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Municipales 2026 à Paris : Le retrait d’Anne Hidalgo aiguise les ambitions et les couteaux

Elle aura tenu douze ans. Ce mardi, chez nos confrères du Monde, Anne Hidalgo a annoncé qu’elle ne briguera pas un troisième mandat en 2026. Deux mandats à se voir accusée de tous les maux parisiens, du moindre nid-de-poule à la future fin du monde. De quoi éreinter (l’autre) dame de fer de la capitale, maire de toutes les batailles municipales, jusqu’à ses JO de Paris 2024, son apothéose.

En annonçant la fin de son règne à l’Hôtel de Ville de Paris, Anne Hidalgo a lancé, de fait, les élections municipales de 2026. Officieusement, puisque ultra-favorite à sa propre réélection, elle ouvre en grand une fenêtre à tous les prétendants. Mais aussi officiellement en désignant son successeur en la personne de Rémi Féraud, sénateur et président de la majorité au Conseil de Paris.

Deux candidats « naturels » déclarés au PS

Mais le titre honorifique de « dauphin » désormais affublé à l’ancien maire du 10e arrondissement ne lui garantit en rien une victoire en 2026 et tous ceux qui voudraient lui ravir la place ont dix-huit mois pour affiner leur stratégie et affûter leurs couteaux.

Certes, l’adoubement de la maire sortante lui donne un avantage certain, et lui garantit bon nombre de soutiens dans l’équipe municipale actuelle, à commencer par Lamia El Aaraje, adjointe, proche d’Anne Hidalgo, et surtout, première secrétaire de la fédération parisienne du Parti socialiste.

Toutefois, Lamia El Aaraje a confirmé ce mardi à BFM TV que Rémi Féraud, comme n’importe quel autre prétendant socialiste devra passer par un « processus de désignation interne » dans lequel il se retrouvera sans doute face à Emmanuel Grégoire.

Primaire ou pas ?

Exfiltré vers l’Assemblée nationale lors des législatives anticipées en juin dernier en raison de sa proximité avec Olivier Faure et de ses prétentions, à peine voilées, l’ancien premier adjoint et désormais député de la 7e circonscription de Paris a annoncé publiquement sa candidature au siège de maire la semaine dernière. Il devrait recevoir des soutiens à l’intérieur du Parti socialiste et en revendique déjà 450 parmi les militants parisiens.

Si le processus de désignation est encore à définir, plusieurs élus de la majorité préféreraient mettre de côté une primaire officielle, souvent jugée « fratricide », voire « suicidaire ». Patrick Bloche, premier adjoint de la maire de Paris, et qui joue souvent un rôle de médiateur au sein de la majorité municipale, nous confirme cette tendance : « Nous avons le temps de voir émerger un candidat. L’important reste d’assumer et de reprendre l’héritage d’Anne Hidalgo. »

La gauche s’accorde sur l’union

Primaire ou non, Ian Brossat, sénateur communiste de Paris et conseiller municipal, souhaite la désignation d’une candidature d’union à gauche. Lui qui se disait « disponible » dans 20 Minutes la semaine dernière pour l’incarner, nous confirme ce mardi la nécessité impérieuse d’une seule et même voix : « Chaque mouvement désignera son candidat ou sa candidate, et nous verrons qui ira. L’important est que tout le monde s’y retrouve. »

Habitués à présenter un candidat distinct au premier tour, comme en 2014 et en 2020, c’est également la voix de l’union qu’on choisit les adhérents écologistes nous indique Antoine Alibert, co-secrétaire EELV de Paris : « Pour la première fois, et à l’unanimité, nos adhérents ont voté pour un appel à l’union de la gauche. C’est le contexte de montée de l’extrême droite en France qui nous oblige à nous donner les moyens de conserver Paris. Une union qui n’exclut aucun parti [même LFI pourtant en disgrâce chez les socialistes parisiens]. »

LFI aux abonnés absents

Selon le militant, les Verts ne craignent, en revanche, pas une primaire et voteront en décembre les modalités de désignation d’un chef de file qui représentera EELV au sein de cette union. « Le bilan d’Anne Hidalgo, c’est surtout le bilan des écolos qui ont poussé pour son application. Et Anne Hidalgo a eu le courage de le faire. Mais son départ ouvre la voie à un changement de leadership au sein de la gauche parisienne vers les écologistes. » Si Antoine Alibert ne souhaite avancer aucun nom, deux têtes ressortent principalement chez les Verts. David Belliard, adjoint d’Anne Hidalgo en charge des transports et des mobilités, très en vue lors de ce mandat, et Anne-Claire Boux, adjointe en charge de la politique de la ville.

