On a suivi la première formation au programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité

Inspecteurs et inspectrices, infirmiers et infirmières, cheffes d’établissement, conseillers techniques auprès des recteurs et rectrices… Ils sont une centaine dans l’amphithéâtre du lycée Jean-Zay, à Paris, et presque cinq fois plus en ligne, venus assister à la première formation dédiée au nouveau programme d’éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité (Evars). Le premier étage de la fusée a été posé le 6 février dernier, avec la publication du texte définitif au bulletin officiel, après des mois de débats dans la société, parfois houleux, sur son contenu. Le deuxième étage consiste maintenant à former les personnels de l’Education nationale, et particulièrement les personnels académiques, qui auront à piloter ce programme.
« Votre nombre, notre mobilisation aujourd’hui, confortent le sentiment, que nous partageons tous et que j’exprime au nom de la ministre d’Etat, d’une responsabilité collective, d’une obligation morale et d’une urgence », lance depuis l’estrade la directrice générale de l’enseignement scolaire, Caroline Pascal, en guise de préambule.
Des notions pour chaque âge
Consentement, numérique et réseaux sociaux, égalité et discriminations, connaissances scientifiques, santé sont les « sujets phares » de l’Evars, rappellent ensemble deux responsables de l’Education nationale, avant de laisser la parole à Mathieu Lacambre, psychiatre au Centre de ressources pour les intervenants auprès des auteurs de violences sexuelles (Criavs) de Montpellier. Ce dernier explique la progressivité du programme selon l’âge des enfants, et l’importance à chaque étape – maternelle, école élémentaire, collège, lycée – d’apprendre à l’enfant des notions essentielles, qui vont lui permettre de tracer les limites ou par exemple d’identifier les bonnes personnes en cas de violences subies.
En maternelle, il est important par exemple d’identifier les parties intimes, sans avoir forcément besoin de mettre des mots précis dessus, pas forcément adaptés à son âge. Capital aussi de distinguer le « bon » et le « mauvais » secret – la surprise pour un anniversaire versus l’inceste que le prédateur veut taire, ce pourquoi l’Evars sauve littéralement des vies. « Si on loupe le coche dès cette étape, la prise de conscience de ce qu’est l’intimité et de sa propre limite peut être altérée. Il y a l’idée que le jardin secret ne devienne pas une décharge, où l’enfant va ranger ses traumas », prévient le spécialiste.
« C’était intéressant d’avoir l’avis d’un psychiatre », se félicite une participante, inspectrice pédagogique régionale, pendant la petite pause qui suit. « Cela permet de comprendre pourquoi on place certains termes à certains endroits et d’accompagner vraiment la publication du programme », complète une infirmière, par ailleurs conseillère technique.
Des formations suffisantes ?
D’autres personnes dans la salle sont plus inquiètes, et attendaient surtout d’avoir des moyens supplémentaires. « On a besoin de former les futurs intervenants en Evars [sous-entendu : les profs, et pas seulement les cadres] », note une participante, qui « rêverait d’un plan laïcité ». Lancé en 2021, ce plan comportait une demi-journée de formation en « présentiel » pour l’ensemble des personnels.
« On a doublé nos personnes-ressources depuis l’année dernière », lance, comme une forme de réponse, Michelle Lorenzi, conseillère technique de l’académie de Créteil, à la table ronde suivante. « On ne part pas de rien. Il y a déjà de vrais experts pédagogiques parmi les enseignants », estime de son côté Sabine Ticaud, inspectrice pédagogique régionale de l’académie d’Aix-Marseille. Les enseignants qui le souhaitent pourront quant à eux se former en autonomie sur la plateforme Magistère « dans les prochains jours », a annoncé Caroline Pascal.
Pas d’inquiétude du côté de Mathieu Lacambre, qui se dit satisfait que l’Evars vienne de franchir selon lui « la première étape de son développement » : « On était sur une espèce d’impulsivité, un magma entre adultes avec beaucoup de projections. Maintenant nous avons un programme, on rentre à l’école élémentaire, remarque-t-il non sans une forme d’humour. Il a fallu vingt-cinq ans pour franchir la première étape, nous allons enfin pouvoir nous déployer tranquillement. »