Mort d’Emile : Timing, incrimination… Les questions qui se posent après le placement en garde à vue de ses proches

L’enquête sur la mort d’Emile Soleil a pris un nouveau tournant ce mardi. Vers 6h30 du matin, les gendarmes de la section de recherche de Marseille ont interpellé les grands-parents du garçonnet ainsi qu’un oncle et une tante à la Bouilladisse, le fief familial, dans les Bouches-du-Rhône. Tous ont été placés en garde à vue pour « homicide volontaire » et « recel de cadavres ». Elles « s’inscrivent dans une phase de vérifications et de confrontations des éléments et informations recueillis lors des investigations », indique avec prudence le procureur de la République d’Aix-en-Provence. Plusieurs perquisitions, notamment au domicile des grands-parents, ont également été menées.
Comment expliquer des gardes à vue vingt-et-un mois après la disparition de l’enfant ?
Selon nos informations, les gardes à vue – les premières de ce dossier aussi sensible qu’exposé – étaient envisagées depuis de longs mois. Elles ne font pas suite à la découverte d’un élément récent crucial mais doivent permettre de confronter les suspects à une série de questionnements – emploi du temps, contradictions – qui ont émergé au cours de l’enquête. « Pendant des mois, les enquêteurs ont collecté des informations, des témoignages, des éléments indiciels. Il faut désormais confronter certains éléments à des personnes centrales du dossier », analyse François Daoust, ancien directeur de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie (IRCGN).
Dans ce dossier à l’issue tragique, il n’y avait plus aucune urgence à précipiter les gardes à vue. Ce régime d’audition étant limité dans le temps – ici, pas plus de 48 heures –, les enquêteurs se sont employés à recueillir le maximum d’éléments avant de procéder aux interrogatoires. Par ailleurs, des gardes à vues avaient été envisagées dès le printemps 2024 mais repoussées en raison de la découverte du crâne de l’enfant par une randonneuse, le 1er avril 2024. De nombreux actes d’enquête avaient alors été menés.
Pourquoi ont-ils été placés en garde à vue et non pas entendus dans le cadre d’une simple audition ?
Ce n’est évidemment pas la première fois que les enquêteurs s’entretiennent avec les proches d’Emile, notamment ses grands-parents qui avaient sa garde au moment de sa disparition. Mais il s’agissait jusqu’alors d’auditions libres. « Ce sont des discussions plutôt informelles, on laisse les personnes parler. Mais si on veut poser des questions sur des éléments du dossier, cela doit obligatoirement s’inscrire dans le cadre d’une garde à vue ou sous le statut de témoin assisté », insiste François Daoust.
La garde à vue signifie que les enquêteurs disposent d’une ou plusieurs raisons plausibles les laissant penser que les suspects ont pu commettre ou tenté de commettre les faits pour lesquels ils sont entendus. « Le fait de maintenir une incrimination forte peut également déclencher la parole, poursuit l’ancien général de gendarmerie. Des personnes peuvent vouloir se défendre d’avoir commis un crime et avouer un délit. »
Pourquoi la famille a été placée sur écoute ?
Après la découverte du crâne de l’enfant, l’information judiciaire a été requalifiée en « homicide volontaire ». Cela ne signifie pas pour autant que magistrats et enquêteurs n’envisagent cette affaire que sous le prisme du meurtre du garçonnet mais choisir une incrimination criminelle offre plus de moyens d’enquête. A commencer par le placement sur écoute de la famille.
Ce genre de décision, qui relève du juge d’instruction, peut permettre de comprendre l’environnement familial : quels liens les différents membres entretiennent-ils ? Font-ils l’objet de menaces ? Comment évoquent-ils les investigations ? Selon nos informations, les interceptions ont permis de mettre en lumière des tensions. Des éléments sur lesquels les gardés à vue seront assurément interrogés. « Les enquêteurs vont confronter les versions des uns et des autres : sont-elles trop similaires ce qui peut interroger sur une possible entente ? Y a-t-il des dissonances ? », précise l’ancien directeur de l’IRCGN.
La piste accidentelle est-elle totalement écartée ?
La thèse d’un accident « n’est absolument pas close », insiste une source proche du dossier. Toutefois, celle d’un égarement de l’enfant qui aurait conduit à sa mort s’éloigne. Plusieurs éléments interrogent les magistrats et les enquêteurs. A commencer par le lieu où a été découvert le crâne de l’enfant. Il se situe à 1,5 km de l’endroit où il a été aperçu pour la dernière fois. Qui plus est, la zone affiche un dénivelé positif. Or, plusieurs experts s’interrogent sur la capacité d’un enfant de 2 ans et demi – même décrit comme débrouillard – à parcourir une telle distance.
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En revanche, un accident suivi d’un « recel du cadavre », c’est-à-dire de la dissimulation du corps, reste parmi les scénarios étudiés. D’où les multiples actes d’enquête menés depuis la découverte d’une partie du corps. Dernier en date : la saisie, le 13 mars en pleine nuit, d’un bac à fleurs appartenant à l’église. Des traces suspectes y avaient été décelées.