« On banalise ce qui n’était pas acceptable avant »… C’est quoi exactement, la « fenêtre d’Overton » ?

De potentiels saluts nazis défendus comme des « saluts romains », des phrases chocs sorties à répétition par de grands dirigeants internationaux, une montée de l’extrême droite qui prétend être la « vraie » droite… Les paysages politiques européen comme américain se sont transformés ces dernières années, notamment par le biais de personnalités publiques controversées et surmédiatisées. Conséquence : la fenêtre d’Overton s’est déplacée vers des idées de plus en plus extrêmes. Mais c’est quoi, au juste, cette fenêtre ?
« C’est une expression qui doit son nom à Joseph P. Overton, un spécialiste du marketing, lobbyiste et juriste [américain] qui a voulu définir l’espace dans lequel des idées, des opinions et des pratiques sont considérées comme acceptables par l’opinion publique d’une société. C’est un cadre défini qui peut s’élargir ou se rétrécir », résume Bruno Cautrès, chercheur au CNRS, au Cevipol et enseignant à Science Po.
Selon le père de cette allégorie, il existe un degré d’acceptation qui va de l’impensable à l’acceptable, au raisonnable, au populaire par les personnalités politiques. Pour être validé par l’opinion publique, donc, la politique doit rester dans ce périmètre précis, dans cette « fenêtre ». Et à l’extérieur, on retrouve des idées, discours ou actions vues comme radicales, extrêmes et rejetées par une grande partie de la société.
Pourquoi cette fenêtre est d’actualité ?
Parce que la fenêtre d’Overton n’est jamais figée, les personnes qui se trouvent « en dehors » tentent, par la communication politique, le buzz, les provocations, la répétition d’actions jugées radicales, de déplacer cette fenêtre. Le but : rendre acceptable ce qui ne l’était pas auparavant. « Nous avons un cas très précis avec la campagne présidentielle d’Éric Zemmour en 2022. Il a rendu les idées et les discours de Marine Le Pen, candidate elle aussi, moins extrêmes », détaille Bruno Cautrès. La répétition de discours extrêmes tend ainsi à les banaliser, et donc à les faire entrer dans cette fameuse fenêtre d’Overton.
« Quand on regarde le débat d’entre-deux tours entre Giscard et Mitterrand, en 1974 ou en 1981, l’immigration n’est quasiment pas abordée. Maintenant, c’est un argument de campagne de plusieurs partis. On a accepté et banalisé le fait de critiquer l’immigration et les immigrés. On a rendu ce discours légitime », poursuit le politologue.
Des électeurs d’extrême droite d’hier se définissent aujourd’hui comme de droite, le terme « éveillé » (woke) est devenu une « insulte »… Les repères du cadre ont donc été déplacés.
Mon oncle raciste qui me dit qu’il connaît mieux l’histoire que moi et que c’est pour ça qu’il est d’extrême droite pour enchaîner en disant que les nazi était de gauche parce que y’a socialiste dans le nom 🤡
— Boxeur de Facho 🏴☠️ (@AnarchisteJairo) February 18, 2025
La manipulation de l’opinion publique
Mais qu’elle soit trop large ou trop restreinte, la fenêtre est dangereuse : trop petite, elle n’acceptera pas des mœurs aujourd’hui ancrées dans nos sociétés : la tolérance, les droits pour les minorités, les différences culturelles. Trop grande, elle rendra floues les limites de la moralité et de l’humanité en politique et dans la société.
Et la fenêtre d’Overton n’est pas soumise qu’aux choix de communication des politiques mais vient aussi de la société, des associations, des médias, des réseaux. Et même d’une discussion autour d’un café.