France

Opération « crèches mortes » : Pourquoi la microcrèche de votre enfant risque de fermer plus tôt ce lundi

Peut-être vous êtes vous organisés pour aller récupérer votre enfant à la crèche plus tôt ce lundi. A l’appel de plusieurs fédérations de gestionnaires, les gérants de microcrèches sont en effet appelés à fermer à 16 heures pour protester contre un projet de décret du gouvernement, lequel prévoit de modifier les règles d’accueil et d’encadrement des enfants.

La grogne a commencé à monter en décembre, lorsque plusieurs fédérations du secteur ont pointé du doigt le projet désormais porté par la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles Catherine Vautrin. « Le gouvernement compte organiser le plus grand plan social jamais imaginé dans la petite enfance en prévoyant dans les prochaines années la disparition des microcrèches », s’alarmaient alors dans un communiqué commun la FESP (fédération des services à la personne), la FFEC (fédération française des entreprises de crèches), la FEDESAP (fédération des services à la personne et de proximité) et le REMI (regroupement des entreprises de microcrèches).

Des pros difficiles à recruter

Ce qui coince pour ces gestionnaires de ces petites structures, qui peuvent accueillir douze enfants, « c’est que le gouvernement veut nous imposer un quota d’auxiliaires de puériculture ou d’éducateurs de jeunes enfants, des profils de professionnels qui n’existent pas sur le marché du travail », résume auprès de 20 Minutes Jimmy Dacquin, administrateur à la FFEC et fondateur d’un réseau de microcrèches.

Actuellement, ces structures peuvent accueillir les enfants en ayant dans leurs équipes 60 % de titulaires de CAP petit enfance et 40 % de diplômées auxiliaires de puériculture ou éducateurs de jeunes enfants. Par dérogation, ces 40 % de profils plus diplômés peuvent être remplacés par des CAP ayant au moins deux ans d’expérience.

Fin des dérogations

Le projet de décret entend mettre fin à cette dérogation, ce qui obligerait les microcrèches à renforcer les effectifs avec ces profils plus diplômés, l’auxiliaire de puériculture étant l’équivalent d’un niveau bac et l’éducateur d’un bac + 3. « Avec ce projet, cela veut dire que les CAP qui travaillent dans nos structures n’auront plus de marge d’évolution », déplore Mehdi Tibourtine, directeur général adjoint de la FESP. Tout comme Jimmy Dacquin, Mehdi Tibourtine souligne la rareté de ces profils sur le marché de l’emploi. Le secteur agite aussi la menace des licenciements de CAP pour devoir les remplacer par des profils plus diplômés, une menace écartée par le cabinet de la ministre.

Parmi les doléances du secteur, figure également ce qu’ils considèrent comme une inégalité de traitement avec les autres acteurs de la petite enfance. « Actuellement, une personne avec un CAP peut accueillir seule trois enfants le matin et le soir », rappelle Mehdi Tibourtine. Avec le projet de décret, il faudra la présence d’une auxiliaire de puériculture ou d’une éducatrice de jeunes enfants. « A titre illustratif, une assistante maternelle peut accueillir seule six enfants. On n’est pas dans l’opposition des modes de garde, mais c’est pour montrer l’absence de cohérence. »

« Dans une période compliquée »

Pour Mehdi Tibourtine, ce projet du gouvernement tombe à un moment où le secteur est en difficulté et où le nombre de diplômés n’est pas suffisant pour répondre à la demande. « Au niveau national, les microcrèches regroupent 7.000 structures, 95.000 places d’accueil d’enfants et 35.000 salariés », souligne-t-il. Si le secteur regroupe des mastodontes comme la Maison Bleue ou People and Baby, dont la gestion a été pointée du doigt dans un livre enquête de Victor Castanet en 2024, le représentant de la FESP veut écarter les « fantasmes » : « La grande majorité de nos gestionnaires ont une, deux ou trois microcrèches. On est dans une période compliquée, on n’a jamais eu autant de défaillances. »

Aujourd’hui, les fédérations veulent être entendues par le ministère. « On dit oui, bien sûr, à plus de qualité et plus de professionnalisation, mais ces éléments ne peuvent pas être décorrélés des réalités », résume Mehdi Tibourtine.

La ministre veut être « très ferme sur les contrôles »

Au sein du secteur, toutefois, tous les professionnels n’ont pas la même lecture du décret prévu par le gouvernement. Le syndicat des professionnels de la petite enfance y apporte son soutien, appelant au « respect des quotas légaux ». « 40 % de professionnel·les titulaires d’un diplôme d’auxiliaire de puériculture, d’éducateur de jeune enfant ou d’infirmière puéricultrice est un minimum garantissant qualité et sécurité, tout en valorisant les diplômes d’État [les CAP]. »

La ministre Catherine Vautrin a à plusieurs reprises défendu son projet, y compris vendredi dans un courrier envoyé aux maires, que 20 Minutes a consulté. Elle y indique que le décret est en cours d’examen par le Conseil d’Etat et y ajoute que « la priorité de cette mesure est la qualité de l’accueil des enfants, et la mise en place des garanties nécessaires pour que l’accueil soit respectueux de leurs besoins et de leurs droits ».

Le 24 janvier, elle annonçait qu’elle serait « très ferme sur les contrôles » : « D’ici septembre 2026, les microcrèches devront se conformer aux mêmes normes de qualifications que les petites crèches, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. »

Des déclarations qui font suite à plusieurs révélations journalistiques sur les conditions d’accueil dans certains grands groupes privés de crèches. Après ces révélations, et la mort d’une enfant de onze mois en 2022 à Lyon dans une structure appartenant à un groupe privé, l’inspection générale des affaires sociales avait rendu en mars 2023 un rapport pointant « une qualité d’accueil particulièrement hétérogène dans les établissements d’accueil de jeunes enfants [crèches et microcrèches], le secteur présentant des établissements de grande qualité, portés par une réflexion pédagogique approfondie, comme des établissements de qualité très dégradée ».