People, chef évadé de prison… Comment les gendarmes ont démantelé ce réseau criminel albanais ?

Un joueur de foot, un rappeur, un ancien pilote automobile… Les membres de réseau criminel albanais ciblaient les résidences de luxe de personnalités qu’ils cambriolaient en leur absence. Soupçonnés d’avoir volé pour plus d’un million d’euros de biens, sept d’entre eux, dont le chef de ce clan, ont été mis en examen pour une cinquantaine de faits commis en France et en Belgique.
Le général Marc de Tarlé, le patron de l’OCLDI (Office central de lutte contre la délinquance itinérante) raconte à 20 Minutes comment les enquêteurs ont travaillé pour identifier et interpeller les suspects.
Comment a commencé l’enquête ?
Il y a un lien qui est fait entre plusieurs faits, le mode opératoire étant similaire. La police technique et scientifique a isolé sur une scène un ADN. Il appartient à une personne au profil très particulier, un chef d’un gang mafieux albanais. C’est la raison pour laquelle l’OCLDI va être engagée sur ce dossier. Nous avons l’habitude de travailler sur les gros cambriolages et nous connaissons bien ce type d’organisations, les groupes balkaniques comme les voleurs dans la loi. Nous allons travailler avec d’autres services, comme la section de recherches de Reims, la brigade de répression du banditisme à Paris ou la police luxembourgeoise.
Justement, qui est le principal suspect de cette affaire ?
Edison Pula appartient au gang « Nikla », un clan albanais qui est connu pour sa violence : assassinats, trafic de stupéfiants, vols en bande organisés, trafic de véhicules… Les groupes albanais sont souvent polycriminel. Mais ce n’était pas un groupe qu’on connaissait spécifiquement. Les clans albanais qui travaillent à l’étranger ont une certaine autonomie et ont des objectifs de résultats.
Lui est mis en cause en Albanie dans un dossier de tentative d’assassinat à l’explosif, il est suspecté d’avoir piégé d’un véhicule. Il va être arrêté dans son pays et va s’évader à deux reprises. Il va ensuite être incarcéré pour des vols en bande organisée en Italie. Une fois encore, il va s’évader de la prison de Trévise au mois de juin 2022 en utilisant des draps. Ses complices sont arrêtés mais lui a réussi à fuir. Les malfaiteurs albanais s’appuient souvent sur la diaspora locale, sur leurs réseaux, sur leur clan ou les gens de la famille. Il va arriver donc en France et s’installer dans la région de Reims en louant en liquide des logements sur Airbnb.
Quel est son mode opératoire ?
Ils vont cibler les victimes sur les réseaux sociaux, repérer des maisons cossues, effectuer des repérages. Ils s’intéressent notamment à des personnalités : un ancien pilote automobile, un joueur de Ligue 1, un rappeur, un directeur général de société… Ils bougent beaucoup et circulent avec des voitures faussement plaquées. Ils agissent à la tombée de la nuit, quand il n’y a personne. Ils escaladent les façades pour rentrer dans les maisons ou les appartements afin de déjouer les alarmes et passent par les fenêtres. Ils ne restent que quelques minutes sur les lieux.
Ils cherchent des objets à haute valeur ajoutée comme la maroquinerie de luxe, les montres, les bijoux… Les préjudices peuvent aller de 100.000 à plusieurs centaines de milliers d’euros. Ils peuvent écouler ces biens de différentes manières. Mais de façon générale ils les envoient en Albanie. On leur impute une cinquantaine de faits pour un préjudice total qui dépasse le million d’euros. Edison Pula voulait en faire beaucoup, il n’avait aucune raison de retourner en Albanie où il était recherché. Le problème pour nous, c’est qu’ils ne font pas n’importe quoi. Ils sont très furtifs et sont beaucoup sur leur garde. Ils sont toujours très difficiles à appréhender.
Comment ont-ils été interpellés ?
Le chef et un complice ont été arrêtés au Luxembourg où ils s’étaient réfugiés. Ils ont ensuite été extradés en France. Nous allons ensuite interpeller six autres personnes dont une a depuis été remise en liberté. Au total, dans ce dossier, sept personnes ont été mises en examen, trois ont été incarcérées et quatre autres placées sous contrôle judiciaire.
Est-ce nouveau qu’ils ciblent des personnalités ?
il n’y a pas que les Albanais qui font ça. Mais oui, je pense que les organisations criminelles de ce pays le font un peu plus que les autres.
Comment travaillez-vous sur ce type d’organisation criminelle ?
On fait beaucoup de surveillance technique ou physique. On sait comment ils travaillent et donc on sait mieux que d’autres comment les appréhender pour être efficace. L’enquête se poursuit, il y a un travail d’identifications des victimes et de restitution des biens volés qui ont été retrouvés, dont l’estimation avoisine 650.000 euros.