France

Pâques : Inflation, grèves, scandale sanitaire… Les chocolatiers bien obligés de s’adapter

Des poissons, des poules, des lapins, des cloches, des personnages et, bien sûr des œufs, dont un gigantesque, tous à dévorer. Cette chocolaterie historique du centre-ville de Nantes a mis le paquet pour séduire la clientèle à l’occasion de Pâques. L’enjeu est de taille : les ventes de Pâques pèsent jusqu’à un tiers du chiffre d’affaires annuel de la profession. « C’est magnifique, ça donne vraiment l’eau à la bouche », approuve Christelle, à la sortie. Pourtant, la mère de famille a fait le tour de la boutique sans rien acheter. « C’est un peu cher je trouve, un peu plus que ce que je pensais en tout cas. Je vais comparer et réfléchir. » Les prix affichés sont en effet bien supérieurs à l’année précédente : de 5 % à 15 % de plus, selon les points de vente.

Un coup de chaud qui s’explique par l’inflation, laquelle n’a pas ménagé les chocolatiers ces derniers mois. « On a eu comme tout le monde une hausse de l’énergie importante, conjuguée à une hausse du coût de transport. Mais on doit composer aussi avec une hausse de nos matières premières, notamment le lait, le beurre, le sucre, la fève de cacao. Et également une hausse du packaging assez conséquente, surtout depuis Noël », résume Jean Aymes, directeur marketing de Saveurs & délices, groupe qui possède les marques Réauté et Monbana (90 magasins en France). « Le pire, je trouve, c’est l’augmentation du coût des emballages, que ce soient les plastiques, le carton, le ruban. Ça a pris 40 % en un an, c’est énorme », complète Raphaëlle Charpin, codirigeante de la maison Carli à Nantes (huit boutiques).

« S’ils ne partent pas, ils ne se vendront pas après »

Pour ne pas sombrer, les enseignes n’ont eu d’autres choix que de relever les tarifs. « On a prévenu nos clients pour qu’ils ne soient pas étonnés. Je pense qu’ils comprennent la situation », considère Raphaëlle Charpin. « Mais on a aussi dû rogner sur nos marges, c’est inévitable », déplore-t-elle. « On n’a pas répercuté toute la hausse, confirme Jean Aymes. Pour certains produits, on a fait des arbitrages pour rester attractifs ». La boulangerie-pâtisserie RUN (deux commerces à Nantes) affirme, elle aussi, avoir fait des efforts tarifaires pour Pâques. « C’est un moment important pour les familles, on doit continuer à proposer un prix qui reste accessible, revendique Julie Lebrun, manageuse de RUN. Et puis nos ventes se font sur un temps très court. Si les chocolats de Pâques ne partent pas maintenant, ils ne se vendront pas après. »

Les oeufs en chocolat (150 g) de la boulangerie-pâtisserie RUN à Nantes.
Les oeufs en chocolat (150 g) de la boulangerie-pâtisserie RUN à Nantes. – F.Brenon/20Minutes

Comme si cela ne suffisait pas, les grèves et les manifestations sont venues dernièrement « compliquer » la situation. « On a des problèmes d’approvisionnement depuis quelques semaines », regrette Raphaëlle Charpin. « Le manque d’essence est un souci pour les clients de nos magasins en zone périphérique », observe le directeur marketing de Réauté et Monbana. Pour compenser ces difficultés, les chocolatiers proposent de plus en plus d’animations (concours, chasse aux œufs, etc.) à leur clientèle. Et redoublent d’amabilité. « On met un point d’honneur à ce que l’accueil soit parfait », assure la patronne de Carli.

« Ils n’envisagent pas de rater Pâques »

Malgré ce contexte, les clients semblent au rendez-vous. Du moins pour l’instant, la majorité des achats de Pâques s’effectuant au dernier moment. « La fréquentation est très satisfaisante et le panier moyen est stable, autour de 20 euros. L’impact sera probablement davantage sur les créations les plus onéreuses », observe le directeur marketing de Réauté et Monbana. « Je suis confiante, estime Julie Lebrun, de la boulangerie-pâtisserie RUN. Nos clients font davantage attention aux dépenses quotidiennes, mais Pâques reste une tradition importante qu’ils n’envisagent pas de rater. Et puis le chocolat, c’est l’achat plaisir, ça fait du bien quand ça va mal. » Le chocolatier Carli ne dit pas autre chose. « Le chocolat est une valeur refuge, il est toujours recherché en période de crise, insiste Raphaëlle Charpin. Et c’est un achat qu’on partage, qu’on offre, le plus souvent en famille. »

Il y a un an, le scandale sanitaire (salmonellose) frappant le groupe Ferrero, la marque Kinder en particulier, avait ébranlé l’industrie chocolatière. Les artisans, eux, avaient plutôt bénéficié d’un report d’activité. L’effet d’aubaine va-t-il se poursuivre ? « J’ai l’impression que les gens ont oublié et sont passés autre chose. D’ailleurs, les ventes de Ferrero repartent bien aux dernières nouvelles », nuance Jean Aymes, le directeur des magasins Réauté et Monbana. « On ne nous en parle plus, relève-t-on chez Carli. Mais on voit bien que, depuis le Covid-19, les gens ont besoin d’être rassurés. Ils sont de plus en plus exigeants sur la qualité et sur l’origine. Et savent que ça a un prix. Tant mieux pour ce métier. »