« On ne voit jamais notre vie à la télé »… Une étude montre le sentiment de déclassement des habitants de la campagne

Qui sont-ils ? Combien sont-ils ? Comment se vivent-ils ? Ce lundi, Ouest-France a dévoilé, en partenariat avec France Culture, les résultats d’une grande étude menée sur les habitants de la campagne avec pour objectif de « mettre en évidence la distorsion entre des visions dominantes et la réalité » selon Laurence de Nervaux, directrice générale de Destin commun, l’un des quatre organismes à l’initiative de l’étude avec Bouge ton coq, Insite et Rura.
Outre le sentiment de déclassement qui en ressort, l’étude rapporte également le défaut de représentation, ou les images biaisées et clichées sur ces 21,5 millions de ruraux, soit 33 % de la population française.
Les clichés ont la peau dure
Au total, 3.532 personnes ont été interrogées (dont 1.557 ruraux) et différents groupes de discussions ont été organisés pour échanger sur « le quotidien, les ressentis, les attentes et les opinions des habitants de la campagne », explique le quotidien. « Les ruraux sont trop souvent (mal) pensés depuis Paris », explique Salomé Berlioux, directrice générale et fondatrice de l’association Rura.
Ainsi, la première difficulté relevée par le média tient à la manière dont ils sont nommés. Ainsi, les interrogés privilégient à 31 % la qualification d’« habitants de la campagne », devant « ruraux » (23 %), « villageois » (19 %), « campagnards » (11 %) et « provinciaux » (10 %). Symptomatique des ressentis, le terme le plus souvent utilisé par les politiques : « territoires », ne remporte que peu d’adhésions.
L’autre information importante qui remonte de l’étude relève de la représentation qui est faite des habitants de la campagne. « Tous agriculteurs, chasseurs, déconnectés, fans de tuning ou de musique country ? Les clichés sur les ruraux ont la vie dure », note Ouest-France qui cite Grégoire, un habitant de l’Oise : « On ne voit jamais notre vie à la télé. C’est soit les grandes villes, soit des trucs caricaturaux. » En exemple, l’étude cite l’émission à succès de M6, « l’Amour est dans le pré », à la fois « institution médiatique de la France rurale » et « parabole de l’isolement rural » alors que les agriculteurs ne représentent… que 2 % des habitants de la campagne.
« Les ruraux se sentent mal représentés et sont souvent invisibilisés »
Ainsi, « les ruraux se sentent mal représentés et sont souvent invisibilisés », explique Laurence de Nervaux. Pour 83 % d’entre eux, « les médias et les politiques imposent souvent une vision caricaturale de la ruralité depuis la ville ». Seuls 10 % des ruraux se sentent bien représentés par le gouvernement, 22 % dans les publicités, 31 % au cinéma.
Outre l’image qui leur est renvoyée, l’étude se penche également sur les problèmes du quotidien des habitants de la campagne. Premier écueil : l’éloignement. « Depuis 1930, près de 18.500 kilomètres de lignes ferroviaires (soit 40 % du réseau) ont disparu en France, principalement dans les zones rurales », explique Ouest-France pour illustrer ce sentiment. Un manque de transports en commun qui crée une dépendance à la voiture.
L’étude relève également le manque de services de santé (médecins, hôpitaux, maternité) et de services du quotidien comme les bureaux de poste et les commerces de proximité.
L’éloignement, source de discriminations
Un éloignement qui se traduit également dans les revenus, souvent plus faibles loin des grandes métropoles. Une source de discrimination pour sept jeunes ruraux sur dix, à ajouter à tout un panel de discriminations liées à l’adresse, à l’accent ou au mode de vie et qui peuvent se retrouver, notamment, dans un cadre d’embauche.
Pourtant, malgré ces différences, l’étude note que les habitants des villes et ceux des champs « souvent divisés et renvoyés dos à dos dans les discours politiques, médiatiques et dans nombre d’analyses » partagent des préoccupations et des aspirations communes pour l’avenir. « Aucune opposition fatale ni définitive. Ruraux et urbains ont beaucoup de points et d’avis communs. »
Convivialité et investissement
« Cette convergence a été une vraie surprise et montre qu’il existe un modèle rural, qui ne se résume pas à sa différence avec les villes », réagit Corentin Emery, fondateur et responsable de Bouge ton coq.
L’étude note également des aspects positifs à vivre en campagne. La tranquillité d’abord, avec la vie dans la nature et avec les animaux.
L’autre point fort relevé par l’étude est la convivialité. Un cliché persistant mais assez vrai : tout le monde se connaît dans les petites communes ce qui entraîne également un plus grand investissement dans la vie publique et dans les problèmes du quotidien.