NBA Paris Games : « C’est le fil rouge de son projet »… Pourquoi Wembanyama arrose-t-il autant à trois points ?
1/8, 0/3, 1/7, 2/9. Non, il ne s’agit pas des feuilles de stats aux lancers francs de prime Shaquille O’Neal ou du ratio de tirs cadrés d’Ousmane Dembélé en Ligue des champions. On sortait des neuf premiers matchs de cette saison NBA et Victor Wembanyama présentait une adresse assez infâme de loin, avec 14/62 cumulés, soit 22,6 %. On a alors pris peur : et si « Wemby » faisait fausse route dans ce registre de glouton derrière la ligne, alors que ses 2,24 m pourraient lui permettre de régner la plupart du temps dans la raquette ?
Oui, mais seulement deux mois plus tard, les chiffres se sont affolés dans l’autre sens concernant le phénomène de l’équipe de France, à son temps de passage symbolique des 100 matchs disputés dans la meilleure ligue du monde. A ce stade de sa carrière, celui-ci comptait plus de points inscrits (2.273) que les machines à scorer LeBron James, Kevin Durant et Kobe Bryant. Mais aussi et surtout plus de trois points convertis (225) que Ray Allen, James Harden et Stephen Curry himself.
« On lui a permis de garder cette polyvalence »
A quand remonte l’envie d’arroser à trois points d’un joueur ayant depuis toujours été plus grand que chacun de ses adversaires ? Entraîneur du phénomène en U11 à Nanterre, le désormais président du club Frédéric Donnadieu nous éclaire sur le sujet : « Victor a commencé à tirer de loin tout petit. Quand il nous a rejoints, le club sortait d’un titre de champion de France de Pro A en s’appuyant beaucoup sur le tir à trois points, ça a compté. Les trois points, c’est le fil rouge du projet de Victor. A Nanterre, on lui a permis de garder cette polyvalence qui est extrêmement naturelle chez lui ».
L’influence de Kevin Durant
Ailier professionnel à Nanterre de 2017 à 2019, Lahaou Konaté allait à cette époque assister aux entraînements du « petit phénomène de 13 ans ». « Victor jouait parfois comme un meneur, raconte-t-il. Ses entraîneurs le laissaient vraiment s’exprimer et il voulait avoir le tir à trois points dans ses armes. Il savait que le basket entrait dans une nouvelle ère, avec plus de tirs lointains. » L’ère de Steph Curry, capable de vous poignarder depuis le rond central, et d’influencer comme peu avant lui tout le basket mondial. Y compris notre géant francilien, malgré leurs 36 cms d’écart ?
« On a plutôt beaucoup parlé ensemble de Kevin Durant, précise Lahaou Konaté, qui a retrouvé « Wemby » dans le monde pro en 2022-2023 à Boulogne-Levallois. Je sais que « KD » est un joueur dont il s’est beaucoup inspiré. » Leur coéquipier aux Mets durant cette sacrée saison en Betclic Elite (finaliste contre Monaco), Steeve Ho You Fat, complète : « Il ne veut pas ressembler à un joueur en particulier mais on sent bien les influences Curry, Durant, LaMelo Ball ou encore Trae Young dans son jeu ».
Difficile pour Vincent Collet d’accepter ses envies
Assumant sa casquette de « pivot à l’ancienne », le vice-champion olympique 2000 Frédéric Weis l’avoue : « Ma position sur le sujet du volume de trois points pris par Victor évolue. Mon problème, c’est d’avoir été un pivot des années 1990, donc le voir s’écarter de la sorte m’a longtemps semblé être une aberration. A mon époque, on cantonnait les joueurs à grand gabarit à jouer près du cercle. Mais il n’a pas du tout le physique d’un « Shaq » pour « poster » ses adversaires ».
L’actuel consultant basket pour beIN SPORTS ne l’imaginait pas pour autant battre Stephen Curry sur quelconque stat liée aux trois points : « Je ne croyais évidemment pas un instant à ça à son arrivée en NBA. Mais on parle bien d’un ovni, débarqué en pleine ère du trois points dans la ligue. Il rêve d’être le meilleur joueur de l’histoire, et pour lui, marquer l’histoire de son empreinte passe aussi par les shoots de loin ».
Il bossait même les tirs à trois points main gauche
A Nanterre comme à Boulogne-Levallois, les souvenirs de « longues routines de shoots à trois points » de la part de « Wemby », à la fin de ses entraînements, sont bien présents. Lucas Dussoulier, qui a côtoyé Victor Wembanyama en 2020-2021 à Nanterre, glisse même une habitude plus insolite : « Il s’entraînait beaucoup à tirer de loin avec sa main gauche. Et il était là aussi très à l’aise, beaucoup de ses shoots rentraient. C’était impressionnant de voir comment sa gestuelle était en place, à seulement 17 ans. Il a toujours été hors normes ».
Ah, les souvenirs de tirs sur un pied à Levallois
Y compris en se mettant à tirer à 8 mètres… sur un seul pied, comme l’affectionnent sa compatriote Marine Johannès et LaMelo Ball. En Betclic Elite avec les Mets, Victor Wembanyama en avait quasiment fait son geste signature. Steeve Ho You Fat revient sur la génèse de ce geste qui a tant fait vibrer les spectateurs français : « Il était bien content de nous l’avoir placé une fois avec opposition durant un entraînement. Dans la foulée, il nous a dit qu’il aimerait bien le tenter en match. Et deux jours plus tard, il le réussissait contre Fos-sur-Mer, avec la faute en prime. On se marrait sur le banc, c’est Victor ».
Son pourcentage grimpe chaque saison
Des facéties que « Wemby » ne reproduit plus aussi souvent en NBA, où il vise avant tout une efficacité maximale. En novembre dernier, il avait enchaîné comme jamais des cartons de loin contre Utah (6/9) et Sacramento (6/12), ce qui faisait suite à sa période de maladresse. Il expliquait alors : « Ce que j’ai changé, c’est que je ne prends pas moins de trois points, mais je pense que je prends de meilleurs trois points ». Mais au fond, quelle différence y a-t-il entre un bon et un mauvais shoot à trois points ?
Vu le talent, l’audace et la confiance du gaillard, c’est dur à dire. Sur le premier NBA Paris Game qu’il a survolé jeudi avec ses 30 points (à 4/11 de loin), « Wemby » a à la fois rentré un shoot contesté à plus de 9 mètres… tout en signant plus tard un air-ball sur un autre trois points en apparence plus facile. Il faut surtout voir que le volume de shoots extérieurs de l’intéressé a énormément gonflé cette saison, avec 9,2 tirs tentés (à 35,4 %) en moyenne par match, contre 5,5 (à 32,5 %) la saison passée, et 5 (à 27 %) lors de sa dernière saison en Betclic Elite avec les Mets.
Notre dossier sur Victor Wembanyama
Comme quoi tout cela répond à une logique : « Wemby » est factuellement plus adroit de loin, saison après saison, donc il en profite pour adapter à la hausse son nombre de tentatives. Avec cette arme, les rêves les plus fous sont peut-être encore davantage permis pour lui, quand on voit que même un certain Michael Jordan avait raflé son cinquième et dernier titre de MVP en 1998 au bout d’une saison marquée par une adresse de 23.8 % à trois points. Oh my GOAT.