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Paris-Nice : « Une situation stressante »… Quelles stratégies (de L1) pour les équipes World Tour menacées de relégation ?

On est tous passés par là dans nos années lycée. Quelques mauvaises notes en début d’année, les remontrances du corps enseignant et des darons qui vous mettent un peu la pression, puis le coup de collier salvateur au printemps pour passer des vacances d’été les doigts de pied en éventail en répétant à votre paternel : « Franchement, c’est passé crème. » Sauf que dans le petit monde de la bicyclette, actuellement sur Paris-Nice, ça ne passera pas crème pour tout le monde, car certains se réveillent un peu tard.

A la fin de la saison, après le désormais classique cycle de trois ans, deux équipes de World Tour descendront à l’échelon inférieur, en Pro Tour. Et chez les équipes menacées de relégation, c’est un peu panique à bord, gilets de sauvetages et rames de sortie alors que l’eau arrive à la gorge. Chacun, à la manière d’un club de Ligue 1 qui veut sauver sa peau dans l’élite, a trouvé différents moyens de boucher les voies d’eau dans l’urgence. Mais lesquels ?

La stratégie lyonnaise et rennaise : on change tout

Bonne dernière du classement et larguée sur la concurrence en début de saison, l’équipe Astana était promise à la relégation après deux saisons sans résultat. Mais ça, c’était avant l’intersaison. Car comme l’OL ou le Stade Rennais, qui avaient remodelé leur effectif dans des grandes largeurs moyennant quelques gros biftons pour assurer leur maintien en L1, les Kazakhs ont décidé de recruter à tout-va des coureurs confirmés qui pourraient marquer des gros points au classement UCI : Wout Poels, Diego Ulissi, Clément Champoussin ou Sergio Higuita.

Cette nouvelle concurrence a poussé ceux déjà en place à se bouger le popotin, comme Christian Scaroni, meilleur coureur du monde avant les Strade Bianche, avec des victoires sur la Classic Var et le Tour des Alpes-Maritimes, une deuxième place au Trofeo Laigueglia… Sur toutes les courses, des maillots bleu, ciel et jaune se lancent comme des morfales sur chaque échappée, chaque sprint, pour tenter de marquer le maximum de points UCI, comme sur la Faun Ardèche Classic où les Astana ont terminé 4e, 5e et 6e.

Le Team Picnic PostNL et la Cofidis sont les deux premières équipes WT non relégables.
Le Team Picnic PostNL et la Cofidis sont les deux premières équipes WT non relégables. - Pro Cycling Stats

« Ils ont super bien commencé la saison, commente Kjell Carlström, manageur général de l’équipe Israël – Premier Tech, dont l’équipe était descendue en Pro Tour 2022 et lutte pour remonter cette saison. C’est impressionnant de voir ça, parce qu’ils ont été plus ou moins compétitifs sur toutes les courses. Ils sont de nouveau en vie. » Des gros points dans la besace qui permet de voir leur retard fondre sur la Cofidis et Picnic PostNL, premiers relégables.

La stratégie toulousaine : confiance aux datas

Pour se reconstruire, remonter et bien figurer en L1, le TFC est devenu un expert des datas. Un joueur qui évolue à Chypre par ici, un autre venant d’un club norvégien par là. Et ça marche. Pour le maintien en World Tour, les data-analysts se sont surtout penchés sur le calendrier des courses, pour éviter de croiser le fer avec les Visma Lease a bike, UAE Team Emirates ou Red Bull Bora Hansgrohe, les gargantuas du peloton. « Notre calendrier a été élaboré par l’ensemble de la direction sportive pour essayer d’atteindre ce bel objectif du maintien », nous a sobrement répondu l’équipe Arkea B & B Hotel, pour le moment dans la charette.

« On a beaucoup travaillé sur les choix de courses rentables grâce à un logiciel créé par notre data-analyst qui nous guide sur telle ou telle épreuve en fonction de la concurrence, et donc des probabilités de récupérer ou pas des points UCI », expliquait Alexandre Vinokourov, le manageur d’Astana dans L’Equipe. Une stratégie également utilisée par l’équipe israélienne dans sa quête de promotion dans l’élite :

« Nous faisons le même type d’analyse qu’Astana. Nous regardons les différentes courses et le potentiel de nos coureurs pour gagner des points et des victoires. Nous avons examiné des courses où nous pensons que nous pouvons bien performer. Nous avons des coureurs comme Corbin Strong, Stephen Williams, Joseph Blackmore, Pascal Ackermann. Nous essayons de les mettre dans les meilleures courses où ils peuvent faire des résultats. »

La stratégie rémoise : un maintien, quel maintien ?

Pas sûr que ça soit la bonne solution. Quatorze matchs consécutifs sans victoire, six défaites d’affilée, une place de premier non relégable… L’alarme rouge devrait être tirée au Stade de Reims. Mais même si l’entraîneur Lukas Elsner a été renvoyé, personne ne semble être préoccupé par le maintien. Et peu comme chez Cofidis, qui a de son côté gardé le boss Cédric Vasseur. « Nous sommes focalisés pour tout donner à chaque course, viser des victoires et nous ne souhaitons pas résumer nos objectifs aux problématiques liées au maintien », nous a-t-on dit dans l’équipe nordiste.

Pourtant, plus les semaines vont passer, plus la calculette va être de sortie. « La course à la relégation, c’est une situation stressante, pas une bonne atmosphère », assure Carlström. Et, à la vitesse à laquelle revient Astana, qui a déjà grappillé environ 1.700 points sur Cofidis, qui a quand même recruté des coureurs très « points UCI compatibles » comme Dylan Teuns et Alex Aranburu, les gouttes de sueur vont vite venir remplir les chemises blanches de la direction sportive.

« Si on perd notre licence World Tour, le sponsor peut changer d’horizon, prend quand même conscience Benjamin Thomas, interrogé par l’AFP. Dans certains cas, l’équipe ferme carrément. Ça met en danger le travail de beaucoup de monde. »

La stratégie auxerroise : bien jouer et éviter le yoyo

Les deux relégués à la fin de la saison pourront se servir de l’exemple de l’AJA, habitué à prendre l’ascenseur entre Ligue 1 et Ligue 2. Installé dans l’élite, le club icaunais essaie de se sauver chaque année en proposant un jeu alléchant, avec de bons petits joueurs. Très bien parti pour revenir en World Tour à la fin de la saison, Israël Premier – Tech a appris de la relégation de 2022, en renforçant son effectif pour avoir plus de profondeur, élargissant le sceptre de ceux qui peuvent marquer des points et en allant chercher des victoires à droite à gauche.

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« Aujourd’hui, nous essayons d’obtenir des résultats, pas seulement des bonnes places pour marquer des points, indique Kjell Carlström (aucun rapport avec Kim Kallstrom). Dans le cas du Gran Cambino, par exemple, il était clair que notre objectif était de gagner le classement général. » Chose faite grâce au Canadien Derek Gee, le 2 mars. Tous les entraîneurs vous le diront : il est plus simple d’avoir des résultats en jouant bien, même si les professeurs Kombouaré ou Dupraz vous diront le contraire. Ce qui ne les a pas empêchés de redoubler à la fin de l’année.