Mort de Charlie Kirk : l’extrême droite a-t-elle son « Martin Luther King » ?
Charlie Kirk a été abattu alors qu’il participait à un meeting dans une université de l’Utah, aux Etats-Unis. Une réaction généralisée dans les milieux zemmouristes et identitaires est apparue sur les réseaux sociaux suite à son décès, affirmant qu’il avait été tué par un antifa ou un gauchiste.

« Charlie Kirk est le Martin Luther King de la droite », déclarait l’ancien magistrat George Fenech sur Europe 1, le jour suivant la mort de l’influenceur conservateur, abattu lors d’un meeting dans une université de l’Utah, aux États-Unis. Ce parallèle avec le pasteur afro-américain, tué par un ségrégationniste blanc alors qu’il luttait pour les droits civiques, peut susciter des interrogations. Toutefois, il reflète un discours qui émerge autour de la disparition de Kirk, celui de l’assassinat politique d’un défenseur de la liberté d’expression.
La réaction en France a été marquée par de nombreuses personnalités issues des milieux identitaires et conservateurs, qui ont largement rendu hommage au trentenaire sur les réseaux sociaux ou à travers des mobilisations. Ce vendredi à Paris, un rassemblement a été organisé dans le 8e arrondissement, avec plusieurs participants annoncés : Nicolas Conquer, porte-parole des républicains « Overseas », l’identitaire Damien Rieu, Stanislas Rigault, ancien membre de Reconquête, Erik Tegnér, fondateur du média « Frontières », ainsi que le syndicat étudiant d’extrême droite La Cocarde. Dimanche, Louis Alliot, vice-président du RN et maire de Perpignan, assistera aux obsèques en Arizona au nom du parti.
Cette connexion s’explique par une proximité idéologique mais aussi par une admiration, selon Marion Jacquet-Vaillant, maître de conférences à l’université Paris Panthéon Assas et spécialiste de l’extrême droite. « Pour les identitaires, que ce soit en France ou plus largement en Europe, la bataille des idées est primordiale. Leur but est de faire avancer le débat, d’opter pour des petites victoires qui modifient les lignes, analyse-t-elle. Charlie Kirk incarne cet esprit et ces milieux se reconnaissent en lui. »
Un symbole de la liberté d’expression
Le lien entre Charlie Kirk et la défense de la liberté d’expression est illustré par le visuel du rassemblement de vendredi, qui reprend la typographie et le slogan « Je suis Charlie », popularisé à la suite de l’attentat contre Charlie Hebdo. « C’est une stratégie rhétorique classique de l’extrême droite de s’approprier des slogans, figures, et symboles utilisés par le camp d’en face pour les stigmatiser ou pour réaffirmer leurs propres valeurs », note Arnaud Mercier, professeur en communication à l’université Paris Panthéon Assas. « Se positionner contre la liberté d’expression est difficile, abonde Marion Jacquet-Vaillant. Ce cadre du débat permet de le déporter des idées défendues par Kirk. »
« Il n’appartient plus à lui-même, comme tous les symboles. L’extrême droite en fait un démocrate passionné par la liberté d’expression », ajoute Arnaud Mercier, tout en rappelant les discours racistes et homophobes du trentenaire. Il voit dans ces hommages une forme « d’opportunisme politique ». « Certaines personnalités peuvent y trouver un intérêt. Cela leur permet de gagner en visibilité mais également, de façon narcissique, d’associer leur nom à une cause juste, explique le professeur. Organiser un rassemblement permet de se positionner et de s’associer à un événement controversé : on espère ainsi accroître sa visibilité et se placer du bon côté de l’Histoire. »
« Idées stigmatisées »
La mort de Charlie Kirk, largement médiatisée et politisée, constitue aussi un reflet de la violence politique que les militants d’extrême droite dénoncent à leur égard. « Ils sont très unis autour de l’idée de partager des idées stigmatisées, ce qui aide à renforcer la communauté », souligne Marion Jacquet-Vaillant.
« Dès l’annonce de la mort de Kirk, une réaction massive des milieux zemmouristes et identitaires a émergé sur les réseaux sociaux : l’idée qu’il a été tué par un antifa, un gauchiste, contextualise Jean-Yves Camus, codirecteur de l’Observatoire des radicalités politiques à la Fondation Jean-Jaurès. Cela a résonné en France et dans d’autres pays européens : « Kirk est une victime de la violence des antifas, ces personnes cherchent à nous éliminer ». »
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Un sentiment de menace est exprimé par plusieurs militants évoluant dans ces sphères conservatrices. Depuis l’assassinat de Kirk, le député Eddy Casterman, du parti Identité-Libertés de Marion Maréchal, apparenté au RN à l’Assemblée nationale, a également interpelé le ministère de l’Intérieur pour demander une meilleure protection des lanceurs d’alerte de droite, citant par exemple Damien Rieu, la directrice du collectif Némesis Alice Cordier ou encore Julien Rochedy. « Le message qu’ils souhaitent transmettre est : « nous sommes des cibles » », souligne Jean-Yves Camus, évoquant d’autres « éléments » en ce sens, comme les vidéos repartagées par Frontières ou CNews où l’on peut voir des journalistes malmenés dans les cortèges de manifestations.

