France

Nord : Les annonces de Tereos et Buitoni ternissent la reprise économique autour de Cambrai

Sinistrose dans le Cambrésis. Après l’annonce de la fermeture de Tereos, à Escaudœuvres, et la suspension d’activité chez Buitoni, à Caudry, le territoire de Cambrai, dans le Nord, subit une tempête économique et sociale : près de 300 emplois sont directement en jeu. Une mauvaise nouvelle pour le territoire qui reprenait pourtant espoir avec l’installation du gigantesque parc logistique E-Valley et l’ambitieux projet du canal Seine-Nord. 20 Minutes tente de faire le point

« Ça faisait longtemps que nous n’avions pas eu deux tâches comme ça dans le Cambrésis », se désole Charles Blangis, vice-président de la chambre de commerce (CCI) chargé du territoire. L’entrepreneur affiche, pourtant, un optimisme à toute épreuve. « E-Valley, sur l’ancienne base aérienne, ça marche bien avec des grosses entreprises comme La Redoute qui viennent y installer leur pôle logistique. C’est un magnifique coup de projecteur. Bientôt, des projets industriels risquent aussi d’y voir le jour », estime-t-il.

Ancien fleuron de l’industrie agroalimentaire

L’atout du Cambrésis, selon lui, c’est le nœud autoroutier. « Nous sommes loin des grandes métropoles, mais la proximité de deux grandes autoroutes nous aide », explique Charles Blangis. De fait, les dix dernières années ont vu rebondir l’emploi dans le Cambrésis, avec un gain d’environ 10 %, selon l’Insee. Le taux de chômage, qui n’avait cessé de croître jusqu’en 2015, s’est stabilisé. Seul bémol : la population vieillit inexorablement.

Problème, les récentes annonces de fermeture touchent des secteurs symboliques. A Caudry, l’usine Buitoni, qui a été inaugurée en 1980, a longtemps été présentée comme un fleuron de l’agroalimentaire. Quarante ans et un changement de propriétaire plus tard, elle semble faire les frais d’un repositionnement de Nestlé. « Le groupe se débarrasse de ses enseignes de malbouffe. On a l’impression d’une non-volonté de redémarrer après le scandale alimentaire des pizzas surgelées », n’hésite pas à dénoncer Frédéric Bricout, le maire de Caudry.

La fin de l’usine Buitoni serait, certes, un vilain signal, mais la ville garde encore une grosse activité industrielle avec L’Oréal, qui emploie environ 450 salariés et la dentelle, activité historique de la ville, où travaillent toujours quelque 500 personnes. Ce n’est pas le cas d’Escaudœuvres, à 15 km de là. L’annonce de la fermeture de la sucrerie Tereos, le 8 mars, quelques jours après celle de Buitoni, a fait l’effet d’une « détonation », souligne le maire, Thierry Bouteman.

Numéro un mondial à la fin du XIXe siècle

Dans cette ville de 3.000 habitants, accolée à Cambrai, l’usine devait fêter ses 150 ans, la semaine dernière. « Tout était prêt, nous avions préparé les festivités avec les dirigeants de l’usine. On a dû tout annuler. A aucun moment, ils ne nous ont prévenus de ce projet de fermeture, alors que la décision ne s’est pas prise du jour au lendemain », regrette Thierry Bouteman.

C’est surtout un symbole qui s’éteint car la sucrerie d’Escaudœuvres était la dernière du département encore en fonctionnement. A la fin du XIXe siècle, elle était même le site numéro un mondial pour la production de sucre provenant de la betterave, comme l’explique un podcast de France Culture. Et bien avant l’apparition de l’industrie de la betterave sucrière, on raffinait déjà du sucre à la fin du XVIIe siècle, dans le Nord et surtout à Lille.

La fin de cette activité risque, en plus, d’avoir des effets collatéraux importants. Selon les syndicats, la disparition de chaque emploi chez Tereos va en supprimer 13 autres. Sans compter les saisonniers, environ 120 personnes, qui travaillaient à l’automne au moment de la récolte des betteraves.

« C’est tout un territoire qui est touché, notamment, les agriculteurs qui avaient l’habitude de se fournir en pulpes de betteraves pour nourrir leurs vaches », s’inquiète le maire. Même si ce dernier croit encore au maintien d’une activité sur le site, il ressent « beaucoup de colère et de déception, avec l’impression d’avoir été trahi ».