France

Nantes : Un animateur jugé pour agressions sexuelles sur 13 enfants

Mélanie et son mari ont appris le 19 mars 2019 que leur fille de 4 ans était victime d’agressions sexuelles par un animateur périscolaire à l’école maternelle du Chêne-Creux à Rezé. Selon l’avocate Me Grimaud, plusieurs familles ont également signalé des faits similaires et des expertises psychologiques réalisées deux ans plus tard ont mis en cohérence les symptômes post-traumatiques avec les dénonciations des victimes.


Pour Mélanie* et son mari, tout a basculé dans l’après-midi du 19 mars 2019. Alors que leur fille de 4 ans est inscrite au Chêne-Creux, une école maternelle de Rezé près de Nantes, ils apprennent par le biais d’une voisine qu’un animateur du périscolaire est suspendu en raison de soupçons d’agressions sexuelles sur une enfant.

« C’est un animateur que personne ne voyait jamais, se souvient Mélanie, il terminait toujours sa journée avant que je ne récupère ma fille. » Le soir même, elle engage une discussion avec sa fille et réalise que celle-ci est elle-même victime. Des faits d’agressions sexuelles qu’elle préfère ne pas évoquer car « trop douloureux ».

Expertises psychologiques

Malgré le choc, le mari de Mélanie se rend au périscolaire dès le lendemain. « Le personnel de la mairie a pris nos coordonnées et nous avons été rappelés par la brigade des mineurs de Nantes afin de convenir d’un rendez-vous à l’unité d’accueil des enfants en danger (UAED) », précise la quarantenaire. Plusieurs familles rapportent des faits similaires dans le même temps. « Les propos des parents au cours de l’audience iront au-delà » de la qualification d’agressions sexuelles, précise Me Grimaud, avocate représentant dix familles de victimes. Elle mentionne des cas d’exhibitionnisme, de scatophilie, des attouchements et une pénétration. Des faits que le prévenu « n’a jamais avoué », souligne l’avocate.

Lors de l’audience, la défense devrait souligner l’âge des victimes et l’absence de preuves. Toutefois, « le traitement de la parole des enfants s’est fait de manière très méthodologique », rassure Me Grimaud. Elle ajoute : « Pour l’ensemble des victimes – sauf une –, les parents ne se connaissaient pas et les élèves non plus. Pourtant, les mêmes verbalisations de dynamique d’agressions reviennent. »

Au cours de l’enquête, des examens médicaux et psychologiques « ont mis en cohérence la parole des enfants avec différents symptômes relevés par les parents », continue l’avocate. Les expertises psychologiques, réalisées deux ans plus tard, confirment également « les symptômes post-traumatiques persistants avec les faits dénoncés » : encoprésie (incapacité d’aller à la selle), énurésie (émission d’urine non maîtrisée), troubles du sommeil, repli de l’enfant, comportement hypersexualisé, masturbation compulsive.

Une affaire qui fait écho aux agressions révélées dans des écoles parisiennes

Six ans après les faits, l’affaire fait écho à la « recrudescence importante du nombre de signalements pour des violences sexuelles » par des animateurs périscolaire, comme l’a souligné la procureure spécialisée auprès des mineurs du parquet de Paris. Cependant, en 2019, la mise en lumière de telles accusations n’était pas si évidente.

« Les dossiers pour agressions sexuelles sur mineurs ont toujours existé, mais beaucoup de parents ne se sentaient pas légitimes à déposer plainte », constate l’avocate spécialiste du sujet. « En 2019, il y avait beaucoup de résistances à engager des procédures sur des jeunes enfants au sein des écoles. » Selon l’avocate, le processus d’accueil des victimes de Rezé a « été bien plus développé et pris au sérieux que pour d’autres affaires de l’époque ».

Déjà signalé pour une agression sur une collégienne

Au cours de l’enquête, Mélanie et les autres parents ont appris que l’animateur avait intégré le périscolaire après un premier signalement d’agression sur une collégienne dans un autre établissement. « La mairie avait simplement déplacé l’animateur », déplore la Rezéenne. À son arrivée, les animateurs du périscolaire auraient eu pour consigne de ne pas le laisser seul avec des mineurs. Bien qu’ils estiment que leurs enfants n’ont pas été mis en sécurité, les parents souhaitent, lors du procès, « protéger » de potentielles futures victimes.

Très jeune au moment des faits, la fille de Mélanie a aujourd’hui 11 ans. « Ses souvenirs sont parfois brouillés mais très présents », indique sa mère. Toujours scolarisée à Rezé, ses parents ne voulaient pas lui imposer de « double punition ». « Elle aimait son école et les amis qu’elle avait là-bas », évoque Mélanie, dont le deuxième enfant est également scolarisé dans cet établissement. Comme les autres victimes, la fille de Mélanie ne sera pas présente au procès.

*Le prénom a été modifié.