNPPE. Après plus de trente ans en crèche municipale, elle a été déclarée inapte à seulement 52 ans.
Début novembre, le syndicat a envoyé une lettre ouverte au Premier ministre, Sébastien Lecornu, demandant que la pénibilité des métiers de la petite enfance soit prise en compte dans la conférence sociale « Travail et retraite » prévue vendredi. Une réponse est encore attendue.

