Oscars 2025 : Qui est Sean Baker, le réalisateur qui a (presque) tout raflé
Sean Baker et Anora vont de bonne surprise en bonne surprise. Après la Palme d’or cannoise, cette comédie a raflé cinq Oscars (meilleurs film, réalisateur, scénario original, montage et actrice pour Mikey Madison). Le réalisateur lui-même a récolté les quatre premiers à titre personnel, une belle victoire pour le cinéma indépendant américain.
« Des films comme Anora ne sont jamais récompensés, nous confiait le réalisateur à Cannes. Ils sont trop particuliers, trop sexy pour séduire un jury ». Le cinéaste se mettait le doigt dans l’œil. La brève histoire d’amour d’une stripteaseuse avec le fils d’un mafieux russe a su séduire et pas que sur la Croisette.
Donner une voix aux laissés-pour-compte
Pour Sean Baker, l’indépendance est plus qu’une marque de fabrique. Il s’agit d’une profession de foi. Il n’en finit pas de mettre en avant les laissés-pour-compte de l’Amérique. Son cinéma va à l’encontre des tendances puritaines comme de la facilité. Après Tangerine, où il a filmé des travestis à l’iPhone, c’est en 35 mm qu’il tourne The Florida Project où il décrit la vie d’enfants pauvres vivant près du luxueux Disneyworld. « J’aime offrir une voix à ceux que l’on ignore et les traiter avec un respect qu’on ne leur donne pas », dit-il alors. Il répare cette injustice avec autant de talent que de sincérité.

Red Rocket, conte drôle et cruel sur un acteur de films porno au bout du rouleau, a causé un choc à Cannes en 2022. Le réalisateur y abordait de front le commerce des films X en donnant la vedette à Simon Rex, acteur réputé de « films pour adultes ». Là encore, il allait loin des sentiers battus en montrant la détresse de cet homme mis au ban de la société quand il revient dans sa petite ville natale. « L’Amérique est gourmande de pornographie et ne l’assume pas, nous disait-il au moment de la sortie du film. Les travailleurs du sexe sont des gens comme les autres qui ne devraient pas être méprisés ».
Un auteur complet
Sean Baker ne se contente pas d’écrire et de réaliser ses films. Il en assure aussi le montage et il les produit avec la complicité de son épouse Samantha Quan. « Il nous arrivait même de mimer les scènes de sexe ensemble pour donner des indications aux acteurs » , se souvient-il en évoquant le tournage d’Anora. Pied de nez à l’Amérique trumpiste, ce film qui célèbre une sexualité joyeuse sans pour autant gommer la précarité des travailleurs du sexe, fait souvent rire et parfois pleurer.
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« Je ne me suis rien interdit, avouait-il au Festival de Deauville. J’ai travaillé à l’instinct en créant une relation de confiance avec mes interprètes ». Le naturel de l’ensemble a porté ses fruits et séduit le jury cannois de Greta Gerwig avant d’emporter les suffrages des votants aux Oscars. « Je compte rester un électron libre et profiter de mon succès pour acquérir toujours plus de liberté », disait-il après sa Palme d’or. Cela a plutôt bien réussi à Sean Baker qui n’a pas pris la grosse tête en devenant connu. On est impatient de savoir ce qu’il va mijoter ensuite.