Narcotrafics : Amine Kessaci, clé pour l’« iconisation » contre la drogue ?
Amine Kessaci, dont le frère Mehdi a été assassiné à Marseille, est devenu un porte-parole de la lutte contre le narcotrafic. Une marche blanche s’organise à Marseille ce samedi pour la mémoire de Mehdi et contre le narcotrafic, avec la présence annoncée de nombreux hommes et femmes politiques.
Il existe des visages et des noms qui symbolisent des causes et des luttes devant les transcender. Amine Kessaci, dont le frère Mehdi a été tué à Marseille, fait partie de ceux-ci.
Autrefois personnalité locale reconnue pour son engagement contre le narcotrafic, le jeune marseillais de 22 ans a vu son implication franchir récemment les frontières de Marseille. Cette situation a été précipitée par la tragédie du narcotrafic qui a frappé sa famille à deux reprises.
Jusqu’alors cantonné aux médias locaux, Amine Kessaci est désormais devenu le porte-voix de la lutte contre les violences liées au narcotrafic qui rongent la ville, et au-delà. Il bénéficie d’une tribune dans *Le Monde*, d’une apparition au « 20 Heures » de « France 2 », et fait la Une de *Libération* aux côtés de Roberto Saviano, journaliste italien connu pour son ouvrage *Gomorra*, qui, comme lui, vit depuis plusieurs années sous protection policière après avoir dénoncé l’influence de la mafia dans son pays.
Une situation « à double tranchant », selon certains membres de la droite locale à propos d’Amine Kessaci, lié politiquement aux écologistes. « Cela expose à la fois une cible dans le dos et donne un visage au courage, à la tragédie et à l’engagement. Amine Kessaci porte cette responsabilité malgré lui ; pour s’opposer au grand banditisme, des figures de la société et des quartiers doivent se lever. »
Concernant la mobilisation, une marche blanche est prévue à Marseille ce samedi en mémoire de Mehdi et contre le narcotrafic. De nombreux hommes et femmes politiques ont déjà indiqué qu’ils seront présents, alors que la lutte contre le narcobanditisme a récemment suscité de vifs débats.
« Comme toute politique, elle doit être incarnée, et si des visages l’illustrent, c’est mieux », souligne le sénateur Etienne Blanc, rapporteur de la commission d’enquête sénatoriale sur le narcotrafic lancée après l’année 2023 meurtrière ayant vu 50 personnes abattues à Marseille. « Il est donc toujours très utile de s’appuyer sur un mouvement de fond, et pour cela, la médiatisation est cruciale. »
La mise en lumière de ces drames, l’horreur de ces violences, et les discours qui les dénoncent, tout cela crée une figure emblématique permettant « l’émergence de contre-discours qui montrent que les quartiers populaires luttent contre ces trafics, ce qui est souvent trop peu souligné », poursuit le sénateur Blanc, qui considère que « ce discours est beaucoup plus percutant lorsqu’il émane des quartiers plutôt que d’un sénateur en costume cravate. »
Pour l’instant, ce nouvel assassinat, qui marque une intensification de la violence des narcotrafiquants, témoigne d’une nouvelle prise de conscience, certains d’entre eux n’hésitant plus à s’en prendre à des personnes extérieures à leur milieu dans le but d’instiller la terreur et de faire taire.
Ce n’est pas la première fois que des habitants des quartiers touchés par le fléau du narcotrafic tentent de tirer la sonnette d’alarme. C’est ce qu’avait entrepris Hassen Hammou en fondant en 2015 l’association « Trop jeune pour mourir » après la mort d’un proche dans une fusillade à Marseille.
« Nous avons besoin d’incarnation, de visages, de personnes qui s’expriment. Lorsque nous avons créé « Trop jeune pour mourir », la question n’était pas aussi brûlante », juge Hassen Hammou, qui a également fait des incursions en politique avant de se retirer.
« Il est impératif que la société réagisse et s’organise, en s’appuyant sur une action initiée par les proches. L’incarnation crée l’opinion. Cela montre que la société s’organise, que des habitants des quartiers s’opposent à ces trafics », ajoute le trentenaire, pour qui « Amine porte aujourd’hui nos espoirs et nos luttes. Mais sans cela, comment susciter l’espoir dans la ville ? », interroge Hassen Hammou.
En effet, un élan d’espoir et de lutte se manifeste ce samedi à Marseille, avec la tenue d’une marche blanche qui s’annonce largement suivie, ainsi que dans une vingtaine d’autres villes de France. Plusieurs municipalités, dont celles de Bordeaux, Lyon, Montreuil, Saint-Denis, Besançon et Rennes, ont d’ores et déjà annoncé l’organisation de rassemblements.
