France

« On a fait quartier par quartier »… Ces villes qui proposent un stationnement moins cher aux plus modestes

Le stationnement avait toujours été gratuit dans la rue Corentin-Carré. Alors, dans cette petite artère située non loin de la prison des femmes de Rennes, se garer était parfois compliqué, voire impossible. Située tout près de la station de métro Jacques-Cartier et pas loin de la gare, la rue résidentielle voyait régulièrement débarquer des voitures étrangères au quartier, que les conducteurs posaient là avant d’aller prendre le métro ou le train. Mais ça, c’était avant.

Depuis un an, le stationnement est devenu payant. « On n’est pas loin de la gare, donc on avait souvent le problème de voitures qui restaient là longtemps. Parfois, c’était galère de trouver de la place. Maintenant que c’est devenu payant, on trouve toujours à se garer », témoigne Ghislaine, qui sort de chez elle à vélo. Voilà pour le positif. Mais tout n’est pas parfait, selon la Rennaise. « On avait l’habitude de garer la voiture devant notre garage mais on ne peut plus le faire. Le plus pénible, c’est qu’on a un abonnement à payer chaque mois. C’est quand même un impôt indirect supplémentaire », regrette Ghislaine, qui paye 14 euros par mois pour sa voiture.

La rue Corentin-Carré n’est pas la seule concernée. Chaque année, la ville de Rennes vient élargir le périmètre du stationnement payant : + 1.200 places en 2022, + 900 places en 2023 et + 700 places cette année. « On est obligés d’agir, notamment à côté des pôles d’échange comme la gare ou les stations de métro. On le fait à la demande des habitants parce qu’ils ne trouvent plus où se garer », justifie l’adjointe aux mobilités de la ville de Rennes, Valérie Faucheux.

Attention aux plus fragiles

Le problème, c’est qu’à force d’élargir le périmètre, les municipalités françaises finissent par toucher des quartiers populaires, dans lesquels le niveau de vie est parfois très bas. Pour « ne pas pénaliser les plus modestes », la ville de Rennes vient donc de mettre en place une tarification solidaire au 1er décembre : elle propose une réduction de 50 à 85 % du tarif résident pour la zone verte uniquement (la moins chère, hors centre-ville). « On s’est alignés sur les critères d’attribution utilisés dans les transports en commun », poursuit l’élue rennaise.

La capitale bretonne n’est pas la première en France à appliquer cette tarification solidaire (mais la deuxième a priori). En 2023, c’est la voisine nantaise qui avait innové en lançant un abonnement minoré basé sur le quotient familial, après avoir doublé la surface du stationnement payant. « On l’a fait quartier par quartier pour faciliter la vie des riverains. On a pris soin de ne pas pénaliser ceux qui travaillent en mettant en place des tarifs pour les artisans du BTP et les professionnels de santé. Et on a ajouté une tarification solidaire pour ne pas défavoriser les plus fragiles », explique Denis Tallédec, adjoint au stationnement à la ville de Nantes. Quatre déclinaisons existent de 18 à 126 euros par an (contre 180 euros pour la tarification normale). « On aurait même voulu le faire pour nos parkings souterrains mais la loi nous l’interdit, parce qu’elle considère que les personnes y sont clientes, pas résidentes ».

Un quart des abonnés sont au tarif « solidaire »

A entendre l’élu nantais, ce choix d’une tarification solidaire intéresse bien au-delà des frontières de la Bretagne historique. « On a été énormément questionnés par d’autres villes qui y réfléchissent ». A Nantes, 25 % des 20.000 abonnés au stationnement bénéficient d’une tarification solidaire. Un manque à gagner pas encore chiffré mais qui est totalement assumé par la municipalité de Johanna Rolland. « Quand j’ai pris mes fonctions, on avait un million de véhicules qui circulaient chaque jour dans Nantes. Avec la démographie, les projections nous amenaient à 1,25 million en 2035. Ce n’est plus tenable. En agissant sur nos mobilités, on a un impact sur le climat, sur la santé, sur le bien-être des habitants. On doit les accompagner pour qu’ils changent leurs pratiques mais de manière positive. Si on veut que les gens lâchent leur voiture, on doit leur offrir une alternative », explique Denis Tallédec.

A Rennes, 500.000 euros est investi chaque année pour l'installation de nouveaux horodateurs et l'aménagement du stationnement payant.
A Rennes, 500.000 euros est investi chaque année pour l’installation de nouveaux horodateurs et l’aménagement du stationnement payant.  - C. Allain/20 Minutes

Et si, comme nous, vous cherchez le lien entre la tarification solidaire du stationnement et l’abandon de la voiture, on va essayer de vous éclairer. En réservant le stationnement sur la voie publique aux seuls résidents, les villes de Nantes et Rennes veulent réduire l’accès des véhicules venant de l’extérieur. Pour ceux qui n’habitent pas là, il est alors recommandé de se garer dans un parking relais et d’utiliser les transports en commun ou d’utiliser les parkings souterrains. Laissant ainsi le champ plus libre aux habitants de la ville pour se garer près de chez eux. L’avenir nous dira si cela fonctionne.