France

Paris : Collégiens menottés ou en tenue de policiers… Un atelier pour découvrir la police interroge

Des élèves qui jouent à se menotter, d’autres qui effectuent un parcours d’obstacles revêtus partiellement d’une tenue de maintien de l’ordre, un autre groupe qui s’amuse à viser une cible, un pistolet laser à la main, etc. Des photos diffusées sur les réseaux sociaux et auxquels 20 Minutes a eu accès montrent des élèves de cinquième participer mardi après-midi à une après-midi à visée pédagogique.

Toutes les classes de 5e du collège Germaine-Tillion, dans le XII arrondissement de Paris, ont participé mardi à ces ateliers organisés par la mairie d’arrondissement et l’Education nationale* et animé par l’association Raid aventure organisation, composée de policiers bénévoles. En plus des activités escalade, boxe, ou encore secourisme, les élèves ont eu des présentations des techniques d’interpellation de la police et ont échangé sur le métier avec un policier. Ils ont également visé des cibles avec des pistolets laser. Enfin, ils ont pris part à un parcours sportif pour lequel ils étaient invités à revêtir une tenue de maintien de l’ordre.

« Ma fille était estomaquée », confie à 20 Minutes Sophie, une parent d’élève. La mère de famille avait été informée par l’équipe éducative de la tenue de ces ateliers sur le temps scolaire. « Pour moi, c’était une séance de recrutement. Je ne suis pas sûre que cela ait sa place en cinquième, ils ne sont pas en train de choisir leur orientation, ils n’ont que 12 ou 13 ans. » Même interrogation chez Maria, parent d’élève à la FCPE : « Les élèves ont fait de l’escalade, de la boxe, du pistolet laser. Ils ont vu comment utiliser un tonfa [une matraque utilisée par la police], des menottes. On leur a demandé s’ils aimaient la police. C’était clairement de la promotion de la police. »

« Promouvoir la citoyenneté et les valeurs de la République »

Dans le mail envoyé aux parents pour annoncer l’événement, cette journée devait avoir pour objectif de « promouvoir la citoyenneté et les valeurs de la République, d’améliorer les relations entre les jeunes et les forces de sécurité, de créer du lien social entre la population et les policiers locaux, de modifier les comportements réciproques entre les jeunes et les policiers » et enfin de « déconstruire les stéréotypes ». Elle avait lieu dans le cadre du parcours citoyen, destiné aux élèves du primaire jusqu’au lycée, et qui « concourt à la transmission des valeurs et principes de la République », selon l’Education nationale.

« Je ne suis pas contre la police, on a déjà eu des interventions lors desquelles des policiers venaient dans des classes parler des problèmes de violence ou de drogue, lance Sylvie, une enseignante de l’établissement et syndiquée au Snes. Là, je ne vois pas quelle est la portée pédagogique. » Virginie, une collègue également syndiquée, se dit « effarée ». « Je ne vois pas en quoi cela va déconstruire un stéréotype par rapport à la police, je ne pense pas que les élèves ont fait le lien avec ce que certains d’entre eux vivent. »

« Le sport comme vecteur de communication »

Par le biais de l’association Raid aventure organisation, fondée il y a trente ans par un ancien membre du Raid, ces 300 policiers bénévoles interviennent dans toute la France avec ce dispositif « Prox ». En octobre, des ateliers « Prox » proposés aux élèves volontaires en Seine-Saint-Denis avaient déjà suscité l’ire de certains parents d’élèves.

Face à ces levées de boucliers, pourquoi ne pas privilégier les interventions dans les classes afin d’établir un dialogue entre jeunes et policiers ? « On a choisi le sport comme vecteur de communication », défend Marie, une des coordinatrices de l’association. Pourquoi des jeunes se sont-ils retrouvés à menotter des camarades ou à utiliser des tonfas d’entraînement sur des matelas de sport ? Ces gestes ont eu lieu dans le cadre d’un atelier sur les gestes techniques en intervention, explique la coordinatrice : « La première partie est une démonstration du policier sur les gestes techniques, la deuxième partie est une simulation. La démonstration se fait entre collègues, un policier ne menotte pas un enfant. Après, on met à disposition des jeunes des menottes d’exercice. On leur explique que l’utilisation des menottes est régie par un cadre. L’idée c’est de vulgariser nos pratiques pour que derrière il y ait un esprit critique : s’ils voient une personne menottée dans la rue, ils savent quelles sont les deux raisons légales. »

De la « prévention »

Pierrick Paris, adjoint au maire chargé de la Prévention, de la Sécurité et de la Tranquillité publique, note que « les enfants étaient enthousiastes à la fin de la journée ». La mairie d’arrondissement, dirigée par une maire écologiste, a été partie prenante de l’organisation de cette demi-journée. Des policiers municipaux y ont également animé un atelier sur la sécurité routière. L’événement portait sur « la prévention », souligne l’élu : « Nous sommes allés voir l’établissement, nous n’avons forcé personne. »

Pourquoi ce collège, qui accueille des familles défavorisées, a-t-il été choisi ? « Il se trouve que l’on a beaucoup de relations avec ce collège. Si l’événement devait se reproduire, je le referais avec d’autres établissements plus favorisés. »

*Contacté, le rectorat de Paris n’avait pas donné suite à nos sollicitations au moment où nous publions cet article.