France

Ostréiculture : Un an après, la crise sanitaire des huîtres se fait-elle encore ressentir ?

Presque un an après, la grave crise sanitaire qui a frappé les huîtres du bassin d’Arcachon et d’une partie de la Normandie fin 2023 est-elle complètement terminée ? Si elle s’était concentrée essentiellement sur ces deux bassins ostréicoles, les effets collatéraux avaient touché, par extension, d’autres bassins de production, le doute s’étant immiscé chez le consommateur.

« Toutes les régions de production, même si elles n’avaient pas été touchées par la crise sanitaire, ont vu leurs ventes chuter », soutient Laurent Chiron, président du groupement « Qualité Huîtres Marennes Oléron. » « De janvier à juin, poursuit-il, nous avons subi à Marennes-Oléron un effondrement de la consommation d’huîtres. Et aujourd’hui, nous sommes tous inquiets du niveau de nos précommandes en vue des fêtes de fin d’année », en retrait de 10 % par rapport à l’an passé. « Cette crise a été un gros coup de frein et un an après, on a encore du mal à relancer le train » assure Laurent Chiron.

« Nous étions bien sur un phénomène très ponctuel »

Contacté par 20 Minutes, Olivier Laban, président du comité régional de la conchyliculture Arcachon-Aquitaine, s’agace de son côté de devoir « resservir le couvert médiatiquement, un an après, » sur ce sujet. « Vous ne nous rendez pas service… », peste, sèchement, le représentant de la filière. Pour Olivier Laban, oui, cette crise est désormais à oublier. « Depuis le 19 janvier, date à laquelle la commercialisation de nos huîtres est à nouveau autorisée, il ne s’est plus rien passé, martèle-t-il. Donc nous étions bien sur un phénomène très ponctuel, lié à des événements que l’on connaît. Il ne s’agit pas d’une contamination récurrente qui a perduré pendant neuf ou dix mois… »

Et la baisse de consommation et des commandes ? « Jusqu’au mois de mai, on enregistrait une baisse de la consommation de l’ordre de 40 %, reconnaît Olivier Laban. Nous étions encore sous l’effet de cette crise, qui s’est arrêtée au mois de juillet quand on a eu un bel apport de touristes. Maintenant, Arcachon a retrouvé son régime de croisière. On peut en effet enregistrer des – 10 %, – 15 % de commandes pour la fin d’année, mais c’est largement le bruit de fond de l’économie en général, globalement en retrait, il n’y a rien de choquant. Les gens ont retrouvé nos produits et ont eu la preuve qu’ils étaient conformes. »

Des palettes entières détruites l’année dernière

Olivier Laban consent que du côté de la grande distribution, la situation est tout de même particulière. « Certes, elle a fait le choix d’abaisser de 20 % en moyenne son volume de précommandes, mais c’est de la prudence liée à leur chaîne logistique, analyse-t-il. Les expéditions vers la grande distribution démarrent au 17 décembre, le produit est alors stocké sur des plateformes avant d’être mis en rayon. Leur crainte, c’est de se retrouver avec des stocks sur les bras si jamais les ventes devaient être suspendues, ce qui est arrivé l’année dernière. La seule issue pour les bourriches parties en grande surface, c’est la destruction. Du coup ils font attention. »

« Des palettes entières, y compris d’huîtres de Marennes ou de Bretagne qui n’étaient pas touchées par cette crise sanitaire, ont été détruites l’année dernière » confirme Laurent Chiron, qui déplore « la grande confusion qui a eu alors lieu sur ce que l’on pouvait ou pas consommer. »

Malgré ces précommandes en retrait, les ostréiculteurs misent sur le fait que le consommateur sera, lui, au rendez-vous. Les grandes surfaces pourraient alors se retrouver en manque de produits au moment des fêtes et ainsi relancer des commandes à la dernière minute. D’autant que cette année, tous les voyants sont au vert à la faveur d’un temps froid et sec favorable, qui est en train de donner « des huîtres de qualité », poursuit Olivier Laban.

Tout mettre en œuvre pour ne plus jamais revivre un tel épisode

Cette analyse est partagée par Laurent Chiron, qui pointe de surcroît l’absence d’épidémie de gastro-entérite. Rien à voir avec la fin 2023. Les 300 ostréiculteurs du bassin d’Arcachon avaient alors été victimes d’une contamination de leurs huîtres au norovirus de la gastro-entérite, après un épisode de forte pluviométrie, entraînant un débordement du réseau d’eau usée qui avait pollué les eaux maritimes. Des milliers de consommateurs avaient été malades au moment de Noël, avant qu’une interdiction de vente ne soit prononcée le 27 décembre, un moment crucial de l’année pour les ostréiculteurs, puisque juste avant les festivités du Nouvel an.

Notre dossier sur les huîtres

« Depuis, nous avons mis en place un réseau de surveillance, pour contrôler nos productions sur sept points de novembre à avril, ce qui va nous coûter quand même 200.000 euros sur deux ans, explique Olivier Laban. Le but est d’anticiper au maximum. » Le Siba (Syndicat intercommunal du bassin d’Arcachon) a de son côté annoncé un plan à 120 millions d’euros pour renforcer son réseau d’assainissement, avec notamment la création pour 30 millions d’euros d’une nouvelle station d’épuration, pour soulager ce réseau. L’objectif est de tout mettre en œuvre pour ne plus jamais revivre un tel épisode.

L’affaire a même eu des répercussions judiciaires, puisqu’une enquête a été ouverte par le parquet de Bordeaux après le dépôt de trois plaintes contre X, par des associations environnementales, dont une pour « écocide », une première en Gironde.

En Normandie, l’idée de bassins de purification fait son chemin

Du côté de Marennes-Oléron, on estime que « ce phénomène de rejet des eaux usées concerne évidemment toute la côte Atlantique, mais de manière inégale ». « Le bassin d’Arcachon, de par sa configuration assez fermée et avec une importante population, a de fait été plus exposé, explique Laurent Chiron. Nous n’avons pas cette configuration en Charente-Maritime, ce qui explique que nous avons échappé à la catastrophe. En plus de cela, nous avons un outil : nos 3.000 hectares de claires qui servent à affiner nos huîtres, car l’affinage en claires élimine les norovirus. On a fait l’expérience de placer une huître contaminée dans une claire, au bout de quinze à dix-huit jours, elle est décontaminée. C’est un moyen de mettre à l’abri nos huîtres, au cas où. »

Un système similaire pourrait être reproduit de manière artificielle en Normandie, où l’on cherche à développer des « bassins de purification », aujourd’hui au stade d’expérimentation. Les huîtres y seraient immergées pendant au moins vingt jours, dans une eau filtrée aux UV permettant d’éliminer les virus. Problème, une partie de la profession n’est pas convaincue, quand l’autre pointe des équipements à ce jour largement insuffisants, et demande la mise en place d’un fonds pour le financement de bassins supplémentaires.