Musée du Louvre : Titien, Véronèse… A quelles peintures va bénéficier le déménagement de la Joconde ?
Au Louvre, dans la salle des Etats
Un jour d’affluence comme un autre pour Mona Lisa. Dans la salle 711 du Louvre, la plupart des visiteurs sont étrangers, et ne savent rien des annonces d’Emmanuel Macron. Cela ne les empêche pas, comme à l’accoutumée, de s’agglutiner au plus près du chef-d’œuvre pour la photographier. « C’est la peinture la plus célèbre du monde, mais pas la plus regardée », sourit Céline Dauvergne, chargée de communication au musée qui nous fait visiter la salle.
Malédiction de la Joconde, les autres œuvres ne sont pas beaucoup plus regardées. Installée au centre de la plus grande salle du Louvre sur un pan de mur spécialement dressé, l’œuvre de De Vinci aspire immédiatement le flux de touristes. Preuve de sa force d’attraction, un touriste américain nous confie « ne pas comprendre pourquoi les gens veulent tant voir la Joconde ». Lui-même trouve Les noces de Cana, le plus grand tableau du musée installé en vis-à-vis, plus belles. Avant de s’excuser pour tourner un live Instagram… sur la Joconde. Le départ de Mona Lisa serait-il finalement une aubaine pour la quarantaine de tableaux qui garnissent les murs de la salle ?
La salle de la Joconde, ou une « intruse » ?
« La Joconde est une intruse dans cette salle », admet Sébastien Allard, le directeur du département des Peintures. En raison de l’affluence qu’elle suscite, Mona Lisa se devait être placée dans la plus grande salle du musée, une courte tentative de la laisser dans la Grande Galerie ayant tourné « à la catastrophe » dans les années 1980. Or, le chef-d’œuvre de peinture florentine jure avec « la plus belle collection au monde de peintures vénitiennes », au point de l’éclipser.
« Lors de la rénovation de la salle en 2005, tout a été fait autour de la Joconde, avec des murs jaunes pour la mettre en valeur. En 2019, on l’a refait mais à l’inverse, en considérant qu’elle se défend toute seule », explique-t-il. Désormais, les murs de la salle des Etats sont d’un bleu profond, une « ambiance chromatique fait pour favoriser la peinture vénitienne ». En s’y attardant, l’effet de contraste permet en effet à l’œil de mieux apprécier les toiles de maître.
« Les gens oublient les autres œuvres »
Mais les paravents, de chaque côté de l’espace réservé à la contemplation de la Joconde, empêchent de prendre correctement du recul pour admirer des œuvres parfois gigantesques, comme le Jupiter punissant les Vices de Véronèse. Le plus mal loti est peut-être le Tintoret, placé sur le côté de la Joconde, au plus fort de « l’effet couloir ». Son sublime Couronnement de la Vierge s’en trouve presque invisible, et personne ne s’arrête devant son saisissant Autoportrait, presque « brutal » dans sa manière d’assumer sa vieillesse, explique Céline Dauvergne.
Sur le mur de droite, l’Homme au gant et la Femme au miroir du Titien figurent parmi les chefs-d’œuvre desservis par Mona Lisa. « C’est vrai qu’il faudrait revenir pour apprécier les autres œuvres », admettent Emilie et Lucia, à la sortie de la salle. « La Joconde a une place trop centrale, les gens finissent par oublier les autres œuvres », regrette de son côté Mattéo, qui s’est lui arrêté devant la Vierge au lapin du Titien et sa copie par Manet. « L’autre inconvénient d’avoir la Joconde, c’est la difficulté de faire des travaux. La plupart des visiteurs ne viennent qu’une fois, donc on ne peut pas fermer la salle et les empêcher de voir le tableau le plus célèbre du monde », même pour changer la configuration des lieux, explique Sébastien Allard.
Des Noces de Cana à Delacroix, un dialogue à établir
Derrière le mur de la Joconde, trois tableaux attendent leur public, malgré une foule bien moins dense. Dans cette partie de la salle des Etats aussi, l’aura de Mona Lisa, analysée sur deux panneaux explicatifs, capte les spectateurs. Au détriment notamment de la Flore de Bordone, aux velours plus vrais que nature.
Retirer la Joconde de la salle des Etats permettrait aussi de « créer un dialogue avec les peintres français du XIXe siècle », installés dans les salles rouges situées juste après, reprend Sébastien Allard. Dans le traitement de la couleur notamment, les Géricault et Delacroix se sont largement inspirés des maîtres vénitiens, un lien qui devient évident en s’abstenant de regarder la Joconde. Des Noces de Cana à la Liberté guidant le peuple, chatoyante après sa restauration et seconde œuvre la plus représentée à la boutique du musée, les peintures majeures du Louvre attendent de savoir qui sera la nouvelle star de l’aile Denon, sans Mona Lisa.