France

Noël 2024 : Et si les toilettes japonaises étaient LE meilleur cadeau de votre vie ?

On se pensait un peu lourd à sans cesse évoquer le temps de notre dernier marathon (3h33 tout de même). Mais ça, c’était avant que Dimitri n’acquière des toilettes japonaises et nous ressasse quotidiennement à quel point sa vie a changé depuis. Non pas que la santé fessière de notre ami ne nous préoccupe pas, mais c’est bon, on a compris que son petit cul n’avait jamais été propre et aussi bien traité, pas la peine de nous le répéter à chaque passage sur le trône.

Dimitri n’est pas seul dans son petit coin, car les toilettes japonaises sont devenues le nec plus ultra à avoir chez soi, la Rolex ou la BMW version chiottes. Même Squeezie, Youtubeur numéro 2 en France, évoquait dans un live cet achat vécu comme « le plus gros kiff de ma vie ».

« Un jet d’eau dans votre fiak pour le nettoyer. Il n’y a rien de mieux. Une cuvette bien chaude, en hiver. C’est un luxe, ça c’est le vrai luxe, ça c’est la vraie richesse. C’est les toilettes japonaises, ce n’est pas une Lamborghini ou je ne sais pas quoi. Les toilettes japonaises, ça c’est l’embourgeoisement ultime » »

Vers « une vraie toilette japonaise mania » en France

Jean-Louis Lamarque, gérant du magasin Le Trône à Paris, partage le même enthousiasme : « J’en vends de plus en plus chaque année » – désormais une dizaine par mois. Pour lui, c’est une évidence, « essayer les toilettes japonaises, c’est les adopter », estime-t-il. Avant d’abattre son argument imparable : « Quand on est sale, c’est normal de se laver au lieu se simplement s’essuyer ». Bandes de gros cracra occidentaux que nous sommes.

Thierry Berrod, réalisateur et auteur du documentaire Toilettes sans tabou (2020, Arte), va même plus loin dans cette nouvelle love-story entre la France et les chiottes 9.13 : « Je pense que le pays, et l’Europe en général, vont vivre la même chose que le Japon il y a vingt ans, avec une vraie toilette-japonaise-mania ». Désormais, 80 % des foyers sont équipés de toilettes japonaises, un objet « devenu banal ».

Le Japon, fascination de la France depuis trente ans

Si le Japon ne domine pas encore les toilettes des Français, il a depuis longtemps conquis les cœurs. « Pour nous Occidentaux, cela reste le pays le plus étrange au monde, et l’un des rares modèles culturels à avoir résisté à l’américanisation – et donc à l’uniformisation. Le manga ne se confond pas avec un autre type de BD, par exemple », décrypte Pierre-Louis Desprez, spécialiste des imaginaires de marque. Or, « tout ce qui est étrange et étranger est attirant. Cela nous échappe et donc attire notre attention, la valeur la plus importante dans nos sociétés actuelles. »

Et puisque essayer les toilettes japonaises, c’est les adopter, l’augmentation massive des touristes français au pays du Soleil levant – passés de 150.000 en 2010 à 280.000 en 2023 – peut expliquer leur nouvelle popularité. Le pays a bien compris comment fasciner les foules et faire vendre. « La société TOTO, leader des toilettes bidets technologiques, est désormais vue comme un moyen de soft-power par le Japon et ne cesse de gagner des parts de marché », poursuit Thierry Berrod. L’entreprise a doublé ses revenus à l’étranger depuis 2012 et indique avoir vendu 60 millions de WC.

Tout pour plaire

TOTO dit notamment avoir bénéficié du Covid-19. Pendant deux ans, l’hygiène a été le principal sujet mondial. Tout aussi important, les confinements successifs ont totalement relancé le marché du mobilier intérieur. Comptez 14,6 milliards de chiffre d’affaires pour l’ameublement français en 2023, contre 9,76 milliards en 2017. Et s’il y avait bien un endroit à investir… « Les toilettes étaient un impensé de la maison, restées à côté de l’innovation », estime Johanna Volpert, professeure associée en marketing à la Kedge Business School Bordeaux. On avait upgradé toutes nos pièces- cuisine avec airfryer, télé écran plat, enceinte Alexa… sauf nos chiottes. Un paradoxe : « Selon plusieurs études, on passerait trois ans de nos vies dedans, rappelle l’experte. Et la question de l’optimisation de l’espace se pose particulièrement dans les salles de bains ».

D’autant que les toilettes ne manquent pas d’améliorations potentielles. On a vu le côté hygiénique, mais rajoutons l’écologie. Chaque année, une personne ayant des toilettes « occidentales » consomment de 10 à 15 kg de papier toilette. Le WC made in Japon dépense également entre deux et trois fois moins d’eau que la version occidentale à chaque utilisation. « Le sound design et la possibilité de musique permettent aussi d’éviter des moments gênants, vraie préoccupation pour de nombreuses personnes », liste également Johanna Volpert.

Chic et chiotte

Il y a parfois une raison bien plus primaire : « le côté futuriste et gadget qui plaît beaucoup à certains clients, bien plus que les considérations techniques. Un bidet, ça fait ringard, alors que là… », estime Jean-Louis Lamarque, soudain philosophe : « Il faut de tout pour faire un monde ». Et puis, « au vu du prix pour ces toilettes, c’est du luxe », rappelle quand même Pierre-Louis Desprez. Et ça, ça compte aussi : « L’attirance ne se base jamais sur du low cost, ça va toujours vers le haut de gamme. On ne rêve pas d’une Dacia ».

Ce succès illustre également une nouvelle tendance marketing – le LOL. Les toilettes japonaises, les Birkenstock, le retour en force de Desigual… « Aujourd’hui, il est de bon ton de placer son argent dans des objets décalés, un peu inutiles ou volontairement kitsch. C’est surprenant et cela donne l’apparence d’être détaché, au-dessus des considérations matérielles », confirme Johanna Volpert.

Reste quelques embûches entre ce bijou technologique et nos fesses. Par rapport au Japon, nous sommes beaucoup moins portés sur l’hygiène, rappelle Thierry Berrod. « Ce pays a même un Dieu des toilettes, Kawaya-no-kami. Et des cérémonies pour faire bénir les caleçons. » Surtout, le temps que ces toilettes s’importent totalement en France, ils pourraient déjà être totalement démodés, estime le réalisateur : « On se dirige vers des toilettes toujours plus connectées, sans utilisation d’eau, à nanomembranes, d’ici quelques années ». De quoi déjà placer les toilettes japonaises dans les fachiottes faux pas.