Municipales 2026 : Un tirage au sort pour une liste ?
Stéphane Lenfant, vice-président du conseil départemental d’Ille-et-Vilaine, brigue de nouveau le fauteuil de maire à Noyal-sur-Vilaine pour les municipales de 2026 après deux échecs en 2014 et 2020. Angoulême Collectif a tiré au sort 350 foyers pour expliquer sa démarche, mais seulement une personne a accepté de rejoindre la liste, bien loin de l’objectif de dix.
Il brigue de nouveau le poste de maire. Après deux échecs en 2014 et 2020, Stéphane Lenfant relance sa campagne pour les élections municipales de 2026 à Noyal-sur-Vilaine, commune située à l’est de Rennes. Pour composer sa liste, le vice-président du conseil départemental d’Ille-et-Vilaine a décidé d’innover en réservant dix places à des habitants de la commune choisis par tirage au sort. « On retrouve souvent sur les listes des personnes issues du même cercle d’affinités, souligne l’élu de gauche. On souhaite cette fois élargir la liste pour qu’elle soit la plus diverse et représentative possible en proposant à des personnes éloignées de la vie politique locale ou qui ne se sentent pas légitimes de s’engager de nous rejoindre. »
Au cours des dernières semaines, 200 habitants de Noyal-sur-Vilaine, inscrits sur les listes électorales, ont ainsi reçu un courrier leur indiquant qu’ils avaient été tirés au sort. Une réunion a également eu lieu cette semaine pour leur expliquer la démarche. « Nous les recontacterons en début d’année pour voir s’ils souhaitent faire partie de la liste, mais nous ne les forçons pas, nous voulons qu’ils fassent un choix éclairé », assure l’élu de gauche, qui constate un désintérêt croissant des citoyens pour la démocratie locale. « Il est désormais plus difficile de mobiliser les gens, indique Stéphane Lenfant. Beaucoup sont écœurés par le contexte politique national et cela a des répercussions au niveau local. Ce principe de tirage au sort est une manière de tenter de réparer ce malaise. Nous verrons si cela fonctionne, mais au moins nous essayons quelque chose. »
Bien qu’innovante, la méthode du candidat breton n’est pas sans précédent. Lors de la campagne de 2020 pour les municipales à Paris, le candidat dissident LREM Cédric Villani avait réservé 48 places sur ses listes à des citoyens choisis par tirage au sort. Plusieurs listes participatives et citoyennes à travers le pays avaient également emprunté cette voie, réussissant à intégrer des novices en politique au sein des conseils municipaux. Après la crise des « gilets jaunes », Emmanuel Macron avait également eu recours à ce tirage au sort durant le grand débat national lancé en 2019, poursuivant ensuite cette méthode pour les conventions citoyennes sur le climat, la fin de vie et, plus récemment, sur les temps de l’enfant.
Dans une France profondément divisée et désillusionnée par le spectacle peu reluisant de la classe politique ces derniers mois, le tirage au sort peut-il alors revitaliser la démocratie locale ? « Ce n’est pas la solution miracle, mais c’est un outil de mobilisation intéressant pour impliquer les citoyens, notamment ceux qui sont les plus éloignés », souligne Thomas Simon.
Le cofondateur de Fréquence Commune, une coopérative conseillant les collectifs souhaitant établir une liste participative et citoyenne, a d’ailleurs développé avec ses équipes une nouvelle méthode de tirage au sort. « Nous pouvons nous baser sur les listes électorales, mais nous ne couvrons pas alors toutes les personnes inscrites, affirme-t-il. Nous pouvons aussi utiliser des instituts de sondage mais cela a un coût. Nous avons donc créé une application qui génère aléatoirement un panel d’adresses parmi toutes celles de la commune, et une fois la liste obtenue, nous faisons du porte à porte. »
Cette méthode est également utilisée par Angoulême Collectif, qui va présenter une liste aux municipales, pour tirer au sort ses futurs colistiers. « Nous avons constaté que nous avions tous au sein du collectif un bagage social similaire, c’est-à-dire que nous sommes tous de la classe moyenne, plutôt bobo et de gauche, témoigne Céleste. Nous voulions donc ouvrir notre liste à des profils différents pour permettre au plus grand nombre de s’exprimer. »
Juste avant l’été, les militants d’Angoulême Collectif ont donc frappé aux portes des 350 foyers tirés au sort pour leur expliquer leur démarche. Les réponses ont été contrastées. « Certaines personnes étaient intéressées, mais nous avons aussi rencontré des portes claquées au nez ou des discussions avec des gens qui n’étaient pas forcément de notre bord, se souvient une membre du collectif. Mais c’est le jeu et cela nous a permis de dialoguer avec des habitants que nous n’aurions jamais rencontrés autrement. » Six mois plus tard, le bilan de cette expérience est plutôt mitigé. Sur les 350 personnes tirées au sort, seule une a accepté de rejoindre la liste, bien loin de l’objectif initial d’en attirer une dizaine.
« Nous avons vu les limites de l’exercice et tous les freins à l’engagement tels que le manque de temps ou d’envie, poursuit Céleste. Même si cela n’a pas fonctionné comme nous l’aurions souhaité, nous avons au moins tenté et nous devions le faire. » Angoulême Collectif n’a pas abandonné l’idée d’attirer des personnes extérieures sur sa liste, avec huit places encore réservées. « Cependant, cette fois-ci, cela ne se fera pas par tirage au sort, mais plutôt sur un principe de cooptation », précise la bénévole. En politique comme ailleurs, le tirage au sort ne garantit donc pas le succès à tous les coups.

