France

Mort de Jean-Marie Le Pen : Malgré la « dédiabolisation », les membres du RN saluent le « courage » d’un « visionnaire »

Jean-Marie Le Pen est décédé ce mardi à l’âge de 96 ans, refermant une page de l’histoire politique française. Son « rôle dans la vie publique de notre pays pendant près de soixante-dix ans […] relève désormais du jugement de l’Histoire », a déclaré l’Elysée via un communiqué laconique. Une disparition qui soulève une fois encore la question de son héritage politique au sein du Rassemblement national (ex-Front national, qu’il a fondé), alors que le « Menhir » reste une figure controversée, condamnée plusieurs fois par la justice.

Le RN salue « un visionnaire »

Jordan Bardella a été l’un des premiers à réagir publiquement à l’annonce du décès. « Engagé sous l’uniforme de l’armée française en Indochine et en Algérie, tribun du peuple à l’Assemblée nationale et au Parlement européen, il a toujours servi la France, défendu son identité et sa souveraineté », a indiqué sur X l’actuel président du Rassemblement national. Dans un communiqué, le RN « rend hommage » à Jean-Marie Le Pen en retraçant le parcours du « Menhir » de manière laudative. Le parti invoque le « visionnaire », comme de nombreux responsables du mouvement sur les réseaux sociaux.

« Il avait raison avant tout le monde. C’était un visionnaire sur l’immigration de masse, sur l’islamisme ou la mondialisation. Il a eu le courage de mettre ces thématiques en avant il y a trente ou cinquante ans, à une époque où personne n’en parlait », assure ainsi l’eurodéputé RN Gilles Pennelle auprès de 20 Minutes. « Aujourd’hui, le RN a évolué, mais nous savons ce que nous lui devons. Il a semé un chemin dans la difficulté, n’oublions pas d’où nous venons », ajoute ce cadre du mouvement.

Un « hommage » sans les polémiques

Le Rassemblement national ne marque donc aucune distance avec le fondateur du Front national dans ses hommages. Lorsqu’il cite son engagement en Algérie, Jordan Bardella passe sous silence les accusations de torture en 1962, à Alger, à l’encontre du patriarche. Aucune allusion ou presque, non plus, à ses innombrables provocations, sur « les chambres à gaz », « monsieur Durafour crématoire », « les sidaïques » ou encore sa défense du maréchal Pétain. Dans son communiqué, le RN évoque tout juste un homme « qui se plaisait parfois à être polémique ». Le parti vante aussi un « parlementaire parfois turbulent mais toujours respectueux des institutions », alors que Jean-Marie Le Pen était un adepte du coup de poing.

« Il appartient à une autre époque que la notre, c’était un homme libre. Un gaulois réfractaire à la pensée unique, à la bien-pensance. Il pouvait choquer, mais il n’a jamais eu de haine », assure Gilles Pennelle. Ses déclarations racistes ou antisémites lui vaudront pourtant une ribambelle de condamnations judiciaires. « Il parlait librement, parfois, ça l’a mené trop loin », répond sobrement l’élu breton.

Dédiabolisation et héritage

Le parti prévoit-il un hommage officiel pour l’ancien fondateur du Front national ? « On verra, c’est un peu tôt pour en parler », évacue Gilles Pennelle, membre du bureau politique. On se souvient de l’embarras de Marine Le Pen et de ses troupes en octobre 2022 à l’heure de célébrer les 50 ans du Front national, devenu RN. Le parti n’avait alors organisé qu’un simple « colloque » à l’Assemblée nationale, sans gâteau ni bougie. Une manière d’entretenir la flamme sans trop renier la « dédiabolisation », entreprise par Marine Le Pen depuis plusieurs années. « C’est, de son point de vue, une stratégie indispensable pour conquérir le pouvoir : gommer l’aspect sulfureux du passé tout en maintenant les fondamentaux du parti sur l’immigration, la sécurité ou l’identité », nous disait en octobre 2022 Jean-Yves Camus, politologue spécialiste de l’extrême droite.

Notre dossier sur Jean-Marie Le Pen

Marine Le Pen, qui a appris la mort de son père dans un avion la ramenant de Mayotte, avait fini par l’exclure en 2015 après de nouveaux propos sur la Shoah. Lorsque la justice a confirmé cette décision, trois ans plus tard, l’intéressé s’amusait à réciter quelques vers sur son « héritage » perdu. En piochant dans un poème de… Robert Brasillach, auteur viscéralement antisémite, fusillé à la Libération pour collaboration.