Municipales 2026 : Quel bilan pour les maires écolos des grandes villes ?

A Lyon, Strasbourg et Bordeaux
Ils ont créé la surprise en étant élus maires en 2020 : Grégory Doucet à Lyon, Jeanne Barseghian à Strasbourg et Pierre Hurmic à Bordeaux. Au terme d’un premier mandat, ces maires écologistes vont-ils réussir à ancrer localement leur parti Les Ecologistes (ex-EELV) dans la durée ?
Leur candidature officielle pour les municipales de mars 2026 devrait intervenir le plus tard possible, un luxe des sortants, mais le trio va probablement briguer un second mandat. En cinq ans, leurs actions ont-elles convaincu les habitants et quelles sont leurs chances de rester à la tête de leurs villes ?
Du bon air dans des villes piétonnes et végétalisées
Grégory Doucet avait promis de rendre Lyon « plus respirable »… Et il l’a fait. Depuis 2020, c’est « -23 % de dioxyde d’azote, -11 % de particules fines dans l’air et une baisse de 25 % des émissions de CO2 », a rappelé l’élu lors d’une interview à 20 Minutes en février dernier. Comment en est-il arrivé à ce constat ? D’abord, par la végétalisation : depuis 2019, Lyon a regagné 13 hectares sur le bitume. Mais aussi, avec la piétonnisation. Plusieurs rues, notamment celles devant les écoles, sont interdites à la circulation. Même initiative à Bordeaux avec des « rues aux enfants » pointées par Jean Petaux, politologue, comme « porteur en termes de retombées politiques » en touchant directement les parents d’élèves.
« Au printemps, nous aurons planté dans nos rues 57.000 arbres, amortisseurs de nuisance et abaisseurs de chaleur », pointait Pierre Hurmic le 17 janvier dans des vœux à la presse aux accents précoces de campagne. Il a aussi pointé une amélioration de la qualité de l’air à Bordeaux devenu un « modèle de mobilité douce » avec encore cette année 21 kilomètres de voies de bus express supplémentaires.
A Strasbourg aussi, la végétalisation est de mise pour lutter contre les inondations et les îlots de chaleurs en été, avec près de 50.000 m2 qui ont été plantés depuis le début du mandat et 65.000 m2 qui ont été désimperméabilisés. La capitale alsacienne a aussi conforté sa place de numéro un sur le vélo avec des pistes vélo tous azimuts dotées d’un budget important de 100 millions pour cent chantiers dont « le Ring cyclable », qui consiste en un réaménagement du pourtour du centre-ville. Aujourd’hui, la ville compte le premier réseau vélo de France avec plus de 600 km d’itinéraires cyclables.
Une des grandes réussites du mandat de Jeanne Barseghian consiste à avoir transformé le marché de Noël en évènement écoresponsable avec par exemple un tri complet des déchets, la valorisation des biodéchets en gaz et la réduction de la facture énergétique.
Des attaques attendues, sur la sécurité
Sans aucune surprise, la droite a attaqué ces maires écologistes sur le volet de la sécurité. « Pierre Hurmic l’a géré de façon intelligente, estime Jean Petaux, peut-être plus subtilement qu’Éric Piolle [Grenoble] et Grégory Doucet. » Alors qu’il y était opposé au début de son mandat, il a par exemple finalement consenti à armer la police municipale. Sur ce dossier, le maire bordelais a su se bâtir une image d’homme de compromis, mais qui pourrait être perçu comme un renoncement (voire une trahison) par une partie de son électorat. La menace d’une coalition de déçus, qui pourrait le déborder par sa gauche, plane à l’approche des municipales, selon Jean Petaux.
A Lyon, si 63 % des personnes interrogées pour un récent sondage Ifop-Fiducal sont mécontentes sur le volet de la sécurité, Grégory Doucet se défend avec sa volonté de porter les effectifs de la police municipale à 365 agents et rappelle que Lyon est la « deuxième ville la mieux équipée » en caméras de vidéosurveillance après Nice. A la fin de son mandat, il y en aura 630.
Après des critiques d’habitantes inquiètes pour leur sécurité, Pierre Hurmic a aussi réintroduit l’éclairage public à Bordeaux, sur des axes structurants où il avait été réduit, pour des raisons d’économie d’énergie. « Il a su faire fi de ceux dans son équipe qui ont des positions moins pragmatiques », commente le politologue. A Strasbourg également, la politique de réduction d’éclairage public est contestée par des associations féministes.
La circulation est apaisée à Lyon, grâce à une piétonnisation couplée à la limitation à 30 km/h sur toute la ville qui a permis de réduire le nombre d’accidents de la route. Mais c’est aussi sur ce sujet de la circulation que Grégory Doucet est critiqué. Les travaux pour donner plus de places aux piétons, ainsi qu’aux vélos et aux transports en commun (avec plusieurs prolongements de lignes de tram et l’inauguration du BHNS) impliquent un trafic automobile saturé et de nombreux embouteillages sur certains axes.
A Strasbourg, la politique du stationnement n’a pas toujours été comprise et acceptée, ni la réduction des heures d’ouverture des musées. Mais le véritable camouflet pour Strasbourg reste celui du seul grand projet structurant du mandat, le projet du tram nord qui aurait dû entrer en service en 2027. Il a été retoqué par la commission d’enquête qui a rendu un avis défavorable fin 2024, obligeant l’exécutif Strasbourgeois à reprendre entièrement ce vieux dossier.
Des polémiques concentrées en début de mandat
Certaines polémiques et contestations ont émaillé le mandat de Jeanne Barseghian, comme « l’affaire de la subvention » de 2,5 millions d’euros accordée en 2021 à la mosquée Eyyub Sultan (puis annulée) et qui a fini par plusieurs prises de becs avec l’Etat et particulièrement le ministre de l’Intérieur d’alors, Gérald Darmanin.
Les Lyonnais et Lyonnaises reprochaient aussi à Grégory Doucet de faire l’objet de « nombreuses polémiques », surtout en début de mandat. Il avait notamment qualifié le Tour de France de « machine véhiculant une image machiste », ce qui avait suscité la controverse. Il avait ensuite refusé de participer à la traditionnelle cérémonie du vœu des Echevins, au nom de la laïcité. Fin janvier 2023, l’élu s’était attiré les foudres de la communauté juive de Lyon, lui reprochant d’avoir invité l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri à une table ronde sur les 30 ans des accords d’Oslo. Depuis… Il semblerait que le candidat à sa réélection se fasse plus discret et fasse plus attention.
A Bordeaux, c’est la polémique du sapin de Noël qui reste la plus marquante sur le mandat, même si elle n’occupe plus les conversations des Bordelais depuis cette sortie sur l’« arbre mort » qui remonte à 2020. Les habitants, d’abord offusqués, se sont finalement habitués à sa version en verre et si elle dénotait au départ, elle n’est plus un sujet. La greffe Pierre Hurmic a-t-elle aussi bien pris au palais Rohan ? Il a en tout cas su se faire accepter par les milieux économiques et vitivinicoles, ces derniers ne lui étant pas forcément favorables à son arrivée.
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S’ils ont commis quelques faux pas en début de mandat, les candidats semblent plus aguerris à un an du scrutin. Les électeurs trancheront en mars 2026.