Paris: Les évacuations d’urgence, le cauchemar de la RATP

« J’étais appelée pour un problème de portes sur un RER en gare de Châtelet et comme j’arrivais au bout du quai, j’ai vu un peu plus loin dans le tunnel des voyageurs qui descendaient d’un autre RER. » Quand Mélissa découvre cette évacuation spontanée, elle contacte immédiatement sa hiérarchie et s’engage sur les voies pour contrôler le flux désordonné de voyageurs. Car Mélissa, depuis dix ans agent de maîtrise polyvalente à la RATP, est aussi cheffe d’incident en cas de pépin sur le RER A, du moins sur la partie RATP. Déployée sur le terrain, c’est elle qui coordonne les équipes en cas d’évacuation en lien avec le Centre de commandement unique (CCU) situé à la gare RER de Vincennes.
Et les évacuations, qui sont la hantise des voyageurs, le sont aussi pour la RATP. Elles sont à la fois complexes et dangereuses et le transporteur parisien fait tout pour les éviter. C’est dans cette optique qu’a été mis en place en février 2019 le CCU qui rassemble la RATP, la SNCF et gère « les incidents en temps réel en lien avec les agents dans les gares », explique Philippe Lopez, directeur de la ligne A.
Le risque de surincidents
« Le RER A, c’est 1,1 million de voyageurs par jour avec des trains toutes les 2’30 en heure de pointe », rappelle-t-il. Conséquence, en cas de blocage d’un train, on peut vite se retrouver avec d’autres trains arrêtés en inter-gares, c’est-à-dire dans les tunnels. « Un malaise voyageur et c’est un arrêt de 7 à 10 minutes et donc potentiellement 3-4 trains qui s’accumulent dans un tunnel », précise Mathieu Hemour, responsable du pôle transport RER. Et ça, la RATP veut à tout prix l’éviter car en général une évacuation génère des surincidents et parce qu’évacuer les 2.500 passagers d’un train sur les voies prend entre une heure et une heure et demie, parfois plus si la rame est arrêté loin d’une station.
C’est pourquoi dès qu’un conducteur signale un problème au CCU, le superviseur, ou chef de salle, et ses trois chefs de régulations font tout pour limiter les trains en intergares en demandant aux trains suivants celui victime d’un incident de rester en gare. « On préfère évacuer les voyageurs à quai plutôt que dans un tunnel », commente Philippe Lopez. En général si l’incident n’est pas résolu dans la demi-heure, on décide de l’évacuation du train.
Evitez la panique
Mais comme les passagers doivent patienter, la RATP « a beaucoup travaillé sur la prise de parole du conducteur parce que ça diminue l’angoisse des voyageurs », explique le directeur de ligne. Car, et ce n’est pas une surprise, la panique ne produit jamais d’effets positifs. Ainsi, tirer le signal d’alarme d’un train à l’arrêt libère les portes et donc permet aux voyageurs de descendre sur les voies, la fameuse évacuation spontanée. « Dans ces cas-là, on coupe le courant pour arrêter les trains et empêcher tout risque d’électrocution », indique Mathieu Hemour.
C’est ce qui s’est passé le 18 juillet sur les RER B et D au niveau de gare du Nord. En raison d’une suspicion de voyageur sur les voies, un message a été envoyé à tous les trains pour s’arrêter. Sauf que dans l’un des trains, sans doute en raison de la chaleur caniculaire de ce jour, « le signal d’alarme a été tiré au bout de deux minutes », raconte le responsable du pôle transport RER. Et c’est le début de l’évacuation spontanée qui a complètement paralysé le trafic. Sans compter qu’il a aussi fallu empêcher les autres voyageurs d’accéder aux quais pour ne pas gêner l’évacuation.
C’est dans ce genre de situation qu’intervient Mélissa pour « gérer et orienter les voyageurs ». Mais elle et ses collègues, une quinzaine en permanence sur le tronçon du RER A géré par la RATP, ne font pas que de la gestion de flux. Ils sont avant tout « les yeux et les oreilles du CCU ». « Depuis 2018 et les évacuations sur la ligne 1, on a formé ces agents pour qu’ils puissent intervenir sur les voies », indique Philippe Lopez. Mélissa est ainsi apte à conduire un train en cas de défaillance du conducteur, et c’est elle qui prend les décisions sur le terrain en accord avec le CCU. Et en cas d’évacuation, c’est toujours elle qui fermera la marche. Alors pour lui évitez des sueurs froides, n’actionnez pas le signal d’alarme à la légère.