Paris : L’enseignante qui avait frappé une élève de 3 ans parce qu’elle pleurait fait face à la justice
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La scène a été discrètement filmée, le 3 septembre dernier, par un parent d’élève. Et sa diffusion sur les réseaux a suscité une vague d’indignation. La vidéo montre une enseignante de l’école maternelle des Frères Voisin, située dans le 15e arrondissement de Paris, asséner un violent coup dans le dos d’une petite fille de 3 ans, la faisant chuter. Elle prend ensuite un vaporisateur et s’en sert pour asperger la fillette, qui s’est relevée et est partie se cacher dans un coin de la pièce. « Voilà ! Ça fait du bien là ? » lui demande-t-elle. Le témoin décide, le lendemain, de montrer les images à la mère de l’élève. Choquée, cette dernière dépose une plainte au commissariat d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine).
Plus de cinq mois se sont écoulés depuis les faits. La professeure des écoles est jugée ce vendredi devant la 15e chambre du tribunal correctionnel de Paris. « Jusqu’à présent, elle avait réservé sa parole et elle ne s’était pas répandue dans les médias ou sur les réseaux sociaux. Elle est apaisée et soulagée que ce procès, qu’elle attendait avec impatience, se tienne enfin. Elle pourra expliquer comment elle en est arrivée là. La vidéo ne dit pas tout, ne rend pas compte de toute la scène », explique à 20 Minutes son avocat, Me Laurent Hazan.
« Séquelles psychologiques »
Cela devait pourtant être une grande journée : la petite fille faisait son entrée en maternelle. « Cette rentrée, elle l’avait idéalisée, fantasmée. Elle voyait ses grands frères aller à l’école le matin, et elle aussi avait envie d’y aller. Elle était allée acheter avec sa mère des petites chaussures, elle était très contente », raconte à 20 Minutes l’avocate des parents de la victime, Me Vanessa Edberg. Mais le soir, en rentrant, l’enfant confie à sa mère avoir été frappée par sa maîtresse, sans plus de précisions. Elle conserve pourtant « des séquelles psychologiques » du coup porté, assure l’avocate. Examinée à l’unité médico-judiciaire de l’Hôtel-Dieu, la victime se voit délivrer deux jours d’incapacité temporaire de travail (ITT).
« On est face à une maîtresse qui intervenait dans le cadre de son exercice professionnel. Ce n’était pas une fessée, on le voit sur la vidéo. Elle l’a violemment tapé dans le dos, et encore une autre fois après », insiste Me Edberg. Elle explique que la mère de la fillette « venait de quitter la classe et que la petite avait du mal à être séparée de sa maman ». « Au lieu de se mettre à son niveau, de la rassurer », la maîtresse l’a frappée. Les parents de l’élève attendent du procès « que le préjudice psychologique de cette petite soit reconnu et que cette femme ne puisse jamais réitérer ce genre de violences avec d’autres enfants », fait savoir leur avocate. La petite fille a depuis changé d’école et « va mieux » depuis quelques semaines.
« Une situation compliquée » le jour des faits
L’enseignante, qui exerçait depuis vingt-huit ans, avait « un excellent dossier », signale Me Laurent Hazan. Elle a depuis été mise à pied à titre conservatoire. Elle « a suivi une thérapie pour essayer de comprendre ce qui s’était passé, comment elle en était arrivée là, comment elle avait pu commettre ce geste fautif ». Sa cliente, dit-il, « a pris conscience de beaucoup de choses, notamment qu’elle ne pouvait plus exercer avec des conditions de travail aussi délétères ».
Interrogés par les enquêteurs, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) se souvenaient aussi d’ « une situation compliquée » le jour des faits, avec « beaucoup d’enfants en pleurs » et une classe décrite comme « difficile » en raison d’un sureffectif et de certains élèves présentant des « troubles psychologiques ».
Une demande de dommages et intérêts « indécente »
L’avocat de la prévenue souligne qu’au moment des faits, cette femme rencontrait « des difficultés personnelles ». Elle avait appris « le décès d’un proche la veille de la rentrée » et souffrait de problèmes de santé qui l’inquiétaient. « Elle n’aurait pas dû aller travailler, mais elle n’a pas voulu pénaliser les enfants et les parents car il n’y a qu’une classe par niveau », observe-t-il.
Me Laurent Hazan juge totalement « injustifiée » la somme de 20.000 euros de dommages et intérêts réclamée par la partie civile. Les expertises réalisées dans le cadre du son dossier montrent, dit-il, que l’enfant ne souffre d’aucune blessure. « Aucun traumatisme psychologique en lien avec cet événement », n’a été décelé, poursuit-il. « C’est indécent et cela témoigne d’une méconnaissance totale du droit de la réparation », ajoute l’avocat. Selon lui, la partie adverse est à l’origine d’un « buzz médiatique » visant à « instrumentaliser cette gamine ». « On l’a fait passer pour une victime des pires souffrances et à la fin, on demande des dommages et intérêts exorbitants. C’est dommage. »