France

Nicolas Sarkozy incarcéré : plainte d’un collectif d’avocats contre Gérald Darmanin.

Un collectif d’une trentaine d’avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République contre Gérald Darmanin pour « prise illégale d’intérêts ». Rémy Heitz, le « premier procureur de France », a dénoncé une « atteinte à l’indépendance des magistrats » en réaction à l’annonce de Gérald Darmanin de se rendre au chevet de Nicolas Sarkozy.


C’est une visite qui pourrait avoir des conséquences importantes pour Gérald Darmanin. Un collectif de trente avocats a déposé une plainte auprès de la Cour de justice de la République contre le ministre de la Justice pour « prise illégale d’intérêts ». Cette plainte fait suite à son déplacement mercredi soir à la prison de la Santé pour rendre visite à Nicolas Sarkozy, incarcéré après sa condamnation pour « association de malfaiteurs ». « Le lien qui les unit est peut-être amical, mais Gérald Darmanin utilise sa fonction de garde des Sceaux dans ce dossier. Il n’a pas simplement envoyé un texto à Nicolas Sarkozy, il exprime publiquement sa compassion envers l’ancien président, y ajoutant une dimension personnelle, alors qu’il a un pouvoir de surveillance sur la justice », estime Me Jérôme Karsenti, l’un des avocats à l’origine de cette démarche.

Pour bien comprendre la situation, un rappel des principes juridiques s’impose. La « prise illégale d’intérêts » correspond au concept de conflit d’intérêts. En résumé, lorsqu’une personne occupe une fonction publique, ses intérêts privés doivent s’effacer afin de préserver son objectivité et son indépendance. Selon la jurisprudence, cet intérêt n’est pas forcément matériel, mais peut également être « moral et plus précisément amical ».

Dans ce contexte, c’est la fonction de Gérald Darmanin qui est critiquée. En tant que ministre de la Justice, il supervise les magistrats du parquet, ceux responsables de la poursuite des affaires. Cependant, selon le collectif, en exprimant publiquement sur France Inter ou sur X sa « tristesse » pour son ancien mentor et en affirmant ne « pas être insensible » à sa « détresse », il prend « implicitement position ». « Quelle sera la marge de manœuvre des procureurs qui seront chargés de décider concernant sa demande de remise en liberté ou lors de son procès en appel ? », s’interroge Me Jérôme Karsenti.

Ces préoccupations font écho aux inquiétudes des magistrats eux-mêmes. Rémy Heitz, le « premier procureur de France », a été le premier à s’exprimer lorsque Gérald Darmanin a annoncé son intention de rendre visite à Nicolas Sarkozy, dénonçant une « atteinte à l’indépendance des magistrats » dans un contexte de violences accrues à leur encontre. La présidente du tribunal ayant condamné Nicolas Sarkozy a reçu des menaces de mort, entraînant plusieurs enquêtes. « Gérald Darmanin n’a pris position que par un tweet concernant ces attaques contre les magistrats », regrette l’avocat.

Bien que la plainte vise uniquement Gérald Darmanin, Me Jérôme Karsenti critique également l’attitude d’Emmanuel Macron, qui a reçu l’ancien président à l’Élysée quelques jours avant son emprisonnement. « C’est très grave car le président est le garant de l’indépendance de la Justice. Cela est clairement stipulé dans l’article 67 de la Constitution. En recevant de cette manière Nicolas Sarkozy à l’Élysée, cela affaiblit la décision des juges », déclare l’avocat. Toutefois, aucune action en justice n’est envisageable contre le président, qui bénéficie de l’immunité présidentielle. L’entourage du ministre n’a souhaité faire aucun commentaire.