France

Obésité : « Un coach m’a même dit que je ne foutais rien »… La double peine des gros qui se mettent au sport

Il n’y a guère que Steve « le phoque », les piliers au rugby et les sumos qui ne subissent pas les regards moqueurs ou les blagues grossophobes dans la pratique de leurs sports respectifs. Et encore. Car pour la personne lambda en surpoids ou obèse, la peur du jugement d’autrui peut la dissuader d’aller à la salle, de courir dehors ou de faire des longueurs à la piscine.

Les réseaux sociaux, notamment TikTok, regorgent de vidéos qui, prétextant l’humour, se moquent de personnes en surpoids en train de faire du sport. « Il va devoir faire deux fois le tour du monde pour perdre tout ça », commente un internaute sous la vidéo d’un garçon obèse qui fait du vélo. Et cette autre vidéo intitulée « essaye de ne pas rire », montrant un autre jeune homme obèse qui tape un 100 m. Ou encore Tibo InShape, l’un des principaux youtubeurs français, qui se prend les pieds dans le tapis en titrant « respectez les gros à la salle » dans une vidéo censée justement dénoncer les comportements moqueurs.

« J’évitais la salle et les endroits publics »

« Je me suis déjà sentie jugée lorsque j’allais à la salle de sport quand j’étais en obésité à 145 kg, alors j’évitais la salle et les endroits publics », déplore Sabrina, une Grenobloise de 20 ans. « Quand on est grosse et qu’on fait du sport, on a peur d’être jugée car on voit bien, en cours collectif par exemple, qu’on ne correspond pas à la norme de poids de la majorité des gens », renchérit Lisa, créatrice de contenu sur TikTok. Soso, elle, assure qu’elle a déjà changé cinq fois de salle : « même un coach m’a dit que je ne foutais rien parce que je n’avais pas perdu de poids en un mois ».

Pourtant, les commentaires négatifs ou moqueurs, sur les réseaux ou dans la vraie vie, semblent être l’exception et non la règle. Lisa le reconnaît, elle a commencé le sport « dans une salle très bienveillante avec toutes sortes de physiques, d’âge et des personnes encourageantes ». Avec le recul, Sabrina estime que sa peur du regard des autres était « irrationnelle », amplifiée « après deux ou trois jugements ». Sa « honte », la jeune femme l’a balayée, estimant désormais que « si quelqu’un se permet de juger une autre personne qui essaye de se remettre en forme physiquement, c’est que la personne a un sérieux problème de manque de confiance en soi ».

« Marche ou nage sinon tu vas t’abîmer »

Si Lisa et Sabrina ont su dépasser leurs appréhensions et fréquenter des salles dites classiques, ce n’est pas le cas de nombreuses autres personnes en surpoids. « La peur du regard des autres et de mauvaises expériences en salle de fitness sont effectivement parmi les principales motivations de nos clients », explique Bastien Juveneton, gérant des centres sport santé et surpoids Divinement bien. La jeune grenobloise l’avoue, « s’il y avait eu une salle comme ça à l’époque dans ma ville, j’aurais songé à y aller ».

Peut-être pire que les critiques ouvertes ou les gloussements moqueurs, il y a aussi les pseudo-experts qui vous veulent du bien. Ça, Lisa le ressent depuis qu’elle fait ses vidéos sur TikTok. « Tu devrais pas courir », « tu devrais faire des pompes plus bas »… Bref, « marche ou nage sinon tu vas t’abîmer », lui balancent des gens qui « n’imaginent pas qu’on peut être grosse est sportive ».

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D’ailleurs les vrais experts, à savoir les coachs des salles traditionnelles, n’ont pas forcément les compétences adaptées à ce type de public, selon Bastien Juveneton : « A partir du moment où il y a des contraintes médicales, ce n’est plus le même métier. Il faut prendre en compte les pathologies pour déterminer ce qu’il est possible de faire et comment », assure-t-il. Avec ça en tête et sans s’encombrer du regard des autres, Lisa a mille cordes à son arc : salle, crossfit, boxing, haltérophilie et cours à pied. « Oui je suis grosse, même très grosse aujourd’hui, assume-t-elle. Mais c’est un problème d’alimentation. Parce que depuis mon adolescence, j’ai toujours été très sportive. »