Mort de Jean-Marie Le Pen : A La Trinité-sur-Mer, on ne veut pas « devenir comme Colombey-les-Deux-Eglises »

A La Trinité-sur-Mer,

« C’est un temps à ne pas sortir en mer. Un temps à ne rien faire, d’ailleurs ». Sur les quais du port de La Trinité-sur-Mer, balayé par des bourrasques et de fortes pluies, Philippe presse le pas pour se mettre à l’abri et rejoindre les copains au bar-tabac du coin. Dans ce refuge « de vieux lascars », on papote ce mercredi matin autour d’un café ou d’un verre de blanc, avec comme thème de discussion le temps pourri ou le classement du Vendée Globe. Mais aussi, bien sûr, de la mort de Jean-Marie Le Pen, « Jean-Marie » comme ils disent, décédé la veille à l’âge de 96 ans.

« C’est un enfant du pays, donc je ne dirai rien par respect pour sa mémoire », lance direct un habitué des lieux. C’est en effet dans cette petite commune balnéaire du Morbihan, située entre Vannes et Quiberon, et à cinq kilomètres de Carnac, que le fondateur du Front national est né en 1928 dans la maison familiale. Le fils unique d’un père marin-pêcheur mort en mer et d’une mère couturière. C’est là aussi que ses obsèques auront lieu samedi après-midi en l’église Saint-Joseph dans la plus stricte intimité, avant son inhumation dans le caveau familial. « Ce ne sera pas la seule personnalité du cimetière puisqu’il y a déjà le chanteur Alain Barrière », glisse Francis, un Trinitain d’adoption.

« Tout le monde respectait son intimité »

Dans le bourg qui surplombe le port, on peine à trouver un chat dans les venelles étroites et sinueuses. « C’est comme ça l’hiver ici, il n’y a que des résidences secondaires et des volets fermés, indique un voisin de la maison familiale des Le Pen. Cela fait longtemps que je n’avais pas vu Jean-Marie, mais on croise souvent ses filles l’été. Ce sont des gens simples et respectueux qui ne font pas de vagues quand ils sont ici, et tout le monde les laisse tranquille ».

Dans ce village de 1.700 habitants, pas grand monde en effet pour critiquer le plus sulfureux des hommes politiques français, qui ne manquait jamais de rappeler ses origines bretonnes et modestes. « Il était apprécié et respecté ici, pas pour ses idées politiques mais parce qu’il est Trinitain et qu’il était resté attaché à sa commune », indique Arthur, la trentaine. « Je n’adhère en rien à ces idées qui me donnent la nausée. Mais quand il venait ici, il était dans une sphère privée et tout le monde respectait son intimité », poursuit Évelyne. Qui en profite au passage pour rappeler que les candidats du Front national et du Rassemblement national ont « toujours pris des vestes à chaque élection dans la commune ». « Ce ne sont pas nos valeurs », assène-t-elle.

Une maison discrète dans le bourg

Il n’en demeure pas moins que le nom des Le Pen attire quelques curieux de passage dans la commune. Surtout l’été, quand certains touristes cherchent à connaître l’adresse de la demeure historique du clan. « Mais personne ne dira jamais où elle est, confie Laurence. En Bretagne, on fout la paix aux autres, c’est comme ça ». La maison aux volets bleus est d’ailleurs très discrète dans le bourg, sans boîte aux lettres ni nom sur la façade. Bien loin du faste de la villa de Montretout, aux portes de Paris. « Ce n’est qu’une longère de pêcheurs », confie Florent de Kersauzon, conseiller régional RN du Morbihan.

Ami de longue date de la famille – même s’il s’était brouillé avec Jean-Marie Le Pen « pour une histoire de bateau » –, il sera présent samedi pour les obsèques, espérant qu’aucun débordement ne vienne entacher la cérémonie. « Il faut que la porte se referme et qu’on laisse la famille en paix », assure-t-il.

« Jean-Marie Le Pen n’est pas le général De Gaulle »

Une fois les obsèques passées, La Trinité-sur-Mer conservera-t-elle d’ailleurs son calme ? Ou deviendra-t-elle un lieu de recueillement et de pèlerinage pour tous les sympathisants frontistes et les admirateurs de Jean-Marie Le Pen ? « Il y aura peut-être du monde au début pour déposer des fleurs sur la tombe, mais je ne pense pas que cela durera dans le temps », estime Thierry, qui habite près cimetière.

Croisé non loin de l’église du village, Francis abonde. « La Trinité-sur-Mer ne va pas non plus devenir comme Colombey-les-Deux-Eglises, prévient-il. En tout cas je l’espère, car on a déjà assez de monde l’été. Mais je n’y crois pas une seconde. Jean-Marie Le Pen n’est pas le général de Gaulle, ni une pop star ou une star du foot. Son nom restera dans les livres d’Histoire car il a compté dans le paysage politique français, mais ça s’arrête là ».