France

« On n’achète pas des vaches comme des slips sur Internet » : la méthode de François pour repeupler son cheptel après la dermatose.

Fin juillet, François, éleveur laitier en Haute-Savoie, a fait partie des derniers cas du secteur touchés par la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), et un tiers de ses 53 vaches ont été contaminées par la maladie. Actuellement, sur son territoire, tous les éleveurs touchés cet été sont « repartis » et de nouveau en production.


« On a traversé l’appréhension. Puis est venu le stress. Ensuite, tout s’est enchaîné ». Fin juillet, François, un éleveur laitier en Haute-Savoie, a été l’un des derniers à être touché par la dermatose nodulaire contagieuse (DNC). En quelques jours, un tiers de ses 53 vaches ont contracté la maladie. Le 31 juillet, il a donc appliqué le protocole en abattant l’ensemble de son troupeau.

« On n’est jamais préparé psychologiquement à vivre une telle situation. C’est impossible, raconte-t-il. Les vétérinaires et les services de l’État ne l’étaient pas non plus. Mais pour nous trois, associés dans le GAEC [groupement agricole d’exploitation en commun], il était évident : face à cette crise sanitaire, il fallait protéger les fermes voisines. Si nous avions laissé la maladie se propager, il n’y aurait plus eu de vaches dans le canton ». Au final, deux tiers des exploitations ont été affectées.

La décision a été lourde pour les agriculteurs. « On a mal dormi. Ce n’était pas agréable, mais nous ne l’avons pas fait pour nous. Et en voyant les conséquences dans les Savoie, je pense que nous avons bien agi. C’est triste à dire, mais c’est la réalité ».

### Le choix du repeuplement « en collectif »

Ce sont d’autres éleveurs qui sont venus réaliser le dépeuplement chez François. « Moi, je ne pouvais pas », précise-t-il. Rapidement, la question de « l’après » s’est posée. Début août, une réunion a été organisée avec tous les acteurs concernés pour anticiper le repeuplement. « À ce moment-là, les techniciens avaient déjà trouvé 80 % des vaches nécessaires pour tout le monde », se souvient-il.

Il ajoute : « Dans les Savoie, nous avons décidé de traiter le repeuplement de manière collective. Personne n’est allé acheter des animaux individuellement. Nous avons fait appel à nos organismes de sélection, qui ont réalisé une première répartition des bovins afin que personne ne soit désavantagé. Même avant que le Jura ou le Doubs ne soient touchés, ils nous disaient : ‘Ne vous inquiétez pas, nous allons vous trouver des vaches’ ».

Pour son exploitation, François a collaboré avec son organisme de sélection (OS) pour retrouver des vaches de race Abondance. « Nous avons été orientés vers des cheptels qui cessaient ou réduisaient leur activité. Ensuite, nous sommes allés voir les vaches et avons discuté avec les éleveurs. On n’achète pas des vaches comme on prend des slips sur Internet », dit-il en souriant, rappelant l’importance de l’aspect sanitaire. À ce sujet, les éleveurs ont été accompagnés par la Chambre d’agriculture, le groupement de défense sanitaire (GDS), le réseau Réagir et la MSA.

### Les premières vaches de retour trois mois après le dépeuplement

François a complètement repeuplé son cheptel en trois mois grâce à quatre exploitations, dont deux cessaient leur activité. « Les premières vaches sont arrivées le 28 octobre. Les dernières arriveront fin janvier, au moment de l’arrêt des éleveurs qui me les confient », précise-t-il. Il a également bénéficié de la solidarité de son voisin. « Il a réalisé la chance qu’il avait d’échapper à cette situation et a participé au repeuplement de toutes les fermes », souligne-t-il. « Il me remercie encore d’avoir dépeuplé, car cela lui a permis de sauver son troupeau ».

L’éleveur de 39 ans, en activité depuis 2009, estime que la crise a été gérée rapidement, malgré quelques lenteurs. « Cela aurait pu être encore plus rapide s’il n’y avait pas eu un peu de retard sur le nettoyage des bâtiments, pointe-t-il. Désormais, avec le protocole, je suis convaincu qu’en une semaine, tout peut être nettoyé. Et que 35 ou 40 jours plus tard, les vaches peuvent rentrer ».

Quatre mois et demi après avoir dépeuplé, le nouveau cheptel de François atteint « 90 % de sa production habituelle ». « Pour l’une des exploitations, nous avons acheté tout le troupeau, détaille-t-il. Nous n’avions pas uniquement des vaches d’élite, ni uniquement des mauvaises. Nous avons trouvé un groupe dont le niveau génétique était équivalent à celui de l’ancien troupeau. Nous ne pouvons vraiment pas nous plaindre ».

### Assez d’animaux pour tout le monde

Au total, le Haut-Savoyard a récupéré un peu plus de 53 vaches. « Certaines d’entre elles s’adaptent moins bien aux bâtiments ou au système de traite. Et parfois, c’est nous qui ne nous adaptons pas à elles, explique-t-il. Dans ce cas, nous pouvons aussi aider au repeuplement ».

« Dès qu’il y en a un qui finit de repeupler, c’est barbecue et apéro tellement nous sommes heureux de revoir des vaches », affirme-t-il.

Concernant les prix, il assure que « tout le monde a joué le jeu ». Selon la génétique et le stade de gestation, une vache peut coûter entre « 1.200 et plus de 3.500 euros ». Pour éviter la spéculation, des estimations d’indemnisations avaient été établies au préalable par les OS. Ces démarches permettront aux éleveurs de recevoir des aides pour ces repeuplements. En attendant, pour compenser l’arrêt de l’activité, la perte de l’exploitation et des animaux, ils ont reçu des avances d’indemnisations de l’État, des départements et des communautés de communes.

### Tous les éleveurs touchés cet été de nouveau en production

Dans ce contexte de crise, François rappelle : la solidarité a été cruciale. « Si nous avons réussi à repeupler, c’est grâce à toute cette entraide », insiste-t-il. « D’ailleurs, les éleveurs qui nous ont aidés lors du dépeuplement étaient là pour la première traite, pour montrer des perspectives positives. Aujourd’hui, dès qu’il y en a un qui finit de repeupler, c’est barbecue et apéro tellement nous sommes contents de revoir des vaches. Nous ne nous tirions pas beaucoup dans les pattes, mais je crois qu’aujourd’hui, nous sommes plus unis que jamais ». Actuellement, dans son secteur, tous les éleveurs touchés cet été sont « repartis » et à nouveau en production.

Selon lui, en France, il existe « assez d’animaux pour repeupler les exploitations touchées ». « Si tout le monde fait un minimum d’efforts, même si ce ne sont pas forcément les mêmes races ». Il espère que cette prise de conscience solidaire touchera « tout le monde agricole ». « Je ne me vois pas dire dans un an aux éleveurs qui m’ont confié des vaches qu’elles sont euthanasiées », conclut-il. Avec ses collègues, il milite pour une nouvelle campagne de vaccination au printemps.