France

Paris : La polémique enfle autour d’une toile du Palais de Tokyo accusée de « pédopornographie »

Une toile du Palais de Tokyo, appelée fuck abstraction, suscite actuellement la polémique, accusée d’encourager la pédopornographie. Dans cette œuvre du musée parisien réalisée par Miriam Cahn, on peut voir, baignés dans un certain flou, un homme musclé et de grande taille imposant une fellation à un personnage beaucoup plus petit, et tenant la tête d’un autre, les deux ayant les mains liées.

Le tableau s’accompagne d’un cartel explicatif, qui prévient que certaines scènes « sont de nature à heurter la sensibilité des publics » et donne du contexte sur l’œuvre : « Le tableau fuck abstraction ! a été réalisé pendant la guerre en Ukraine et après que les images du charnier de Butch aient été diffusées ainsi que des images de nombreux viols sur des femmes et des hommes (…). Miriam Cahn réagit sur le vif à la violence de ces images qui ont circulé sur les réseaux sociaux et fait le tour du monde. »

« L’artiste représente ici une personne adulte »

Pourtant, et malgré ces explications, l’œuvre a fait l’objet de nombreuses critiques, appelant à la décrocher. « Voilà ce qu’on ose exposer depuis le 17 février au Palais de Tokyo. (…) Décrochez ça vite fait. C’est insupportable » a tweeté Karl Zéro, un animateur de télévision engagé contre la pédocriminalité mais aussi régulièrement accusé de complotisme. « Quelle est l’utilité de certaines toiles de Mme Cahn Miriam mettant en scène des enfants pratiquant une fellation à un adulte ? (…) Nous demandons que les toiles en question, de Mme Cahn Miriam, soient décrochées au palais de Tokyo », écrit aussi une pétition, signée par plus de 8.000 personnes. L’association Juristes pour l’enfance est entrée dans la bataille, appelant dimanche 19 mars à retirer le tableau « représentant un homme imposant une fellation à un enfant ».

Pourtant, le cartel de l’exposition indique très explicitement qu’il ne s’agit pas là d’une apologie de la pédocriminalité: « Pour l’artiste,  »il s’agit ici d’une personne aux mains liées, violée avant d’avoir été tuée et jetée dans la rue. La répétition des images de violence dans les guerres ne vise pas à choquer mais à dénoncer ». » Le musée a par ailleurs précisé ensuite dans un communiqué que « l’artiste représente ici une personne adulte ».

Le ministère interpellé

Mais l’explication est insuffisante pour Juristes pour l’enfance, et ne disculpe pas l’œuvre de tomber sous le coup de la loi : « Peu importe (sic) les allégations ou même les intentions de l’artiste : elles ne permettent pas d’échapper à la qualification pénale dans la mesure où le plus grand nombre reconnaît bien la représentation d’un enfant dans la figure agenouillée et violée. » Le Code pénal interdit « le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d’enregistrer ou de transmettre l’image ou la représentation d’un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique. »

Pour Juristes pour l’Enfance, qui interpelle notamment le Palais de Tokyo et le ministère de la Culture, qui gère le musée, « ce type de représentation ne permet pas de lutter contre les actes pédocriminels mais au contraire est susceptible de conforter, voire inciter, des personnes à tendance pédophile à passer à l’acte. » Le Palais de Tokyo n’a pas pour l’instant retiré l’œuvre, et le ministère de la Culture, contacté par 20 Minutes, ne s’était toujours pas exprimé au moment de la publication de cet article.

« Je n’étais pas sûre de pouvoir faire image de ça »

A noter que l’artiste avait elle-même exprimé ses doutes à propos de la représentation de ces viols, dans une interview au Monde, en février : « Après Boutcha, je n’étais pas sûre de pouvoir faire image de ça. Mais je savais que je devais essayer de montrer ces crimes, car ce qui me choque, c’est que cela ne changera jamais : on ne sait pas apprendre. »

Sur les réseaux sociaux, les réactions sont clairement partagées. « Tissu de mensonges », disent les uns. Une internaute, au contraire, estime « difficile de voir dans ce tableau une apologie ou une jouissance ». Et ajoute : « On peut débattre sur les moyens et les effets politiques de l’art, ou l’utilisation d’images pour dénoncer. Mais enlever le mot guerre de nos dictionnaires ne nous aidera pas. »