Du côté de la LFI, si le parti avait annoncé en 2023 se préparer à devenir « la première force à Paris » pour 2026, avec Sophia Chikirou en possible tête de liste, le parti de Jean-Luc Mélenchon reste discret dans la capitale pour le moment.

Bournazel lorgne le centre et les déçus de gauche comme de droite

Le ralliement des Insoumis ferait des déçus dans la majorité municipale, certains pourraient être tentés de rejoindre la candidature de Pierre-Yves Bournazel. Le conseiller Horizons de Paris qui a déjà reçu le soutien d’Edouard Philippe n’a jamais caché ses prétentions sur la mairie.

S’il n’a pas encore fait de déclaration officielle, celle-ci ne devrait pas tarder. À 20 Minutes, il confie : « Oui, je me prépare, jour après jour, quartier après quartier, méthodiquement, à porter un nouveau projet. » Lui qui ne s’est jamais opposé de manière systématique en Conseil de Paris, a même soutenu certains projets d’Anne Hidalgo, comme les rues aux écoles, par exemple, espère réunir un maximum de personnes, de « la gauche sociale, démocrate et écologiste » à la droite modérée. Il draguera aussi probablement les Bayrouistes et l’UDI qui, sauf candidature surprise de Maud Gatel, n’auront pas de représentant en 2026.

Surtout, il espère convaincre « les Macronistes déçus du ralliement à Rachida Dati » qui peuvent représenter une belle réserve de voix.

Dati superstar contestée

Car c’est bien elle la tête d’affiche de ces municipales de 2026. Si ses déboires judiciaires la laissent tranquille d’ici aux municipales, Rachida Dati, orpheline de sa meilleure ennemie se voit offrir un boulevard vers l’Hôtel de Ville de Paris avec les soutiens Renaissance glanés au gré de son ralliement aux gouvernements Attal puis Barnier.

Elle est le « leader naturel » dont la droite « a besoin pour reconquérir Paris à une gauche extrêmement forte », selon Geoffroy Boulard, maire LR du 17e arrondissement et qui a fondé un groupe dissident, Union capitale, au Conseil de Paris qu’il copréside avec Agnès Evren et… Pierre-Yves Bournazel. « Oui, il existe plusieurs groupes au Conseil de Paris, mais ce n’est pas là que la mairie se joue », explique l’élu qui veut jouer le rôle d’élément fédérateur entre les différentes droites de la capitale.

Les macronistes peuvent peser… mais dans quel sens ?

Reste pour lui à croiser les doigts pour qu’une nouvelle candidature star ne vienne pas mettre des bâtons dans les roues de la ministre de la Justice. Une candidature portée par Gabriel Attal, par exemple, qui s’est vu crédité d’un score d’opinion très favorable à Paris (42 %) dans un sondage Ipsos publié le 17 novembre dernier et dans lequel il devance même Rachida Dati (35 %) et Anne Hidalgo (28 %). Une idée qu’il pourrait approfondir si son avenir national venait à s’obscurcir au gré des prochaines échéances possibles comme des législatives anticipées annonçant des présidentielles compliquées pour les macronistes en 2027.

Un temps cités comme potentiels prétendants au trône de Paris, Clément Beaune et Olivia Grégoire semblent, pour le moment, hors-jeu. « Ce dont doit se méfier principalement Rachida Dati, et c’est le cas aussi pour Gabriel Attal, c’est la tradition parisienne de couper les têtes d’affiche. Paris est un véritable cimetière à vedette nationale, souvenez-vous de Jack Lang, Philippe Séguin, ou plus récemment NKM [Nathalie Kosciusko-Morizet] », explique un élu, fin connaisseur de la politique parisienne. Dont acte.