Mort de Jean-Marie Le Pen : « Tradis », crânes rasés, Dieudonné… Toutes les extrêmes droites lui rendent hommage
Clivant de son vivant, Jean-Marie Le Pen a réussi l’exploit de rassembler toutes les extrêmes droites de France lors d’un dernier hommage. C’est dans la symbolique église du Val-de-Grâce à Paris, désormais « cœur du service de santé des armées », comme le souligne l’aumônier, que ce dernier a célébré une messe à la mémoire du fondateur du Front national ce jeudi.
Dès 9 heures du matin, avec deux heures d’avance, les premiers militants et sympathisants piétinent devant les grilles du parvis. « Beaucoup de racistes au même endroit, la branche extrême droite de l’extrême droite », s’indigne Gabriel, élève au lycée Sévigné, à quelques minutes des lieux. Cet étudiant en terminale, fier de porter des idées de gauche, est d’autant plus outré par l’événement que son lycée situé à 300 mètres rend régulièrement hommage à cinq anciens élèves déportés et morts à Auschwitz.
« Ils ont tous la même gueule, manteau long et bottines », remarque Hector, un de ses camarades de classe venus par curiosité. « Il y a un mec avec une casquette Trump qui vient de passer », observe-t-il, estimant qu’en fait d’autres catégories se distinguent dans le public : « les bons cathos tradis et les vieux riches un peu aigris du 16e [arrondissement] ». « Il y a aussi les jeunes fascisés par TikTok et des classes plus populaires », ajoute Gabriel. « En fait, il n’y a plus trop de profil type », tranche finalement Ruben.
Les négationnistes hors des murs
Cette diversité dans le public s’explique par la présence des différents courants de l’extrême droite : de la vieille garde des militants du Front national, en passant par la nouvelle génération de la ligne Jordan Bardella jusqu’aux groupuscules d’ultradroite, et sans oublier les nostalgiques de l’Empire napoléonien.
Elle se traduit aussi dans les invités : Eric Zemmour, principal adversaire politique de Marine Le Pen, Bruno Gollnisch, ancien compagnon de route de Jean-Marie Le Pen, Philippe de Villiers, pour la branche royaliste ou encore Bruno Mégret, celui qui a fait scission en 1998.
Exit les profils qui dérangent trop, comme le négationniste Thomas Joly, président du pétainiste Parti de la France, ou Yvan Benedetti, son fondateur. « On sait que ce sont les traites qui dressent la liste, c’est une belle contradiction, Marine Le Pen doit choisir entre rendre hommage à son père et la normalisation », s’agace ce dernier. « C’est lamentable qu’on ne puisse pas rentrer, on est les plus fidèles à Jean-Marie Le Pen, y compris sur la question juive, la critique du lobby juif », abonde, sans filtre, Jérôme Bourbon. Le patron de l’hebdomadaire d’extrême droite Rivarol nous fait cadeau au passage du numéro spécial de son journal consacré au « Monument de la droite nationale française ».
Parmi les sympathisants qui n’ont pas eu d’invitation officielle ou sont arrivés trop tard pour être accueillis à l’intérieur des grilles du parvis, un se fait plus remarquer que d’autres. « Y a Dieudo qui est arrivé ! », lance un anonyme dans la foule remarquant l’ancien humoriste condamné pour antisémitisme venu pour le parrain de sa fille. « Il vous a réservé des surprises dans les jours qui viennent », annonce énigmatique Dieudonné à la forêt de micros tendus vers lui.
Un parvis fleuri de lys et de croix des templiers
Sur les quelque 2.000 personnes venues célébrer la mémoire du « menhir » mort à 96 ans, seulement 400 personnes invitées se trouvent dans l’église quand la cérémonie s’ouvre sur une version allemande des Chœur des esclaves hébreux de Verdi. Dehors, les manteaux Barbour accordés aux casquettes en laine et les vestes bombers décorées d’un drapeau tricolore forment l’éventail de la diversité de l’extrême droite française. Tous peuvent suivre le service religieux grâce aux deux écrans géants placés aux abords de l’église ainsi qu’au livret de messe distribué par le service d’ordre.
Certains passent un cigare aux lèvres, lunettes aviateurs sur le nez, d’autres affichent des tatouages de Kalachnikov, de fleur de lys, de croix des templiers ou encore de croix de Jésus. Des voix reprennent le chant des parachutistes, des corps s’agenouillent pour prier sur les pavés glacés. Jérôme* n’est pas sensible aux chants de messe, il n’est pas pratiquant. Le jeune homme, la vingtaine, est davantage venu pour l’hommage politique car il « partage pas mal d’idées de Jean-Marie Le Pen » qu’il considère « comme le père des patriotes modernes ». Il semble un peu déçu de ne pas avoir entendu de discours de Marine Le Pen, qui a laissé la parole et la lumière à sa sœur Marie-Caroline et sa nièce, Marion Maréchal, applaudie par la foule à la fin de son discours.
Notre dossier sur la mort de Jean-Marie Le Pen
Quand la cérémonie se termine après un dernier chant priant Sainte-Anne de « bénir les Bretons », les téléphones se dressent, la foule s’agite, la chevelure blonde de l’héritière Le Pen passe la grille du parvis. Marine Le Pen s’apprête à repartir et tout le monde joue des coudes pour avoir sa photo. « On dirait une star à l’avant-première du Comte de Monte-Cristo », ironise Gabriel, lycéen ébahi. A défaut de la photo souvenir, le public pourra repartir avec un livret biographique sur la vie de Jean-Marie Le Pen, qu’on imagine soigneusement affiché sous le crucifix du salon ou rangé avec des objets historiques à la gloire du nationalisme.
*le prénom a été modifié