France

« On ne l’arrêtera pas, mais »… Que va changer la loi « historique » sur le frelon asiatique ?

Vingt ans qu’il est là. Vingt ans que le premier frelon asiatique a été observé en France. Vingt ans que ce prédateur à l’appétit féroce décime les colonies d’abeilles. Vingt ans que les apiculteurs crient leur désarroi et alertent de la prolifération du « Vespa velutina nigrithorax ». Et depuis vingt ans, qu’a fait l’État pour endiguer cette colonisation ? Et bien pas grand-chose. Des initiatives ont bien germé ici et là sous l’impulsion de quelques lanceurs d’alerte mais aucune lutte coordonnée n’a jamais pu être enclenchée. Résultat : l’espèce a proliféré et s’est durablement installée partout en France, sans vraiment était embêtée. Mais ça, c’était avant. Avant qu’une loi ne soit discutée au Sénat en 2024 puis votée à l’unanimité à l’Assemblée nationale dans la soirée du 6 mars. « Un jour historique », n’hésite pas à avancer Patrick Granziera.

Cet apiculteur est basé dans le Lot-et-Garonne, là où le premier spécimen de cette espèce venue de la région de Shanghai (Chine) avait été observé en 2004, vraisemblablement chez un pépiniériste qui importait des plantes venues d’Asie. Depuis vingt ans, il observe avec effroi les ravages de ce prédateur capable de dévaster des ruchers entiers en quelques jours. « On a des colonies de 50.000 abeilles qui sont décimées. Certaines abeilles sont mangées mais d’autres meurent de faim, parce qu’elles ont trop peur de sortir de la ruche. Elles sont dans un stress permanent. »

Patrick Granziera a donc usé de toute son influence de président de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf) pour convaincre des élus d’adopter une loi contraignante. Enfin. « On attend les décrets d’application pour savoir ce qui sera fait. Mais on sait déjà qu’avec cette loi, on aura des moyens. La France reconnaît désormais que le frelon asiatique est un prédateur et qu’il faut lutter contre. Les préfets auront l’obligation d’intervenir. On ne l’éradiquera pas, mais on pourra faire baisser les prédations », poursuit l’apiculteur. Plus personne ne pourra désormais refuser que l’on détruise un nid de cette espèce classée comme « exotique envahissante préoccupante » depuis 2016 par l’Union européenne.

« Il y a des gens qui ont été tués par des frelons »

Au-delà des seuls apiculteurs, c’est toute la biodiversité française qui souffre de la prolifération du frelon asiatique. D’après une publication de la revue Science, le prédateur pourrait avaler 1.500 espèces différentes d’insectes, comme des papillons, des mouches ou des guêpes. Une catastrophe pour la pollinisation. « La présence du frelon, il faut comprendre qu’elle n’impacte pas que notre profession. Elle a un impact économique mais aussi sanitaire. Il y a des gens qui ont été tués par des frelons », rappelle Patrick Granziera. Les vignerons font aussi partie de ces victimes collatérales de cette prolifération. Et quand on touche à son vin, la France se bouge. Et elle légifère.

Selon sa taille, un nid peut abriter entre 2.000 et 5.000 frelons asiatiques.
Selon sa taille, un nid peut abriter entre 2.000 et 5.000 frelons asiatiques.  - M. Allili/Sipa

Cette nouvelle loi, on la doit beaucoup à l’abnégation du sénateur du Lot-et-Garonne Michel Masset qui l’a portée. Mais aussi à quelques députés, qui ont accepté de porter le texte devant l’Assemblée nationale dans le cadre de la niche parlementaire du Modem. « L’objectif, c’était d’avoir une application la plus rapide possible pour avoir une meilleure coordination à l’échelle nationale. Ce seront aux préfets de s’en saisir pour mener des actions de piégeage, de destruction de nids ou d’indemnisations des apiculteurs sinistrés », explique le député Modem Mickaël Cosson. Quand il était maire d’Hillion (Côtes-d’Armor), l’élu centriste a souvent eu l’impression d’agir « tout seul » dans sa lutte contre le frelon, lui qui faisait appel aux chasseurs pour détruire les nids. « Si la commune voisine ne fait rien, l’utilité reste très limitée », reconnaît le député.

« Cette loi ne va pas tout résoudre »

Si l’on ne sait pas encore comment se traduira cette loi, on peut déjà affirmer qu’elle ne suffira pas à éradiquer l’espèce, désormais implantée dans plusieurs pays européens. Il va donc falloir apprendre à vivre avec. « La vérité, c’est que tous les ans, les frelons progressent. On a perdu la bataille, peut-être même la guerre », estime l’apiculteur Pascal By dans une de ses vidéos. « Cette loi ne va pas tout résoudre. Mais elle a le mérite de reconnaître qu’il y a un véritable problème », lance Patrick Granziera. Il va maintenant falloir trouver les solutions.