Non, le plus bel amphithéâtre du monde n’est ni à Orange, ni en Grèce, mais à… Denver
Il est 5 heures du matin au cœur du Colorado. L’air est frais sur la plateforme qui surplombe l’amphithéâtre de Red Rocks, à quelque 2.000 mètres d’altitude. Face à l’horizon, la skyline de Denver brille encore sous les lumières artificielles, mais déjà, le soleil commence à poindre derrière la ville. Les falaises de roche rouge qui encadrent les gradins s’illuminent et prennent des teintes flamboyantes qui annoncent l’aube.
Sur les gradins de pierre, quelques silhouettes profitent du spectacle. Certains en silence, d’autres entre amis, un café à la main. Un peu plus bas, des coureurs avalent les marches avec détermination. Ici, le spectacle ne se limite pas au paysage. Dans quelques heures, ces mêmes gradins vibreront sous les pieds de milliers de spectateurs, venus assister à un concert dans l’un des lieux les plus mythiques du monde.

Un amphithéâtre façonné par la nature
Contrairement aux théâtres antiques bâtis à la main, Red Rocks existait déjà avant que quiconque ne décide d’y organiser un concert. Entre ses deux immenses falaises rouges, la scène semble avoir été posée là naturellement. L’amphithéâtre, élu meilleur lieu de concert au monde par le magazine Rolling Stones plusieurs années d’affilée, est connu pour son acoustique exceptionnelle qui ne doit rien à la technologie, puisque la roche amplifie le son de façon unique et offre ainsi une résonance incomparable.

Bien avant l’arrivée des colons, les tribus amérindiennes considéraient déjà ce site comme sacré. Au XIXe siècle, les premiers habitants européens du Colorado commencèrent à organiser des concerts improvisés, fascinés par la clarté du son qui résonnait contre les parois. Mais il faudra attendre 1941 pour que la ville de Denver n’aménage véritablement l’endroit, transformant cette merveille naturelle en un amphithéâtre de 9.525 places. Un endroit aujourd’hui considéré comme l’un des plus beaux lieux de spectacle au monde.
Une scène de légende
Depuis plus de quatre-vingts ans, Red Rocks est donc le théâtre de concerts légendaires. Jimi Hendrix, les Beatles, U2, Coldplay, Radiohead, Bruce Springsteen… : la liste est longue. Ceux qui montent sur cette scène savent qu’ils s’inscrivent dans une histoire plus grande qu’eux.

Le 26 août 1964, les Beatles y jouent devant seulement 7.000 spectateurs – une rareté pour un groupe qui déclenche habituellement des émeutes. Le billet coûtait alors 6,60 dollars. Mais surtout, il s’agissait de la toute première tournée américaine du groupe anglais. Presque vingt ans plus tard, en 1983, c’est au tour de U2 d’entrer dans la légende des lieux avec Under a Blood Red Sky. Un concert au cours duquel Bono chante devant une foule en transe sous une pluie battante et illuminé par les falaises rougeoyantes. Depuis, chaque grand nom de la musique est passé par cette scène. Vous avez loupé un de ces concerts mythiques ? Chaque été, la radio publique du Colorado (CPR) perpétue l’héritage musical avec une série de concerts hommages dédiés aux légendes du rock. Queen en juillet, les Beatles en août, Led Zeppelin en septembre.
Bien plus qu’un lieu de concert
Mais Red Rocks, c’est aussi un lieu de vie pour les habitants de la capitale du Colorado. Tout l’été, les matinées sont animées par des sessions de yoga bilingues (anglais-espagnol), au cours desquelles les participants déroulent leur tapis entre les gradins tout en profitant du silence de la montagne. À l’automne, les plus téméraires viennent préparer leur saison de ski en s’entraînant sur les marches abruptes, un exercice intense (on a testé pour vous) qui laisse souvent des courbatures mémorables. Et le soir, quand il n’y a pas de concert, l’amphithéâtre devient une salle de cinéma à ciel ouvert, accueillant des projections de films cultes – Star Wars, Indiana Jones ou encore Shrek.

Et l’expérience Red Rocks ne s’arrête pas. Sous la foule, un tunnel relie la scène à la régie son. À première vue, un simple couloir technique… qui se révèle être un véritable livre d’or sur lequel chaque artiste passé sur scène a laissé sa trace. Les murs sont recouverts de signatures, de dessins et de messages griffonnés au fil des décennies. Des centaines de noms s’y entremêlent, de Paul McCartney à Bruce Springsteen, témoins d’un lieu où l’histoire de la musique continue de s’écrire.

Un amphithéâtre que l’Homme n’a eu qu’à adopter
Quand la nuit tombe, Red Rocks prend encore une autre dimension. Les projecteurs illuminent les falaises, la musique résonne avec une clarté inégalée, et derrière la scène, les lumières de Denver scintillent à l’infini.
Notre article sur le Colorado
Contrairement aux amphithéâtres antiques, Red Rocks n’est pas un vestige du passé. Il est vivant, évolutif, ancré dans le quotidien des Denverites et dans l’histoire de la musique. Une expérience que ni le marbre romain ni la pierre grecque ne peuvent égaler.