Perrier : L’Etat ordonne à Nestlé de retirer les microfiltres de sa source

La préfecture du Gard a mis en demeure, ce mercredi, Nestlé Waters de « retirer dans un délai de deux mois » son système de microfiltration de son eau minérale Perrier. Elle a précisé poursuivre en parallèle « l’instruction de la demande de renouvellement de l’autorisation » accordée à Nestlé pour exploiter ses forages de Vergèze. Ceux-ci sont « destinés à la fabrication d’eau minérale naturelle » Perrier. La « décision devra intervenir avant le 7 août ».
Les eaux minérales naturelles sont encadrées par une directive européenne de 2009. Elle les définit d’une part par leur teneur en minéraux et leur « pureté originelle ». Elle indique d’autre part qu’elles ne peuvent faire l’objet d’aucune désinfection et d’aucun traitement de nature à modifier leur « microbisme ». Les seuls traitements autorisés (par arrêté préfectoral), le sont pour retirer des « éléments instables » comme le fer, le manganèse, l’arsenic et le soufre, ou pour retenir des « constituants indésirables ».
« Deux mois pour trouver les solutions »
Début 2024, le groupe Nestlé avait publiquement reconnu avoir utilisé par le passé des traitements interdits (ultraviolets et charbon actif), puis les avoir remplacés par un système de microfiltration « cartouche à 0,2 micron », nécessaire selon lui pour « assurer la sécurité alimentaire » des produits. C’est ce système que Nestlé va devoir supprimer sur son site de Vergèze.
« Aujourd’hui, l’urgence est d’accompagner Nestlé et ses salariés dans la transformation qui sera nécessaire pour limiter la microfiltration », réagit la présidente de la région Occitanie, Carole Delga (PS), alors que des milliers d’emplois, directs et indirects, sont en jeu. « Nous avons deux mois pour trouver les solutions qui permettront de se mettre en conformité avec la norme. Nous organiserons donc très prochainement […] un temps de travail pour envisager les aides publiques qui peuvent être apportées à l’entreprise. »
Avis défavorable des experts
Nestlé tire son eau minérale naturelle Perrier de ses cinq forages à Vergèze. Concernant la possibilité de continuer à les exploiter, des hydrogéologues sollicités par la préfecture du Gard ont rendu un avis défavorable, avait révélé le 9 avril Laurent Freixe, directeur général de Nestlé, devant la commission d’enquête sénatoriale sur les pratiques des industriels de l’eau en bouteille.
« Le gouvernement qui avait validé le plan de transformation de Nestlé Waters est lourdement fautif », estime le sénateur Alexandre Ouizille (PS), rapporteur de cette commission d’enquête. « Il s’est placé en marge de la légalité en validant des investissements dans certains processus aujourd’hui clairement écartés par les préfets ». L’Etat est en effet soupçonné d’avoir été mis au courant de ces pratiques et les avoir autorisés.
Face à la difficulté pour lui de produire à Vergèze une eau respectant les normes requises pour les eaux minérales naturelles, le groupe Nestlé avait déjà réalloué deux forages de ce site, en 2022, pour produire sa nouvelle marque « Maison Perrier ». Une boisson vendue sans cette appellation « eau minérale naturelle ».
Carole Delga entend faire modifier la loi. « Je mènerai un travail étroit avec les membres de la commission d’enquête sénatoriale, les parlementaires, dont Denis Bouad, sénateur gardois, et les ministères concernés pour examiner la possibilité d’une évolution législative », prévient la présidente de la région Occitanie. Elle souhaite « permettre aux embouteilleurs d’eaux minérales de mieux adapter leur production à la réalité de la ressource tout en garantissant la sécurité sanitaire et la qualité attendue par les consommateurs. »
Notre dossier sur Nestlé
L’association de consommateurs Foodwatch a estimé mercredi dans un communiqué que « cette décision va dans le bon sens ». Elle espère que l’information judiciaire entamée parallèlement à ces demandes d’autorisations administratives permettra de « faire toute la lumière sur les agissements commis par la multinationale et ses responsables ».