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« No Sugar January » : Accros au sucre, ils racontent… « C’était beaucoup plus facile d’arrêter la cigarette »

Après le mois sans alcool et celui sans tabac, voici le mois sans sucre, appelé « No Sugar January ». Pendant 31 jours, les participants sont invités à ne plus consommer aucun sucre raffiné. Adieu croissant moelleux du matin, pop-corn caramélisés au ciné et chocolat chaud devant la cheminée.

Un petit défi pour certains. Un Everest pour d’autres. Marie, Félix, Helena, Lara, Maya et Arthur se disent tous les cinq « accros » au sucre. Si l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) conseille de ne pas dépasser 100 g quotidiennement, eux explosent les compteurs.

« Ce n’était même plus un plaisir mais une obsession »

« J’ai une addiction au sucre depuis l’enfance qui s’est amplifiée en habitant seule, témoigne Lara, 31 ans. Certains jours, j’en ingère entre 300 et 600 g. Je peux prendre jusqu’à six pâtisseries en une seule journée. » La jeune femme, « de corpulence mince », alterne avec des périodes d’accalmie. « Mais il suffit que j’en remange une fois pour retomber dans mon addiction. » Pour Félix, 35 ans, « ce n’était même plus un plaisir mais une obsession. Sans mon apport excessif quotidien, je devenais irritable. » Marie, 38 ans, y voit elle une source de réconfort. « J’en mange dès que je suis stressée, triste, en colère ou en période prémenstruelle. Et même quand tout va bien… »

Lara, Félix et Marie sont-ils vraiment « addicts » ? « Pour caractériser une addiction, il doit y avoir une consommation continue, une difficulté à arrêter, un manque quand on ne consomme pas et une augmentation des quantités pour ressentir les mêmes effets », résume le professeur Amine Benyamina, psychiatre addictologue et président de la Fédération française d’addictologie. Des critères qui parlent aux personnes ayant répondu à notre appel à témoignages.

Crise d’angoisse en cas de manque

« Quand je n’ai plus rien de sucré chez moi, il m’arrive d’avoir une grosse crise d’angoisse et d’aller en acheter en pyjama à 23 heures », reconnaît Helena, 35 ans. Dans la même situation, Arthur se rue sur son téléphone. « J’en arrive à me faire livrer des gâteaux ou des bonbons tard le soir. » Ce que traversent les deux trentenaires a un nom : le « craving » ou « l’envie irrépressible de consommer ». Un important marqueur de l’addiction, selon le professeur Benyamina.

Le fait de continuer ces excès malgré les conséquences négatives est aussi révélateur de la dépendance. « Je suis complètement consciente du danger pour ma santé mais je suis incapable d’arrêter ce poison », confie Marie, qui souffre depuis peu de prédiabète. Maya*, 39 ans, en situation d’obésité, a subi deux opérations de chirurgie bariatrique mais explique que cela ne change rien. « C’est terrible de ne pas avoir le contrôle de soi. » Et les dents de Félix, saturées de carie, ne l’empêchent pas de croquer ses biscuits préférés. De fait, la consommation excessive de sucre ajouté comporte de nombreux risques pour la santé : diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, maladie du foie gras et hypertension, notamment.

Un pic de satisfaction

Si autant de personnes semblent addicts au sucre, c’est assez simple à comprendre, selon Christophe Cutarella, psychiatre addictologue. « Quand on en mange, on a une sécrétion de dopamine dans le cerveau, un pic de satisfaction très rapide. » Sarah Coscas, psychiatre addictologue à l’hôpital Paul Brousse, à Villejuif, poursuit : « Ce circuit de la dopamine est le même que celui utilisé quand on consomme une substance psychoactive, mais aussi quand on a une relation sexuelle par exemple. C’est quand ce circuit se déséquilibre qu’on développe une addiction. »

Mais tout ne se passe pas que dans le cerveau. « On a découvert qu’il y avait des récepteurs au sucre qui se trouvaient au niveau de l’intestin, ajoute le professeur Benyamina. Ce sont eux qui sont probablement impliqués dans cette “addiction”. »

« Au bout de deux jours, j’étais en manque »

Une fois l’habitude installée, difficile de briser le cercle vicieux. Laure, 50 ans, addict depuis l’enfance, a tenté à de nombreuses reprises de freiner sa consommation. « A chaque fois, au bout de deux jours, j’étais en manque, je tremblais, je ne dormais plus. Il a été beaucoup plus facile d’arrêter la cigarette. » Amine Benyamina confirme : « Quand on arrête de consommer, on peut avoir de véritables symptômes de sevrage, avec de l’irritabilité et de la nervosité. » Après une sténose de l’estomac, Laure a fini par réussir. « Pendant trois mois, ça a été une torture mais au quatrième, il s’est passé quelque chose dans mon corps. Je n’avais plus envie de sucre. Ce que j’adorais m’écœure désormais. »

Notre article donnant des conseils pour mieux manger tout en se faisant plaisir

Félix aussi a réussi à casser le cercle infernal. « Il m’arrive encore de ressentir un picotement sur la langue et un afflux de salive lorsque je passe devant le rayon « bonbons ». J’essaye donc de l’éviter mais c’est un travail de tous les jours. » Un travail d’autant plus difficile que, contrairement à certaines substances psychoactives, le sucre est omniprésent.