Municipales 2026 : Duels fratricides à gauche dans les grandes villes ?
A Montreuil, la salle des fêtes est aux couleurs des Insoumis, et les têtes de listes qui se présentent ce 26 novembre espèrent bouter les communistes hors de l’hôtel de Ville lors des municipales de mars 2026. Le programme, qui n’est pas encore abouti, sera dévoilé le 13 décembre.
À Montreuil (Seine-Saint-Denis),
Les néons et les affiches illuminent la salle des fêtes, où le violet, le rouge et le jaune dominent. À Montreuil, les têtes de liste qui se présentent ce 26 novembre ont pour objectif de chasser les communistes de l’hôtel de Ville lors des élections municipales de mars 2026. Manuel Bompard, coordinateur de la France insoumise, et Rima Hassan, eurodéputée et porte-voix de la Palestine, sont présents pour établir un lien entre les réalités politique nationale et locale.
Bastion historique de la gauche, la ville de plus de 100.000 habitants voit entre 60 % et 75 % des voix lui être attribuées lors des élections. Elle s’achemine vers une compétition interne acharnée. Bien que Patrice Bessac, maire communiste à la tête d’une alliance avec le PS et LFI, n’ait pas encore confirmé sa candidature, celle-ci semble probable. Un bilan mettant en avant les 200 initiatives du maire sur la justice sociale et climatique a été distribué dans les boîtes aux lettres à la fin du mois d’août.
« Une candidate LFI, ça fait grincer quelques dents »
Réélu dès le premier tour en 2020, Patrice Bessac se trouve désormais face à une autre campagne. « Une candidate insoumise à la mairie de Montreuil, je ne vais pas cacher que ça crée quelques tensions, s’amuse Sayna Shahryari, 37 ans, cadre dans le social et tête de liste. Cela heurte certains intérêts bien ancrés. Le maire, en poste depuis onze ans, aurait aimé obtenir un troisième mandat sans rivalité sur cette élection. »
Alors que LFI avait présenté des listes dans 100 localités en 2020, le parti compte concourir dans plus de 500 communes en 2026, y compris toutes les villes de plus de 100.000 habitants et la plupart de celles de plus de 30.000 habitants. « La France insoumise a radicalement évolué dans sa stratégie, observe Rémi Lefebvre, professeur de science politique à l’université de Lille. Il existe une véritable volonté de transformer les villes avec un programme. » Cela vise également l’élection présidentielle de 2027.
« LFI a un pouvoir de nuisance »
Face à des élus de gauche, des députés connus vont s’affronter, à l’image de Sophia Chikirou à Paris contre le socialiste Emmanuel Grégoire, qui souhaite succéder à Anne Hidalgo. À Marseille, Sébastien Delogu se mesurera au maire sortant Benoît Payan (PS-PCF-EELV). À Lyon, l’insoumise Anaïs Belouassa-Cherifi se présentera contre le sortant Grégory Doucet, à la tête d’une coalition PS-PCF-EELV, et à Montpellier, Nathalie Oziol affrontera l’union des gauches incarnée par Michaël Delafosse. « LFI a un pouvoir de nuisance, mais il est incertain qu’ils puissent gagner dans de nombreuses villes, estime Rémi Lefebvre. Ces élections municipales seront très difficiles, car ils ne pourront pas s’imposer seuls au deuxième tour, ils devront envisager des alliances. »
Dans ce contexte, les actions de solidarité avec la Palestine prennent une place croissante dans la campagne, comme lors des élections européennes. Ovationnée à Montreuil, Rima Hassan a affirmé que la Palestine était devenue « l’épicentre des luttes à gauche », la comparant à la guerre du Vietnam ou à la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. « La Palestine a aussi réajusté les concerns et démasqué une gauche qui nous trahit », a-t-elle ajouté. Pour les Insoumis de Montreuil, Patrice Bessac a tardé à afficher le drapeau palestinien sur la façade de l’hôtel de Ville et « a utilisé le terme génocide à contrecœur, après vingt mois de guerre », déplore Sayna Shahryari.
Avec le slogan « Faire mieux pour Montreuil », la candidate et ses trois colistiers, Sabrina Ali Benali, Cheick Mamadou Sy et Sylvain Noël, contestent le bilan social du maire, « refusant un Montreuil à deux vitesses ». Ils dénoncent également l’expulsion de familles sans domicile d’une école désaffectée fin 2024, des investissements inégaux entre le haut et le bas Montreuil, la partie plus proche de Paris et mieux desservie, etc. Le maire Patrice Bessac n’a pas souhaité répondre à nos demandes d’information.
Pour les sortants, la carte de la continuité
Avant le meeting, Alexandre, adhérent LFI depuis 2012, se posait des questions sur la pertinence de cette candidature face aux communistes. À la fin de l’événement, il est désormais convaincu. « Ils ont tout à fait le droit de le faire, estime ce communicant de 38 ans. En 2012, nous n’imaginions pas que ce parti se présenterait aux municipales, y compris contre la gauche. Aujourd’hui, cela donne beaucoup d’espoir. » Le programme, en cours d’élaboration, sera présenté le 13 décembre.
Les maires sortants, à la tête d’une coalition de gauche, devront « jouer la carte de la continuité, cherchant à apparaître comme les candidats de l’unité, afin de ne pas davantage diviser une gauche déjà affaiblie, tout en soulignant leur bilan positif », souligne le politologue Rémi Lefebvre. En cas de compétition, ce ne serait pas le premier affrontement entre factions de gauche à Montreuil.
Lors des législatives de juin 2024, Sabrina Ali Benali s’était présentée face à Alexis Corbière, bras droit de Jean-Luc Mélenchon depuis trente ans, qui n’avait pas obtenu le renouvellement de son investiture. Le dissident LFI a remporté cette circonscription, incluant Montreuil et Bagnolet, avec près de quinze points d’avance. Malgré cette défaite, Sayna Shahryari reste confiante en ses chances de victoire. En juin 2024, lors du premier meeting du Nouveau Front Populaire sur la place Jean-Jaurès, à côté de cette même mairie, François Ruffin, autre membre écarté de LFI, affirmait qu’à Montreuil chaque élection était une primaire de la gauche. Réponse en mars.

